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Obama, Poutine et « l’ingérence »
Jacques Sapir

© Jacques
Sapir
Lundi 2 janvier 2017
Les accusations d’ingérences portées
par le Président des Etats-Unis, M.
Barack Obama à l’encontre de la Russie,
à a suite du piratage des courriels de
la direction du Parti Démocrate (le
DNC), ont tourné à la crise
diplomatique. Le Président Obama a ainsi
décidé d’expulser 35 diplomates russes[1].
Dans cette crise, Vladimir Poutine a eu
le beau rôle, et son geste de ne pas
répondre à la provocation de M. Obama
n’a pu que raffermir sa stature de
dirigeant international.
Car, les accusations formulées par
Barack Obama semblent pour le moins
fragiles. Même un ancien responsable de
la défense américaine, le général Kevin
Ryan, qui fut dans sa carrière attaché
de défense à l’ambassade des Etats-Unis
en Russie et directeur régional
principal pour les États slaves au
bureau du secrétaire à la Défense, les
relativise beaucoup[2].
Il rappelle d’autre part que les
Etats-Unis ont, eux aussi, largement
pratiqué l’ingérence en politique
étrangère. Un autre auteur, Alexandre
Mercouris, sur le site The Duran.com,
montre qu’en l’état actuel des
informations, les sources d’Obama sont
pour le moins fragiles, et ne sont
nullement validées par le FBI ni par le
Depratment of Homeland Security[3].
Au delà de ces faits, il faut revenir
sur les pratiques des Etats-Unis envers
la Russie, dans les années 1990, comme
le suggère le général Ryan. On y
trouvera certainement l’explication de
la rage qui semble avoir saisie le
président américain sortant. Car, le
bilan de l’administration Clinton, de
1992 à 2000, apparaît ici éloquent. Je
l’avais dressé dans de nombreux
ouvrages, dont Les économistes
contre la démocratie[4].
J’en avais été le témoin, tant en
Russie, où je faisais à l’époque de
nombreux séjours, qu’aux Etats-Unis, où
j’étais amené à rencontrer divers
responsables. Je republie ici, après les
avoir mises à jours, des fragments
écrits à cette époque.
Le
« système » des libéraux russes
Le désastre économique de la première
phase de la transition en Russie
(1992-1998) sert de révélateur au
comportement des conseillers
occidentaux, mais aussi de certains
gouvernements, et en particulier de
celui des Etats-Unis. L’engagement des
économistes venus d’outre-Atlantique en
faveur de pouvoirs exécutifs forts et
même dictatoriaux, et au détriment de la
construction de réelles institutions
démocratiques, est à l’époque
indéniable. Il a trouvé son apogée dans
les semaines qui ont précédé et suivi la
dissolution du Parlement russe en 1993[5].
Ces économistes ont appelé à cris
stridents à une solution de force qui
prit la forme du « coup d’Etat » de
Boris Eltsine en octobre 1993. Mais, les
économistes, les « experts », ne furent
pas seuls en cause. Dans les milieux
diplomatiques, que ce soit en France (en
particulier au CAP) ou que ce fut aux
Etats-Unis, en particulier au State
Department, on tenait des propos
tous aussi incendiaires. Les économistes
libéraux russes ne furent cependant pas
en reste. Rappelons comment Yegor Gaïdar
lui-même se fit l’avocat des mesures les
plus extrêmes et de la dictature la plus
brutale, si cela pouvait conduire à une
amélioration de la situation économique[6].
Chez les uns comme chez les autres
domine l’illusion de connaître l’avenir,
de détenir la clé du futur. Ce sentiment
tire ses racines de la croyance en des
« lois » économiques fonctionnant à
l’instar des lois de la nature, de
manière indépendante et séparée de
l’action humaine. Les économistes en
position de conseillers (Jeffrey Sachs,
Anders Äslund ou Stanley Fisher[7])
comme ceux en position de gouvernants (Yegor
Gaïdar, Boris Fyodorov et plus
tardivement Anatoly Tchoubaïs) ont eu
une responsabilité, au moins morale,
déterminante dans le conflit d’octobre
1993 entre le Président et le Parlement,
conflit qui conduisit la Russie à deux
doigts de la guerre civile[8].
Cela conduisit à une situation où
dominait, de 1993 à 1998, un pouvoir à
la légitimité faible et contestée
s’appuyant sans cesse sur des puissances
financières dont il a facilité
l’émergence, et qui usent et abusent de
sa situation de faiblesse pour lui
extorquer de nouvelles concessions. Dans
un système bancaire structurellement
vulnérable, certaines banques, celles
qui étaient détenues par les
« oligarques », étaient en mesure de
peser sur les règles du jeu. Fortement
imbriqués dans ce système politique
eltsinien qu’ils finançaient de concert
avec des pays étrangers (on le vit pour
les élections de 1996 quand ces
oligarques tout comme l’Allemagne
s’arrangèrent pour que l’Etat russe
puisse payer ses fonctionnaires dans les
mois précédant le scrutin) ces
oligarques vivaient dans un sentiment
d’impunité complète.
