RussEurope
Qu’il est fâcheux d’avoir un Président
fâché
Jacques Sapir
© Jacques
Sapir
Vendredi 9 septembre 2016
Le Président de la République, M.
François Hollande, a prononcé un
discours important au colloque des
Fondations Jean Jaurès et Terra Nova
« La Démocratie face au terrorisme »,
qui s’est tenu salle Wagram à Paris, le
8 septembre 2016. Ce discours voulait
avoir valeur de programme, dans le cas
ou l’actuel Président se présenterait à
sa propre succession. C’est pourquoi il
convient de le lire avec attention, et
de pointer les contradictions, les
faussetés et les omissions qu’il
contient car ces contradictions,
faussetés et omissions, nous révèlent
par défaut la pensée et les impensées du
Président.
Un Président fâché
avec les dates…
Dès le commencement du discours on
est confronté à la fois à une fausseté
et à une contradiction majeure. Quand le
Président dit « Pour avoir conduit
pendant plus de quatre ans le combat de
la République contre un fanatisme
meurtrier, je n’ai aucun doute. Malgré
les épreuves – elles ont été
douloureuses – les drames, les larmes,
malgré la peur qui parfois peut envahir
les esprits, malgré l’angoisse, malgré
la souffrance, nous vaincrons. La
démocratie sera toujours plus forte que
la barbarie qui lui a déclaré la guerre »,
il commet tout d’abord un mensonge. La
posture de « chef de guerre », il ne l’a
assumée que depuis janvier 2013, et la
décision de venir en aide au Mali, en
proie aux attaques des groupes
djihadistes. Techniquement, cela ne fait
que 3 ans et 8 mois. Par ailleurs, dans
l’imaginaire collectif le «combat de
la République contre un fanatisme
meurtrier » renvoie à la lutte
contre les attentats qui ont ensanglanté
le pays. L’intervention au Mali et au
Niger renvoyait plutôt à l’application
des accords de défense que la France a
avec ces pays. Or, le premier de ces
attentats, et on ne prend ici en
considération que les attentats de
masse, date de janvier 2015
(Charlie-Hebdo et Hyper-Kasher), ce qui
fait 1 an et 8 mois. Nous sommes donc
loin des quatre années proclamées. Il
est alors symptomatique, au sens où un
un symptôme révèle une maladie, qu’il
cherche à se présenter comme ayant
endossé dés le début de son
quinquennat l’habit de chef de
guerre. Ce faisant il jette un voile,
que l’on considèrera comme pudique ou
impudique, c’est selon, sur sa posture
et son attitude avant ces derniers 20
mois.
Un Président fâché
avec les mots
Mais, cette fausseté est aggravée par
une contradiction. François Hollande
parle tout d’abord de « barbarie » et de
« fanatisme ». Ce n’est qu’après qu’il
cherche à désigner l’adversaire en le
nommant, le « terrorisme islamiste ».
Or, ce terme peut décrire des modes
opératoires; il est impuissant à décrire
à la fois une idéologie et des
organisations précises. Ces
organisations sont pourtant connues, le
prétendu « Etat islamique », Al-Qaeda
(avec le « Front Al-Nosra » en Syrie),
AQMI, Boko-Haram, et quelques autres.
Elles ne sont pas alors nommées. Cela
pose un premier problème. La République,
et le gouvernement français ne sont pas
en guerre contre des entités imprécises
mais contre des organisations, ou une
nébuleuse d’organisations. Pourquoi ne
pas le dire explicitement? Est-ce le
fait que la France a eu des
compromissions coupables avec certaines
de ces organisations (en Syrie) qui
empêche le Président d’en donner la
liste? Mais il faut revenir sur l’emploi
du terme « terrorisme islamiste ».
Quand François Hollande dit: «Cet
ennemi est insatiable, il veut détruire
le passé car les civilisations lui font
horreur et interdire l’avenir parce
qu’il va jusqu’à nier l’Humanité. La
démocratie, et vous l’avez bien dit, est
sa cible. Elle incarne le contraire de
ce qu’il est : la liberté, la tolérance,
le respect, la culture, l’égalité entre
les femmes et les hommes. Ces principes
lui sont insupportables» , il pointe
bien des comportements mais il ne
décrit, ni n’analyse clairement,
l’idéologie qui a armé ces assassins. Et
cela rend non pertinent la comparaison
qui est faite, juste après, à la lutte
contre le nazisme. Car, qu’il s’agisse
du fascisme mussolinien (qui est
d’ailleurs fort différent jusqu’en 1940
du nazisme) ou du nazisme, nous sommes
en présence d’idéologies très précises,
qui se sont incarnées dans des Etats et
des organisations. La lutte contre le
fascisme et le nazisme est passée par la
lutte et la destruction des armées
allemandes et italiennes, ainsi que de
leurs alliés et supplétifs.
