Actualité
Pourquoi l’Arabie saoudite
reporte-t-elle
sa normalisation avec
‘Israël’ ?
Leila Mazboudi
Jeudi 15 octobre 2020
Dans les
apparences, l’Arabie saoudite donne
l’impression qu’elle souffle le chaud et
le froid sur sa disposition à normaliser
ses relations avec l’entité sioniste. Officiellement,
elle exclut pouvoir le faire pour le
moment. Dans ses médias, elle exhorte à
faire la promotion de la normalisation.
Lors des
discussions avec des forums de l’Union
européenne, le ministre saoudien des
Affaires étrangères Fayçal ben Farhane a
informé ses interlocuteurs que son pays
n’allait pas rejoindre les pays qui ont
normalisé avec Israël, ont rapporté les
médias israéliens. Leur assurant
toutefois que le royaume n’allait pas
entraver les tentatives des pays arabes
de normaliser avec Israël.
Il ne l’a
d’ailleurs pas fait avec les Emirats
arabes unis et le Bahreïn, ses alliés
les plus proches dans la région. Il ne
les a même pas critiqués dans ses
positions officielles. Et dans ses
médias, il a sommé les journalistes à
applaudir la démarche, comme l’a révélé
le Washington Post,
« Il n’est pas permis aux journalistes
saoudiens de critiquer les accords des
EAU et du Bahreïn lui a confié un
journaliste qui travaille pour un grand
journal saoudien pour le WP. Alors que
d’autres ont révélé avoir reçu
l’ordre de la part des niveaux
politiques les plus élevés de changer
leur ligne éditoriale.
Ce qui est pour le WP «la preuve
éclatante que les choses vont aller vers
la normalisation ».
Reste à savoir pour
quelles raisons l’Arabie peine-t-elle à
passer à l’acte ?
Dans les
déclarations officielles, Riad avance
comme condition pour entreprendre le
processus de normalisation « des
progrès entre Israël et les Palestiniens
», selon les propos de ben Farhane
devant ses interlocuteurs européens.
Cette même raison avait été invoquée par
ce dernier, lors de sa conférence de
presse à Berlin avec son homologue
allemand le 19 aout dernier, lorsqu’il
avait dit que le royaume n’allait pas
suivre au pas les EAU et le Bahreïn tant
qu’Israël n’a pas conclu d’accord de
paix avec les Palestiniens. Estimant que
les mesures unilatérales israéliennes
d’annexion de la Cisjordanie sapent les
chances de deux Etats.
Riad fait figure
qu’elle est attachée à la condition qui
avait été stipulée par l’initiative de
paix que les pays arabes avaient faite
sous sa houlette, lors du sommet de la
Ligue arabe en 2002 à Beyrouth.
Mais ses
allégations de bienveillance aux droits
du peuple palestiniens ne sont pas
convaincantes pour autant du fait
qu’elles sont contredites par le
traitement de ses médias officiels.
En plus d’applaudir la normalisation,
les journalistes sont sommés de mener
une campagne contre les Palestiniens,
les traitant d’incapables et
d’incompétents de défendre leur cause et
d’avoir perdu l’occasion de leur faire.
Un véritable tapage y est axé sur cette
thématique.
L’ex-chef des renseignements saoudiens
Bandar ben sultane s’en est fait le
chantre lors d’une interview la semaine
passée pour la chaine saoudienne al-Arabiyat.
De plus, selon le
WP, les journalistes saoudiens sont
sommés de propager que la normalisation
avait des aspects positifs pour le
royaume et servait ses intérêts.
Dans le journal saoudien al-Jazeera, un
chroniqueur réputé, Mohamad al-Cheikh
a consacré sa chronique pour vanter les
avantages de l’accord conclu entre Abu
Dhabi et Tel Aviv. Et pour clamer
qu’Israël n’est plus l’ennemi, mais
l’Iran et la Turquie. Avançant qu’après
l’ère du pétrole, les Etats du
Golfe ont besoin de diversifier leur
économie « Israël étant un partenaire de
collaboration pour nous aider à
moderniser ses pays ».
Paradoxalement,
c’est dans cette contradiction entre les
déclarations officielles saoudiennes qui
feignent veiller aux droits des
Palestiniens et le déchainement
médiatique contre eux, tout en
vantant les bienfaits présumés de la
normalisation, qu’on peut déduire les
réelles raisons des atermoiements
saoudiens.
Elle montre que
Riyad appréhende la réaction de
l’opinion publique saoudienne et arabe
par extension, qui refuse cette
démarche.
Les responsables saoudiens ont pu être
alarmés par les derniers chiffres
scrutés par un institut israélien et qui
montrent que sur les réseaux sociaux
arabes, les avis sont à 90% défavorables
aux accords conclus par Abu Dhabi et
Manama.
Autre ballon d’expérience, le rejet par
50 personnalités artistiques et
académiques originaires de plusieurs
pays arabes que le festival
cinématographique al-Jounat en Egypte
d’honorer l’acteur français Gérard
Depardieu, qui « adore Israël ».
D’autres exemples hostiles pullulent
dans les médias.
Il est clair que la
direction saoudienne fait tout son
possible pour inverser la tendance chez
l’opinion publique saoudienne et arabe
et passer le cap de la normalisation. Si
elle n’y parvient pas, son leadership
sur le monde arabe et islamique est
compromis. Il lui est plus que jamais
rivalisé par ses deux ennemis, Téhéran
et Ankara, lesquels affichent, à des
degrés différents, des positions pro
palestiniennes.
Source:
Divers
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