Russie politics
Billet en passant :
pourquoi cette invitation de Macron à
Poutine ?
Karine Bechet-Golovko
Mardi 20 août 2019
Le président russe, Vladimir Poutine,
est attendu aujourd'hui au Fort
Brégançon pour un entretien avec
Emmanuel Macron. Au-delà du fait même
que la rencontre ait servi de fondement
à une nouvelle vague russophobe dans les
médias français, il est logique de
s'interroger sur son opportunité: est-ce
la bonne date et que peut-il en sortir ?
Pour soutenir
l'importance - a priori - de
cette rencontre entre Macron et Poutine,
les commentateurs soutiennent que, en
soi, le fait que les Chefs d'Etats
discutent, est une bonne chose, c'est la
diplomatie, que les relations entre la
France et la Russie n'ont jamais été
aussi mauvaises depuis, voire même à
l'époque de la guerre froide. Rappelons
toutefois que les relations
diplomatiques entre la France et la
Russie continuent, que Macron et Poutine
se sont déjà rencontrés souvent depuis
de début du mandat présidentiel de
Macron, que le Président russe a été
immédiatement invité dès la prise de
fonctions du Président français, que
Macron fut l'invité privilégié du Forum
de St Pétersbourg, qu'il est allé
soutenir l'équipe de France de foot en
Russie, etc.
Et les relations
sont toujours aussi mauvaises, il n'est
pas question de remettre en cause les
sanctions économiques, la russophobie
médiatico-politique se porte à
merveille, la France n'a pas fait bougé
d'un iota sa position internationale
exclusivement pro-atlantiste envers et
contre tout. Contre le bon sens et
envers ses intérêts nationaux. Donc la
répétition mécanique de rencontres ne
permet pas tout aussi mécaniquement
l'amélioration de relations entre les
pays.
Une rencontre en
soi n'est ni bonne, ni mauvaise. Cela
dépend de ce que l'on entend en faire,
des buts politiques qui sont poursuivis
de part et d'autre. Côté français, la
situation est assez claire. Macron a
besoin, en pleine crise intérieure, de
redorer son image à l'international,
surtout après la tension des relations
avec différents leaders importants pour
la France, comme les Etats-Unis et
l'Allemagne. Mais justement aussi à
cause de cela, le poids international de
la France est en chute libre et elle ne
peut plus significativement peser
sur la résolution de beaucoup de crises.
Indépendamment de cela, même si la
France avait le début d'une miette de
volonté politique propre, il n'est pas
certain qu'à ce jour elle ait les moyens
de la mettre en œuvre.
Certes, Macron peut
discuter avec Poutine de l'Iran, des
traités militaires liant les Etats-Unis
et la Russie, du Venezuela ou même de la
Syrie. Ils peuvent parler. Mais quelle
importance cela aura sur la résolution
de ces crises ? Ces conflits sont plus
ou moins directement liés au rapport de
forces russo-américain, où ni la France,
ni l'UE ne pourront avoir une influence
réelle en tant qu'intermédiaire. Elles
ne peuvent qu'être des pions placés sur
un échiquier, dont elles ne maîtrisent
pas la configuration. La seule position
rationnelle pour la France serait de
soutenir la Russie dans ces conflits,
afin de participer à la restriction de
la domination atlantiste, qui conduit la
communauté internationale dans une
impasse, puisque, comme nous le voyons,
aucun conflit ne peut être aujourd'hui
définitivement résolu.
Et le fait que
cette réunion de travail soit organisée
avant le G7 n'y change rien. Macron ne
portera pas les intérêts de la Russie à
ce sommet, n'en apparaîtra pas plus
fort. Quant à la Russie, en venant en
France quelques jours avant la tenue
d'un sommet dont elle a été écartée, sa
position est en soi affaiblie.
Malheureusement, le
seul domaine dans lequel Macron peut
avoir du poids est principalement en ce
qui concerne la légitimation du nouveau
Président ukrainien, Zelensky. En se
transformant en lobbyiste des intérêts
américano-ukrainiens afin de
réintroduire la Russie dans cette farce
de pourparlers, comme ce fut le cas lors
de l'instauration du Format Normandie
avec Porochenko. A ce jour, Poutine a, à
juste titre, gardé ses distances face à
Zelensky, Macron a pour mission de
casser cette ligne politique incommode
pour l'Occident atlantiste. Sans oublier
aussi la question du "régime" russe, dit
répressif, suite aux manifestations
téléguidées depuis les chancelleries
occidentales. Ce sont finalement les
sujets classiques ... et secondaires.
Pourquoi cette
invitation de Macron ? Finalement, sur
le fond, il ne peut agir que sur peu de
sujets, mais dans un monde de comm, il
doit créer une illusion.
Pourquoi cette
acceptation ? La Russie semble toujours
aveuglée par l'image d'une France qui
n'est plus. Mais nous en saurons plus
lors de la conférence de presse.
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