Le fondamentalisme religieux a ceci
de profondément pervers qu’il tend à
imposer comme des principes, autrement
dit des normes régissant la sphère
publique, ce qui relève de valeurs, qui
sont des règles de comportement
individuel. Cela pose le problèmes de la
prééminence des « lois humaines » quant
à de prétendues « lois divines ». Non
que les « lois humaines » soient
parfaites. Mais, elles peuvent être
constamment améliorées et changées. Les
« loi divines », par définition, sont
intangibles. Telle est une des sources
des comportements barbares auxquels nous
sommes confrontés. Dans le cas du
fondamentalisme islamiste, la question
du statut des « lois humaines » et des
« lois divines » se pose avec d’autant
plus de force que ce fondamentalisme ne
reconnait pas la distinction entre la
sphère privée et la sphère publique,
autrement dit entre les « valeurs » que
chaque individu est libre d’avoir et les
normes régissant son action publique (et
donc y compris ce qu’il dit dans
l’espace publique). Cette reconnaissance
de la distinction entre les deux sphères
n’a pas été naturelle dans les sociétés
d’Europe occidentale, et elle renvoie
à des débats philosophiques qui ont eu
lieu du XIème au XIVème siècle. Il y a
bien sur ce point un conflit
irréductible entre le fondamentalisme
islamiste et les sociétés occidentales.
Les fondamentalistes réduisent tout
individu à son appartenance religieuse.
La culture des sociétés occidentales
reconnait que peuvent exister des
appartenance multiples, certaines ne
concernant que l’individu (la liberté de
penser qui est donc aussi celle de
« mal » penser) et d’autres qui sont
plus collectives.
Hollande en anti-Zemmour
reprenant la pensée de Zemmour
Ne faisant pas cet effort de
réflexion, le Président de la République
se condamne à tenir un discours
simpliste, moralisateur (avec l’usage du
terme « barbarie »), qui s’avère être en
réalité largement inefficace. Si cet
effort de réflexion avait été fait, il
aurait pu dire à quelles conditions une
appartenance religieuse, ou plus
précisément l’interprétation qui est
faite d’une appartenance religieuse, est
compatible avec les règles de la
démocratie. Son discours simpliste et
simplificateur apparait comme l’exact
décalque du discours d’un Eric Zemmour
qui, quant à lui, assimile tout musulman
au fondamentalisme islamiste justement
parce que, lui non plus, il ne fait pas
l’effort de chercher à analyser la
distinction entre un fondamentalisme et
une religion. Quand François Hollande
dit : «Avant de nous atteindre, ils
s’en sont pris à leur propre religion.
Partout, les musulmans ont été les
victimes de ces islamistes », il a
raison, et je l’avais écrit dès la fin
de 2014. Mais, il faut comprendre par
quel mécanisme le fondamentalisme
djihadiste se fait le principal bourreau
de la population musulmane. C’est
essentiellement à travers la figure du
« mauvais croyant » (ou mécréant) et de
l’apostat. Or, ce discours contient
toujours en filigrane l’idée que la cité
de Dieu peut survenir sur la Terre si
sont éliminés tous les pécheurs et les
mécréants. Nous sommes face à une pensée
à la fois millénariste et apocalyptique,
telle qu’elle a pu exister au sein de la
chrétienté (que l’on se souvienne des
anabaptistes de la ville de Munster…).
Ce n’est donc pas une idéologie
indéfinie, que l’on pourrait seulement
qualifier de « barbare » que nous
affrontons aujourd’hui. C’est en réalité
une théologie politique, qui se décline
à la fois sous une forme essentialiste
(la « cité de Dieu » peut survenir
immédiatement au sein des hommes par
l’entremise du califat) et sous une
forme plus sophistiquée, avec ceux qui
reconnaissent l’existence séparée
des deux cités, mais qui pensent que les
règles à suivre dans la « cité des
hommes » sont dictées par les règles de
la « cité de Dieu ». Il aurait convenu,
et ce discours pouvait en être
l’occasion, de bien identifier des DEUX
projets qui s’opposent radicalement à la
démocratie et la République. Car, de
cette identification, on peut tirer la
conclusion qu’il y a des formes
d’observance des règles religieuses qui,
elles, sont parfaitement compatibles
tant avec la démocratie et la
République. Tel était l’effort qu’il
fallait consentir si le Président
voulait vraiment, comme il dit dans la
suite de son discours éviter de « provoquer
le divorce entre nos concitoyens et
d’engendrer une suspicion générale à
l’égard de nos compatriotes musulmans. »
Mais, peut-être veut-il justement
apparaître comme exactement l’inverse
d’un Eric Zemmour, étant persuadé que
les outrances de ce dernier valideront,
à contrario, sa position simpliste et
simplificatrice. Si tel est le pari du
Président, c’est un pari bien dangereux
car les contradictions de son propre
discours, et elles sont nombreuses,
pourraient bien réussir l’exploit de
valider celui de Zemmour.
