Hezbollah
Vie et Martyre du commandant résistant
Moustafa Badreddine
Leila Mazboudi
Samedi 14 mai 2016
C’est en 1982,
l’année de l’occupation par Israël de la
première capitale arabe, en l’occurrence
Beyrouth, que Moustafa Badreddine
a entamé sa carrière de résistant.
Il faisait alors partie des moujahidines
qui ont contré la progression des chars
israéliens dans la région de Khaldé, à
l’entrée sud de Beyrouth.
L'un des
précurseurs
Une bataille célèbre pour avoir
rassemblé les précurseurs du projet de
la Résistance islamique au Liban contre
l’entité sioniste. Le jeune Moustafa, né
en 1961, fut l’un d’entre eux.
Depuis cette date, il s’est lancé
dans la formation et l’entrainement des
groupes de combattants pour lutter
contre l’occupation israélienne. Après
s’être retirée de la capitale et de la
montagne en 1983, l’armée israélienne
s’est installée au sud Liban.
En 1992, il a été désigné à la tête de
l’Unité militaire Centrale où il se
devait de mettre au point les formations
et des plans militaires. C’est lui qui a
planifié de nombreuses opérations
héroïques effectuées par la Résistance
au sud du Liban, aussi bien contre des
positions israéliennes, que contre
celles de leur collaborateur, la milice
de l’Armée du Liban Sud. Elles sont
poursuivies sans arrêt jusqu’à la
libération en l’an 2000.
Durant cette étape, il s’est alors fait
remarquer en commandant la confrontation
contre l’agression israélienne contre le
Liban en 1993 : cette année là, l’ancien
Premier ministre israélien Isaak Rabin
avait avoué pour la première fois
qu’Israël a perdu face au Hezbollah.
Le martyr a également participé à la
gestation de la bataille contre
l’offensive des Raisins de la Colère,
qui aura lieu trois années plus tard,
celle d’avril 1996. Année où pour la
première fois dans le conflit
arabo-israélien des colonies
israéliennes en Palestine occupée
étaient bombardées en riposte aux
attaques menées contre des cibles
civiles sur le sol libanais.
En 1997, il a joué un rôle important
dans la planification et l’exécution de
la célèbre opération Ansariyyeh au cours
de laquelle la totalité des membres d’un
commando israélien qui s’est infiltré
dans cette région sur le littoral sud du
Liban ont été traqués puis décimés.
Homme de
l’ombre
A l’instar de ses pairs dans la
résistance islamique, c’est un homme de
l’ombre. Très peu le connaissait sous
son vrai nom, et un peu plus par son
patronyme, Zoul-Fikar. En allusion à la
célèbre épée de l’Imam Ali, aux deux
têtes. Un sobriquet qui rejoint
l’appellation que ses pairs se
plaisaient à lui donner, « l’aventurier
sage », tellement il avait rejoint dans
son caractère un grand courage à une
grande prudence. Il était surtout connu
pour être intolérant avec les fautes.
Il apparaissait très rarement dans les
cérémonies organisées par le Hezbollah.
Exception faite pour celle des
condoléances de son compagnon de route,
le martyr commandant de la Résistance,
Imad Moughniyyeh, assassiné dans un
attentat à la voiture piégée en 2008,
dans une banlieue de la capitale
syrienne Damas.
Homme
des missions difficiles
A partir de cette date, il a été
désigné dans le minuscule cercle des
proches assistants du secrétaire général
du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah,
avec pour mission d’administrer et de
gérer le Conseil du Jihad. C’est le
principal organe du Hezbollah, lequel
rassemble toutes les instances liées à
la Résistance. D’autres missions
difficiles lui étaient assignées.
En même temps, il s’est chargé
d’enquêter sur les circonstances de
l’assassinat de Moughniyyeh, dont
il a pu constituer un dossier énorme
dans tous ses détails : depuis la
planification, en passant par le
processus d’infiltration sécuritaire de
la personne de Moughniyyeh, et
jusqu’à son exécution .
Toutes ses données remontent aux
Israéliens, dont un commando est entré
au cœur de la Syrie, puis en est
ressorti après avoir accompli sa
mission. Son dossier comporte aussi une
identification des parties qui les ont
aidés aussi bien en renseignements que
logistiquement.
