Russie politics
L'expulsion des diplomates russes :
nouveau moyen de pression
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 31 mai 2017
Après les Etats Unis, qui ont donné le
ton, l'Estonie puis la Moldavie
expulsent des diplomates russes. Une
fois, deux, trois fois ... et la Russie
hésite toujours sur la réponse. Un pays
doit protéger ses diplomates, car ils
sont en première ligne pour la défense
des intérêts nationaux. Toucher aux
diplomates, c'est toucher à l'Etat.
Cette nouvelle technologie a
effectivement pour but de déstabiliser
la Russie sur la scène internationale,
alors qu'elle reprend du poids.
Lorsque B. Obama, en cadeau de départ, a
expulsé 35 diplomates russes (voir
notre texte à ce sujet), la Russie
n'a pas répondu. Il a été décidé
d'inviter les enfants des diplomates
américains aux fêtes de Noël. Le geste a
été particulièrement apprécié par
l'Occident. Et totalement oublié le
lendemain. Est resté l'absence de
réponse systémique et la conclusion:
il est possible d'expulser des
diplomates russes sans aucune
conséquence.
L'Estonie a décidé,
il y a quelques jours, d'expulser le
Consul général et un consul russes, qui
doivent quitter le territoire avant la
fin du mois de mai. Cela a été
qualifié comme un "geste non-amical
qui doit entraîner une réponse". Le
ministère des affaires étrangères russe
affirme qu'il s'agit d'une provocation
et que cette politique ne conduit qu'à
une impasse. Or, ce n'est pas une
impasse, c'est un choix politique
délibéré. Il s'agit, à l'inverse, de
mettre la Russie dans une impasse: ou
l'acceptation et en quelque sorte
l'abandon de ses diplomates, ce qui est
inacceptable, soit la réaction et
l'officialisation de la rupture
idéologique entre deux mondes, ce que la
Russie ne veut pas. Le spectre de
l'isolement.
En attendant la
réponse à venir - ce n'est pas la saison
des arbres de Noël - la
Moldavie, il y a deux jours, a donné
72 heures à 5 diplomates russes, dont le
conseiller de coopération militaire,
pour quitter le pays. Il parait que
cette décision du Gouvernement, prise
sur conseil des
services spéciaux, n'est en fait
dirigée que contre le Président Dodon,
qui désapprouve par ailleurs la
décision, dont la politique pro-russe
dérange à l'heure du rapprochement
européen obligé. Donc, la
porte-parole du Ministère des
affaires étrangères déclare qu'il est
encore trop tôt pour répondre, il faut
d'abord que la Moldavie résolve ses
problèmes intérieurs. Soit.
L'on peut se
demander quel est le rapport entre les
problèmes politiques intérieurs de ces
pays et les intérêts de la Russie?
Il ne fallait pas répondre à Obama, car
cela aurait été répondre à Trump et le
mettre immédiatement en difficulté. Pour
l'instant, il n'a pas levé les mesures
et la Russie est toujours désignée comme
l'ennemi. La même rhétorique est
utilisée avec la Moldavie: puisqu'il y a
une possibilité de rapprochement avec la
Russie, celle-ci doit attendre avant de
décider de défendre ses diplomates.
Cette attitude
met la Russie en situation d'infériorité
par rapport à ses interlocuteurs: elle
estime leurs intérêts supérieurs au sien
et s'adapte à leur besoin. Comme
cela s'est vu avec les Etats Unis, une
attitude à ce point "compréhensive" est
peut-être empreinte de sagesse, mais ne
permet pas de renforcer la position
russe dans le dialogue géopolitique
actuel. Or, quel que soit le discours
occidental à propos de l'isolement
russe, l'Occident ne peut se passer du
dialogue avec la Russie, mais il peut
jouer sur la position que la Russie y
occupera. Et c'est ce qui se passe.
La seule question
qui reste aujourd'hui est de savoir si
le nouveau principe va être celui de
l'impunité dans l'expulsion des
diplomates russes? Je précise bien
"russes", car ce principe ne concerne
évidemment aucun autre pays. La question
est bien sûr provocatrice.
Le sommaire de Karine Bechet-Golovko
Le
dossier Russie
Les dernières mises à jour
|