Un Président fâché
avec la laïcité
Cette contradiction et ces confusion,
ont les retrouve sur le terrain de la
laïcité et de la loi de 1905. Quand le
Président dit « La cohésion, ce n’est
pas l’uniformité ou l’unanimité, la
cohésion ne demande pas l’effacement des
différences, ni même des différents,
mais elle exige de la mesure pour se
garder de la provocation qui attise et
de la stigmatisation qui blesse. D’où
l’enjeu de la laïcité. La laicité, ce
n’est pas une mystique, ce n’est pas une
religion d’Etat contre les religions. La
laicité, c’est un ensemble de règles de
droit qui organise la vie dans la
République. La laïcité, c’est avant tout
un principe de neutralité qui s’impose à
l’Etat, mais aussi aux citoyens qui
doivent la respecter», il commet une
profonde erreur. La laïcité est un
principe politique, autrement dit une
norme qui organise l’espace public.
C’est parce qu’elle est cette norme
qu’elle peut se traduire en règles de
droit. L’une de ces traductions est la
neutralité de l’Etat. Mais il est faux,
et très dangereux, de confondre un
principe avec sa traduction
contextuelle. Si l’Etat doit être
neutre, c’est avant tout au nom du
principe que l’on ne discute pas de
religion dans la sphère publique, car la
discussion ne saurait y être réglée par
la seule Raison. Ce principe découle du
pivotement dans la conception de ce
qu’est le fait religieux, et la
religio, engendré par l’affirmation
du christianisme dans l’Empire romain
finissant.
Le passage ou le Président se réfère
aux lois, celle de 1905 comme celle de
2004, est à cet égard éclatant: « …pour
cette raison que le législateur, en
1905, au terme d’un long débat, avait
décidé de séparer les Églises de l’Etat,
plus tard, un siècle plus tard. Pour la
même raison qu’en 2004, il a été
interdit les signes religieux
ostensibles dans les écoles publiques,
non pour discriminer, mais pour protéger
la liberté des enfants et des
adolescents ». Il réduit alors la
laïcité à sa simple traduction
juridique, avant de reconnaître, un peu
plus loin: « La loi de 1905 – c’est
vrai – a été conçue à un moment où la
pratique de l’islam en France
métropolitaine ne connaissait ou ne
concernait qu’une infime partie de la
population. Si bien que la question qui
est posée aujourd’hui, c’est de savoir
si les principes posés il y a un peu
plus d’un siècle restent adaptés
maintenant que l’islam est devenu la
deuxième religion de France. » C’est
bien la preuve qu’il faut distinguer la
traduction juridique d’un principe
politique, traduction qui est toujours
et partout affaire de contexte tant
culturel qu’historique, du principe
lui-même. Mais, ce principe, il faut
être capable de le définir. Or la seule
définition que nous pouvons trouver de
la laïcité dans ce discours est celle de
ses traductions juridiques, comme la
question de la neutralité de l’Etat.
Ici, le serpent se mord la queue.
L’impossibilité qu’i y a à définir
un principe politique par ses diverses
traductions juridiques jette une lumière
crue et cruelle sur les manques du
discours, et de la pensée, de notre
Président.
Mais il y a plus. Il faut revenir sur
la question des possibles
« stigmatisations » qui ont tellement
agitées l’espace du débat depuis janvier
2015. Il convient alors de rappeler que
l’on peut parfaitement discuter
des religions, et cette discussion doit
être ouverte y compris à ceux qui ne
professent pas cette religion, car toute
religion est du domaine des idées. En ce
sens, il faut s’inscrire en faux contre
les mises en garde contre
« l’islamophobie » ou la « christianophobie ».
Mais, par contre, si l’on ne peut, et si
l’on ne doit, pas mettre hors débat des
idées, il est criminel de réduire un
individu aux idées qu’il professe.