Durant cette période, l’une de ses
missions principales a été aussi de
s’enquérir sur le rôle des services de
renseignements occidentaux et arabes au
Liban, lesquels opéraient activement au
Liban, et s’attelaient à traquer les
hommes de la Résistance.
Homme de
terrain : la Syrie
C’est un homme de terrain aussi, dans
le sens qu’il cherchait toujours à le
scruter avant de passer à la
planification et ne se contentait jamais
des données exposées par les cartes
topographiques.
Ce qui doit expliquer la raison pour
laquelle il a été chargé de se rendre en
Syrie, où il a mis en exécution toute
son expertise militaire et sécuritaire
contre les milices takfiristes, promu au
rang de fer de lance du projet
américano-sioniste dans la région, selon
le Hezbollah..
Il s’est rendu sur place dans toutes ses
régions chaudes, que ce soit à Alep, à
Homs, al-Quneitra, al-Qalamoune,
al-Ghouta et autres.
Ce qui l’a amené à dire que
l’environnement syrien est totalement
différent du Libanais aussi bien
politiquement, démographiquement que
géographiquement, rapporte le journal
libanais assafir.
Environnement fatal?
Un environnement qui a pu lui être
fatal ?
Sur les derniers instants de sa vie, le
quotidien rapporte que quelque temps
après l’arrivée de son convoi dans un
siège ou une maison située dans la
Ghouta, non loin de l’aéroport de Damas
-lequel renfermait aussi un dépôt
d’armements de l’armée syrienne-, un
grand bombardement a eu lieu entre 21h30
et 22h. Il l’a tué sur le champ et
blessé deux ou trois de ses compagnons.
La cause de sa mort, selon le diagnostic
médical, est la puissance de la
détonation de l’explosion qui a dû lui
causer une hémorragie interne.
Selon assafir, quelques kilomètres
séparent les positions des milices de ce
siège, dont la zone est totalement
découverte à l’aviation et qui a fait
souvent l’objet de tirs d’artillerie,
selon des habitants de la zone.
Ce fut sa dernière destination.
J'ai
conduit une moto sans casque
En fait, ces dernières années, la
Syrie était devenue sa principale
demeure et il ne lui arrivait que
très rarement de venir au Liban.
Lors de l’une de ses dernières
venues, il s’était excusé auprès de ses
voisins, pour ne pas les avoir vus
depuis longtemps.
Il a lancé à l’un d’entre eux, non sans
ironie : « pardonnez-moi, je ne
peux plus beaucoup me balader parce que
le commissariat de Ghobeiri (son lieu de
naissance et quartier de résidence) a
lancé un mandat d’arrêt contre moi parce
que j’ai conduit une moto sans casque ».
Selon le rédacteur en chef du journal
libanais al-Akhbar, Ibrahim al-Amine qui
a recueilli ce témoignage, le martyr
Moustafa faisait allusion au mandat
décrété contre sa personne par le
Tribunal spécial pour le Liban,
qui l’a accusé lui et trois autres
membres du Hezbollah d’être impliqués
dans l’assassinat de l’ancien Premier
ministre libanais Rafic Hariri.
Al-Amine qui connaissait Badreddine
rappore qu'il se moquait de ses ennemis
qui ont usé des moyens les plus abjects
pour ternir son image et celle de la
résistance.
Porté en
martyr, ou portant la victoire
« Ils pensent que ces campagnes vont
nous pousser à nous enfuir et à nous
cacher dans nos maisons. Mon devoir et
ma mission réside dans le fait
d’affronter leurs projets. Où que ce
soit. Je ne quitterai jamais ni le
Liban, ni la Syrie ni toute autre scène.
Sauf porté comme martyr, sinon, je
porterai la bannière de la victoire »,
avait été son objection.
Depuis son martyre, ces propos viennent
d’être rendus publics, ainsi que
certains épisodes de la vie et de
l'héroïsme du martyr Moustafa.
Lui et tous les résistants qui l’ont
précédé dans cette voie, ne sont connus
qu’après leur trépas. Quelques étapes de
leur vie seront surement dévoilées. Mais
d’autres resteront enfouis à jamais.
Les résistants, on ne les connait jamais
assez !
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