Le Quotidien
d'Oran
Le «crime» des pro-russes ukrainiens
Kharroubi Habib
Photo:
D.R.
Mardi 6 mai 2014
Imaginez ce
qu'aurait été la réaction des Européens
et de l'Amérique si pour sauver l'ordre
constitutionnel le président ukrainien
déchu Viktor Ianoukovitch avait ordonné
l'intervention de l'armée contre les
manifestants pro-européens de la place
Maidan. Ils se seraient déchaînés,
l'auraient certainement accusé de crime
contre l'humanité et rameuté contre lui
le ban et l'arrière-ban des prétendus
défenseurs des droits de l'homme.
C'est pourtant ce que les tombeurs de
Ianoukovitch ont décidé de faire contre
les manifestants pro-russes de l'est du
pays. L'intervention militaire décidée
par les autorités de Kiev a déjà fait
des dizaines de victimes pour la plupart
des civils sans que l'Union européenne
et les Etats-Unis ne s'en émeuvent. Au
contraire, ils approuvent ce recours à
l'armée et le justifient comme
indispensable pour «sauver» l'Ukraine de
la partition que selon eux Moscou
chercherait à provoquer. Le «crime» donc
des manifestants dans l'est du pays est
d'être pro-russes et à ce titre leur
massacre par l'armée serait acceptable.
C'est bien ce que sous-entendent les
réactions occidentales aux affrontements
meurtriers auxquels donne lieu
l'intervention de l'armée déployée par
les autorités de Kiev.
Il se révèle que les Occidentaux font
plus qu'approuver et justifier la
«reprise en main» brutale de la région
Est de l'Ukraine par les autorités
provisoires de Kiev. Alors qu'ils
somment Moscou de «retirer» son soutien
aux pro-russes ukrainiens, des dizaines
de leurs spécialistes de leurs services
de renseignements ont été envoyés sur le
terrain pour «conseiller» et contribuer
à cette reprise en main que le ministre
russe des Affaires étrangères Sergueï
Lavrov a qualifiée à juste titre de
guerre déclarée à son propre peuple par
le régime de Kiev.
Si l'Ukraine en est arrivée là, la
responsabilité n'incombe pas à la Russie
accusée sur tous les tons de vouloir
réintégrer sinon l'Ukraine, du moins
l'est du pays dans le giron de sa
fédération. Ce sont en fait l'Union
européenne et les Etats-Unis qui ont
ouvert la boîte de Pandore dans la crise
ukrainienne en soutenant et défendant, y
compris par l'ingérence, la partie des
Ukrainiens qui se sont rebellés contre
le régime légal de Ianoukovitch qui
s'était refusé à signer l'accord
d'association avec l'Union européenne.
Les pro-russes ukrainiens au moins aussi
nombreux que les pro-européens sont dans
leur droit à leur tour d'user des mêmes
méthodes utilisées par ces derniers pour
faire tomber Ianoukovitch et son
gouvernement et que les Occidentaux
avaient approuvé.
L'ingérence étrangère dans les affaires
intérieures d'une nation est par
principe condamnable (sauf bien entendu
pour les tenants de ce droit du type
Kouchner ou BHL dont l'humanisme et le
droit de l'hommisme ne dupent plus
personne). Pourquoi donc les Occidentaux
la condamnent quand elle est pratiquée
par d'autres puissances et la décrètent
licite quand c'est eux qui la pratiquent
? Ce qui peut se passer en Ukraine
concerne qu'on le veuille ou non la
Russie, pour des raisons qui se
rattachent à l'histoire, à la
géopolitique, à l'économie, bref à tout.
En tout cas, plus la Russie que
l'Amérique. C'est bien cette Amérique
qui s'est dotée d'une doctrine Monroe
par laquelle elle a décrété que le
continent américain est sont pré carré à
l'intérieur duquel elle ne tolère aucune
autre ingérence que la sienne. Elle ne
reconnaît pas pour autant à la Russie,
grande puissance elle aussi, le «droit»
d'en avoir une similaire s'agissant de
son environnement. La Russie de Poutine
est résolue à remettre «les pendules à
l'heure» à l'égard des prétentions
impériales de l'Amérique. Les crises
syrienne et ukrainienne lui ont permis
de faire la démonstration de sa
détermination.
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