Répétons le, telle est la position du
fondamentalisme religieux qui ne veut
voir dans un individu que le croyant (ou
le mécréant, ou l’apostat…). On voit
ici, à travers cet exemple, la
conséquence de la vision simpliste
développée par le Président. Parce qu’il
n’est pas capable d’identifier
précisément la racine du problème, il
doit se contenter d’affirmations
mi-chèvre mi-chou, comme « se garder
de la provocation qui attise et de la
stigmatisation qui blesse ». Mais
comment alors définir ce qu’est une
provocation et ce qu’est une
stigmatisation? Dès lors, notre
Président est désarmé face au problème
politique posé par le fondamentalisme.
Car ce dernier va chercher à avancer ses
pions, qu’il agisse dans le cadre de
l’idée de la fusion de la cité de Dieu
avec celle des hommes ou qu’il agisse
dans celui du projet politique dicté par
la religion, pour tester et détruire la
démocratie. Notre Président est
incapable de formuler des éléments de
réponse sur ce point et, s’il ne sait
donc pas comment faire face à un
problème qui caractérise la période,
c’est parce qu’il ne sait plus où il
habite…
Un Président fâché
avec la souveraineté
Sur ce point, il convient de revenir
un peu en arrière dans le discours et de
s’attarder au long passage ou François
Hollande se fait un ardent défenseur de
l’état de droit, et de l’état d’urgence,
ou il critique, en des mots à peine
voilés, certains de ses adversaires
politiques.
La question de l’état d’urgence
posait celle de la souveraineté. On l’a
dit, et en particulier dans l’ouvrage
Souveraineté, Démocratie, Laïcité
qui a été publié en janvier 2016. Penser
la relation qui existe entre l’état de
droit et des mesures exceptionnelles,
telles que l’état d’urgence, implique de
penser la souveraineté. Or ce mot n’est
nullement employé dans ce discours. Ce
n’est assurément pas un hasard. Car, il
faut revenir sur la notion d’état de
droit.
L’état de droit ne peut signifier
l’intangibilité des règles existantes.
Ceci était bien vu par des auteurs comme
T. Jefferson ou J. Locke pour qui les
décisions d’une génération ne pouvaient
lier la suivante. De même, certains
principes qui sont pourtant inscrits
dans la loi, peuvent être violés. Les
partisans de l’esclavage avaient
formellement raison de prétendre que si
le Congrès américain s’autorisait à
statuer sur cette question il violerait
un droit de propriété. Ils avaient
doublement tort en ne considérant pas
l’incompatibilité qu’il y a à prétendre
construire une société libre sur un
principe d’asservissement, et en ne
comprenant pas que toute tentative pour
empêcher la politique de résoudre cette
question inviterait alors à ce que l’on
use des armes.
Le principe dit d’état de droit se
trouve largement pollué par le
positivisme juridique, et peut conduire
à des situations où la lettre du
droit s’oppose directement à son esprit.
Il faut donc éviter de fétichiser l’état
de droit ou la « rule by law ».
Le positivisme échoue car il ne prend
pas l’exception, ou les dimensions
contextuelles, assez au sérieux. Il
persiste à concevoir les détentions et
les dérogations comme des actes
parfaitement « légaux », concrétisant
des normes plus générales et tirant
d’elles leur autorisation sans
s’interroger sur l’origine, ou la
conformité à des principes répondant à
des fonctionnalités, de ces dites
normes. On peut donc, à la suite de
David Dyzenhaus, comprendre comment
l’obsession pour la rule by law
(i.e. la légalité formelle) et la
fidélité au texte tourne bien souvent à
l’avantage des politiques
gouvernementales quelles qu’elles
soient. À quelques reprises, l’auteur
évoque ses propres analyses des
perversions du système légal de
l’Apartheid en rappelant que cette
jurisprudence avilissante tenait moins
aux convictions racistes des juges
sud-africains qu’à leur « positivisme ».
L’état de droit, ici, se faisait l’allié
d’un système raciste. De même dans une
théocratie, l’imposition de lois
religieuses serait parfaitement
« légal » même si l’on comprend que ces
lois diviseraient profondément la
société et seraient des sources
d’inégalités et d’oppression tout à fait
évidentes.
Mais, si l’on peut changer les lois,
les faire évoluer, et y compris la loi
fondamentale qu’est la Constitution, il
faut se poser la question de qui
a le droit de procéder à de tels
changements. On le sait bien, c’est le
souverain, c’est à dire le peuple. D’où
l’importance du concept de souveraineté,
et d’où le caractère très symptomatique
de son absence dans le texte de ce
discours. Car, pour François Hollande,
qui ici se révèle bien un européïste
fervent, et donc un fervent partisan du
positivisme juridique, seule compte la
légalité. Or, si l’on considère que la
légitimité d’une loi, qui découle de la
souveraineté, n’existe plus ou qu’elle
est entièrement contenue dans la
légalité de cette dernière, cela
signifierait que TOUTE norme prise dans
les formes légales serait légitime.
