RussEurope
Déchéance et retrait
Jacques Sapir

© Jacques
Sapir
Mercredi 30 mars 2016
François Hollande, ci-devant
président des français, vient de
déclarer ce mercredi 30 mars, qu’il
abandonne son projet de faire entrer
dans la Constitution la « déchéance de
nationalité » et l’état d’urgence. Par
cette déclaration il révèle son
incapacité à gérer la situation issue
des attentats du 13 novembre 2015. Par
cette déclaration il reconnaît ce que
nous savions déjà depuis plusieurs
mois : il n’est plus qu’un cadavre
politique.
La déchéance de nationalité, faut-il
encore le répéter, existe dans le droit
français. Il n’y avait nul besoin de
« constitutionnaliser » cette mesure,
comme il fut écrit en ce blog[1],
mais il était tout aussi stupide de
pousser à son égard de grands cris
d’orfraie. Mais, le projet de texte du
gouvernement était liberticide, non en
raison d’atteintes aux « grands
principes » mais parce qu’il constituait
avant tout un texte de circonstances,
n’ajoutant rien au droit français. De
même, la « constitutionnalisation » de
l’état d’urgence ne s’imposait ni ne se
justifiait d’aucunes manières. Un état
d’urgence est conçu par le législateur
pour faire face à une situation
exceptionnelle qui empêche les
institutions de fonctionner ou qui à
tout le moins rend leur fonctionnement
problématique. Il se justifiait dans la
nuit tragique du 13 au 14 novembre, mais
il devait alors s’accompagner de mesures
rapides et exceptionnelles, visant à
ramener la France dans une situation
normale. Or, ce à quoi on assiste
aujourd’hui c’est une éternalisation de
cet état d’urgence, qui se confond alors
avec un « état de guerre ». Mais, si
nous sommes en guerre, alors
souvenons-nous de ces mots que Georges
Clémenceau prononça à la Chambre des
Députés le 8 mars 1918 et qui sont
restés dans les annales : « … Je dis
que les républicains ne doivent pas
avoir peur de la liberté de la presse.
N’avoir pas peur de la liberté de la
presse, c’est savoir qu’elle comporte
des excès. C’est pour cela qu’il y a des
lois contre la diffamation dans tous les
pays de liberté, des lois qui protègent
les citoyens contre les excès de cette
liberté. Je ne vous empêche pas
d’en user. Il y a mieux : il y a des
lois de liberté dont vous pouvez user
comme vos adversaires ; rien ne s’y
oppose ; les voies de la liberté vous
sont ouvertes ; vous pouvez écrire,
d’autres ont la liberté de cette tribune
;(…). De quoi vous plaignez-vous ? Il
faut savoir supporter les campagnes ; il
faut savoir défendre la République
autrement que par des gesticulations,
par des vociférations et par des cris
inarticulés. Parlez, discutez, prouvez
aux adversaires qu’ils ont tort et ainsi
maintenez et gardez avec vous la
majorité du pays qui vous est acquise
depuis le 4 septembre. Voilà la première
doctrine que j’ai à établir.[2] »L’état
de guerre n’implique pas de céder sur le
principe de la Démocratie. Bien au
contraire, l’union nationale exige que
soit maintenue la liberté des débats et
des controverses. Or, nous avons un
Premier-ministre qui conçoit en réalité
l’état d’urgence comme une situation
permanente, et qui, de ce fait, nous
entraîne tous les jours un peu plus sur
les voies de la Tyrannie, ou plus
précisément de ce que j’ai appelé la
Démocrannie.
Cet échec du Président, car c’en est
un, et il n’en faut pas douter même si
certains vont chercher à le déguiser en
habileté, ne fait que révéler
l’amateurisme complet mais satisfait de
lui, qui caractérise son action, et cela
depuis de nombreux mois. Après les
attentats de janvier 2015, le
gouvernement et le Président ont été
incapables de prendre les mesures qui
s’imposaient. Aujourd’hui, ils parlent
forts mais agissent bien peu. Il est
ainsi dérisoire et scandaleux qu’ils
cherchent à tirer à eux la couverture
des échecs actuels rencontrés par
l’organisation qui se fait appeler
« Etat Islamique », quand on sait le
nombre de missions effectuées par notre
aviation et qu’on compare ce nombre aux
sorties de l’aviation russe ou
américaine. Cet échec, donc, révèle à la
face du monde l’incapacité pathologique
du Président à se hisser à la hauteur de
sa fonction. Il traduit
l’incompréhension profonde de la
fonction et de ce qu’elle exige. Si
jamais François Hollande avait la
velléité de se prendre pour Clémenceau,
rassurons-le immédiatement ; tel n’est
pas son modèle. Non, son modèle est bien
plutôt Viviani, Président du Conseil de
juillet 1914 à octobre 1915 et
socialiste modéré comme lui, et dont les
contemporains purent dire, à juste
raison, qu’il parlait comme un homme et
agissait tout différemment.
[1] Voire la note sur RussEurope,
« Déchéance et déchéances »,
https://russeurope.hypotheses.org/4582
[2]
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-moments-d-eloquence/georges-clemenceau-je-fais-la-guerre-8-mars-1918
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