Russie politics
Quand la France déporte un analyste
russe
pour raisons politiques
Karine Bechet-Golovko
©
Stanislav Byshok
Jeudi 18 février 2016
Une fois n'est pas coutume, la Lithuanie
a demandé la déportation d'un analyste
russe, et l'annulation de son visa
Schengen sur fondement politique. La
France, pays des droits de l'homme,
vient de s'exécuter sans même se poser
une question, dans le silence totale des
médias français, qui doivent donc
trouver cela normal. Stanislav Byshok
n'interviendra pas à la conférence
internationale organisée à Paris sur la
liberté de la presse dans le contexte de
l'instabilité internationale et de la
menace terroriste. Belle ironie du sort.
Mercredi 17 février, l'analyste
politique Stanislav
Byshok se rendait à Paris pour
intervenir à la conférence sur la
liberté de la presse à laquelle il était
invité et devait intervenir sur la
question des pressions que subissent les
médias en Ukraine depuis le coup d'état
et les atteintes portées à la liberté
d'expression par le nouveau régime. Pas
très politiquement correct, mais la
France, état de droit démocratique, doit
garantir la liberté d'expression des
points de vue divergents et leur
argumentation. C'est ce que l'on appelle
une discussion.
Les temps ont changé.
Voici les
faits. En arrivant à l'aéroport
Charles de Gaulle, au contrôle des
passeports, la police des frontières lui
a demandé s'il détenait un titre de
séjour dans un des pays de la zone
Schengen. Lorsqu'il répondit que non,
car il est citoyen russe et réside en
Russie, ce qu'atteste son passeport
russe, le garde-frontière lui demande de
le suivre. Il sera détenu 6h dans le
poste de police de l'aéroport.
Selon les propos des officiers de
police, eux-mêmes très surpris, la
Lithuanie a adopté un document qui
interdit à S. Byshok d'entrer dans tous
les pays de la zone Schengen à
l'exception de ceux dans lesquels il a
un titre de résidence. Or, il n'en a pas
... Il est donc interdit d'entrer
pendant 3 ans dans l'Europe unifiée.
Aucune motivation n'a été avancée.
Et la France, en membre discipliné de la
politique européenne, qui depuis
longtemps ne (se) pose plus de
questions, s'est acquittée de sa mission
de police avec efficacité et célérité.
Mais qui est Stanislav Byshok pour
présenter un tel danger pour la
florissante démocratie européenne?
Ici sa biographie en
anglais. S. Byshok est un analyste
politique travaillant pour le groupe
international de monitoring politique
CIS-EMO, diplômé de psychologie, expert
auprès des organismes internationaux,
spécialisé sur la politique russe et
ukrainienne. Auteur de nombreux ouvrages
sur la question, il s'est orienté vers
les dérives néo fascistes du régime
ukrainien après le coup d'état. Montrant
en cela non seulement l'échec de la
démocratie ukrainienne vantée dans les
sctructures européennes, mais le danger
qu'à présenté pour le pays les pressions
exercées pour faire signer l'accord de
coopération Ukraine/UE, qui est à
l'origine de tout ce fiasco.
Or, comme le souligne S. Byshok
lui-même, la Lituahie a joué un rôle
important lors de la signature de cet
accord, lorsqu'elle assurait la
présidence tournante du Conseil de
l'Union européenne en 2013.
L'implication personnelle de la
présidente lituanienne, Dalia
Grybauskaité, explique l'agressivité de
ce pays face aux personnes qui osent
s'interroger sur le bien-fondé de la
politique européenne en Ukraine.
Avant S. Byshok, toujours sur la demande
de la Lithuanie, le directeur de la
Public Diplomacy Foundation, A.
Gorchakov, a également été interdit
d'entrée en UE pour 3 ans et déporté de
Pologne en décembre dernier. Quant à
l'historien russe A.
Dyukov, président du Fond "Mémoire
historique", il a été arrêté à
l'aéroport de Vilnius en août 2014,
détenu pendant 9h dans une pièce sans
recevoir ni à boire, ni à manger, sans
avoir la possibilité de se reposer avant
d'être déporté de Lithuanie vers Moscou.
Il venait pour la présentation de son
livre "La veille de l'Holocauste"
traduit en lithuanien. Or, le discours
officiel du pays concernant son rôle
dans la mise en œuvre de la solution
finale a quelque peu changer depuis son
"européanisation".
Donc, la répartition des rôles semble
bien établie dans le cadre européen, et
la Lithuanie, en ancien pays communiste
qui se respecte, reprend la charge de la
police politique. Les vieux réflexes
surgissent, seul le maître a changé.
Rappelons que selon les termes mêmes du
traité européen sur l'Union
européenne dans sa version actuellement
en vigueur, toute cette bureaucratie
digne des 12 travaux d'Astérix est
inspirée je cite:
"des héritages culturels, religieux et
humanistes de l'Europe, à partir
desquels se sont développées les valeurs
universelles que constituent les droits
inviolables et inaliénables de la
personne humaine, ainsi que la liberté,
la démocratie, l'égalité et l'État de
droit;"
Je ne savais pas que l'humanisme ne
s'appliquait pas à tous, n'était donc
pas lié à l'humanité. Je ne savais que
la déportation sur motif politique
pouvait être un des aspects de l'état de
droit. Je ne savais que la démocratie
justifiait la violation arbitraire des
droits de l'homme.
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