L’histoire de la France au XXe siècle
contient bien le cas d’un régime, celui
de Vichy, dont les formes étaient
légales mais qui fut considéré comme
illégitime. A l’inverse nous avons le
cas de la France Libre et du Général de
Gaulle du 18 juin à la mise en place de
l’assemblée consultative provisoire
d’Alger réunie à partir de novembre
1943, qui correspond à une légitimité
même si les formes légales n’avaient pas
été respectées. C’est cette légitimité
qui a fait que les décisions de la
France Libre ont prévalu juridiquement
sur celle du régime de Vichy. Nous avons
le précédent de l’ordonnance du 9 août
1944 qui déclara illégal tous les actes
du gouvernement de Vichy. On sait que le
Général de Gaulle avait contesté la
légitimité du régime de Vichy dès le
début, et en particulier lors du
discours qu’il tint à Brazzaville le 27
octobre 1940. Dès lors, aucun des textes
de Vichy ne pouvait se parer des
attributs de la légalité, qui n’était
alors qu’une simple apparence, car le
régime était dépourvu de la légitimité.
C’est ce que devait constater
l’article 7 de l’ordonnance du 9 août
1944, qui organisait
l’extinction des actes de Vichy, une
extinction qui devait, pour les actes
non mentionnés à l’article 2 de
l’ordonnance, être expressément
constatée. Cet article décrit le régime
de Vichy comme « l’autorité de fait
se disant « gouvernement de l’État
français », récusant de fait sa
légalité. Inversement, les actes pris
par le gouvernement de la France Libre,
en dépit de leur caractère souvent
précaire, doivent être considérés comme
des actes légaux. La précarité de ces
textes ne peut être invoquée pour leur
refuser le statut de « loi » au vu du
vieil adage « nécessité fait loi ».
Ici encore les absences du discours
se révèlent très révélatrices de ce que
cache la pensée de François Hollande
qui, sur ce point, s’avère plus proche
de Vichy que de la France Libre. La
manière dont il traite les institutions
sociales, qu’il s’agisse du droit du
travail ou du droit prud’hommale, le
confirme.
Une bien malheureuse
formule…
Il y a cependant un point où François
Hollande s’affirme comme le digne
descendant du « mouvement socialiste »,
dans toutes ses contradictions. Revenons
pour cela au début du discours. Il a,
alors, cette formule extraordinairement
malheureuse: « Nous connaissons les
lois de l’Histoire. Les démocraties
gagnent toujours les guerres ».
Relevons alors ce qu’il y a d’incroyable
dans l’affirmation « Nous connaissons
les lois de l’Histoire ». Cette
prétention au savoir des savoirs fait de
ce pauvre François Hollande, ce petit
Président qui a hérité du surnom de
« pépère », l’équivalent d’un Coryphée
des Sciences. Mais le costume est bien
trop grand pour lui.
Non, nous ne « connaissons » pas les
lois de l’Histoire, et nous ne pouvons
aspirer à les connaître, car les
activités humaines sont changeantes.
Marx affirmait qu’il ne pouvait y avoir
de lois que « tendancielles », et
qu’elles étaient immédiatement
accompagnées de contre-tendances qui
pouvait, transitoirement ou pour de plus
longues périodes, en annuler les effets.
C’est la définition la plus recevable du
concept de « lois » dans le domaine
historique.
De cela François Hollande n’a cure
qui affiche avec une naïveté quasiment
indécente un scientisme absolu. Ce n’est
donc pas une « connaissance » dont il
s’agit (sauf, bien entendu, celle qui
sort par la porte de derrière à
l’Elysée…) mais bien la foi du
charbonnier. François Hollande nous
révèle ainsi, au détour d’une très
malheureuse formule, à quel point il est
dans la croyance. Oh, bien sûr, il ne
s’agit pas d’une croyance religieuse au
sens habituel du terme. Mais c’est bien
pourtant de religion dont il s’agit, et
sa religion à lui, celle au nom de
laquelle il est prêt à sacrifier les
français, à pour nom Euro et
construction européenne.
François Hollande répète aussi (« Les
démocraties gagnent toujours les guerres »),
et sans doute à son insu, la formule de
Paul Raynaud en 1940: « nous
vaincrons parce que nous sommes les plus
forts ». Quelque semaines après,
c’était le catastrophique mois de mai
1940. Il y a des formules dont il vaut
mieux se méfier…
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