Corse
Statut de résident : pour une légalité
corse
Jean-Guy Talamoni
Photo:
D.R.
Lundi 9 juin 2014
Début janvier, à
l’occasion des vœux publiés dans ces
colonnes, nous observions qu’un
véritable bouleversement politique était
advenu ces dernières années dans notre
pays. Les percées électorales
nationalistes – 36% des suffrages lors
des territoriales – ne constituent que
la partie apparente de l’iceberg. En
réalité, le plus remarquable s’est
produit dans l’enceinte de l’Assemblée
de Corse, celle-ci ayant voté en trois
ans l’essentiel de notre projet
« Corsica 21 » : transfert à la CTC de
la fiscalité du patrimoine, élaboration
d’un « Agenda 21 », statut de
coofficialité de la langue corse,
demande de révision de la Constitution
française, et enfin statut de résident.
Ce dernier, sur lequel l’Assemblée s’est
prononcée il y a quelques semaines à
travers une nette majorité, apparaissait
il y a seulement trois ans comme une
idée un peu étrange portée par les seuls
indépendantistes. C’est dire le chemin
parcouru. Certains analystes avancent
péremptoirement que cette délibération
n’aura pas de suite. Ces experts
omniscients – dont les prophéties sont
régulièrement démenties – n’auront
jamais pu apprendre la prudence ou la
modestie, malgré leurs multiples
déconvenues. En ce qui nous concerne,
nous soumettons simplement à l’opinion
quelques réflexions.
Ce qu’ont voté –
tout à fait démocratiquement – les élus
de la Corse, a une importance
considérable : ils ont affirmé – par 46
voix sur 51, soit une majorité massive –
que la Constitution française en sa
rédaction actuelle était contraire à nos
intérêts. Dans de telles conditions,
quel est le Corse qui pourrait
reconnaître cette Constitution ? En
outre, les mêmes élus ont décidé que la
langue corse était officielle sur le
territoire insulaire, et que seules les
personnes justifiant de cinq années de
résidence dans le pays pourraient
désormais y acquérir un bien immobilier.
D’aucuns évoquent
la non-conformité de ces délibérations à
la Constitution française. Certes, à
cette Constitution dont nous venons de
voir qu’elle était radicalement
contraire à nos intérêts collectifs…
Il nous appartient
donc d’initier l’œuvre de construction
nationale à travers l’institution d’une
véritable légalité corse. Une légalité
qui ne reconnaîtrait que les normes
élaborées par les élus de la Corse et
qui ignorerait les lois étrangères.
C’est tout le sens
de la délibération dernièrement adoptée
par plusieurs communes, à l’initiative
de l’Associu di l’Eletti di a Corsica
Libera. Il s’agit d’appliquer le statut
de résident non pas seulement, comme à
Cutuli è Curtichjatu, à un ou plusieurs
lotissements – ce qui est déjà très
utile – mais à l’ensemble du territoire
communal. Et les procédures qui ne
manqueront pas d’intervenir à la
diligence de l’Administration française
ne pourront nullement empêcher les
municipalités en question d’entraver,
par tous les moyens à leur disposition,
l’installation de nouveaux arrivants ne
satisfaisant pas aux conditions posées
par l’Assemblée de Corse. Dans le même
esprit, les élus se reconnaissant dans
la démarche de construction nationale
appliqueront naturellement la mesure
d’officialisation de la langue corse,
sans attendre d’y être autorisé par le
Parlement français.
Il s’agit là de
parfaites illustrations d’une démarche
plus générale visant à instituer, dès
aujourd’hui et tout à fait sereinement,
une réelle légalité corse fondée sur une
indiscutable base démocratique.
JGT
(Editorial U Ribombu, juin 2014)
Publié le 12 juin 2014
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