Ces banquiers, tellement courtisés
par les occidentaux en 1996 et 1997, ont
été les grands bénéficiaires de
l’opération « loans for share »
(une privatisation à bon compte des
grandes entreprises exportatrices contre
des prêts au gouvernement) en 1995. Ils
avaient obtenu, tels des fermiers
généraux de l’Ancien Régime, la gestion
directe des finances publiques. Ceci
était possible en l’absence de
l’équivalent russe d’un système analogue
au Trésor en France et ce par la grâce
d’Anatoli Tchoubaïs et Boris Nemtsov qui
s’étaient opposés à l’introduction d’un
tel système. Tchoubaïs reçut, d’une
maison d’éditions liées à un des
bénéficiaires de ces opérations, 100 000
dollars d’avance sur droits d’auteurs.
Boris Nemtsov, alors ministre,
fréquentait assidûment les fêtes, qui
souvent tournaient à l’orgie crapuleuse,
données par ce même oligarque. On
comprend que ces grandes banques se
soient crues durablement protégées
contre les effets de leurs imprudences.
Elles ne l’étaient pas, et pratiquement
toutes en sont mortes…
La collusion
des conseillers américains
Le soutien que reçurent les
organisateurs d’un tel système de la
part du FMI et des gouvernements
occidentaux, et en premier lieu du
gouvernement américain, pose directement
la question des responsabilités[9].
Des accusations précises visant des
collusions et des convergences d’intérêt
entre conseillers occidentaux et
responsables russes, en particulier de
Jeanine Wedel, n’ont jamais été
démenties[10].
En septembre 2000, devant l’ampleur du
scandale révélé par la crise financière
de 1998, le gouvernement américain a
d’ailleurs assigné en justice André
Shleifer, professeur d’économie et
subordonné de Jeffrey Sachs au
Harvard Institute for International
Development et ancien responsable
du groupe des conseillers de
l’Université de Harvard en Russie.
Devant ces faits, au début de 2000,
l’Université décida, à la suite d’une
enquête interne, de dissoudre le HIID[11].
Les réseaux de connaissance, d’alliance
et d’intérêts, unissant « libéraux »
russes et experts occidentaux sont
d’ailleurs au cœur des dérives
désastreuses que l’on a pu observer en
Russie.
Le scandale à l’origine l’action en
justice et la dissolution du HIID avait
une cause simple. Les compagnes des deux
dirigeants du HIID directement impliqués
dans la mise en place de la
privatisation, MM. Shleifer et Hay,
étaient elles-mêmes des responsables de
fonds d’investissement travaillant sur
les titres des sociétés privatisées.
Mais le mal est plus profond. On peut le
constater en regardant les diverses
relations unissant les acteurs russes et
américains sur le graphique ci-dessous.
Anatoly Tchoubaïs, responsable des
privatisations et plusieurs fois
ministre, fut salarié, et grassement,
par le HIID. Les collusions entre les
experts et des fonds d’investissement
furent nombreuses. Plus grave encore, le
scandale impliquant la Bank of New York,
une des plus anciennes institutions
financières américaines. Elle fut
accusée d’avoir participé dans des
opérations financières frauduleuses sur
une échelle très importante. Une des
responsables de la Bank of New York,
licenciée lors du scandale, Lucy
Edwards, était la femme de Peter Berlin,
un émigré russe ayant créé une société,
la Benex. Celle-ci avait
blanchi entre 4 et 10 milliards de
dollars de début 1998 à l’été 1999.
Berlin était bien connu comme l’un des
contacts entre la communauté financière
américaine et les nouveaux banquiers
russes[12].
Konstantin Kagalovsky, un dirigeant de
la banque russe MENATEP, fut
aussi mis en cause. MENATEP
avait été fondée au début de la
transition par un des jeunes libéraux
russes, Mikhail Khodorkovsky. On sait ce
qu’il en advint quand, se croyant
toujours protégé par les Etats-Unis, il
osa défier le pouvoir légitime du
Président Poutine en 2003.
Kagalovsky, quant à lui fut en 1991
l’un des principaux intermédiaires entre
Jeffrey Sachs et Gaïdar. Devenu
Premier-Ministre, ce dernier le remercia
en le nommant le premier représentant de
la Russie au FMI. Sa femme, Natacha
Kagalovsky, était la responsable des
opérations menées depuis Londres par la
Bank of New York au profit de détenteurs
russes de comptes aux États-Unis[13].
L’intervention des autorités américaines
Voici donc quelles furent les
pratiques des jeunes libéraux. Mais, ces
pratiques ne furent rendues possibles
que par l’appui politique constant des
autorités, qu’elles soient russes ou
étrangères, et en particulier
américaines. Revenons un instant sur ce
qu’écrivait à l’été 1993 Stanley Fisher,
le second du FMI; la citation est
rétrospectivement savoureuse: « Tous
les programmes de réformes récents et
les stabilisations réussies ont été
dirigés et associés à un responsable, en
général le Ministre des Finances,
travaillant avec une équipe réduite de
conseillers de confiance (en général
jeunes) qui surveille la mise en oeuvre
de ce programme dans les divers
ministères« [14].
Ces équipes avaient été en réalité
sélectionnées par le gouvernement
américain et ce dernier avait été
régulièrement tenu au courant des
malversations commises par les
“ libéraux ” russes. Ses responsables
avaient tout aussi régulièrement refusé
d’écouter les mises en garde provenant
de ses propres services[15].
Les phénomènes de collusion ont donc
aussi existé du côté occidental dans
cette affaire. Ils ont certainement
accru l’influence des milieux bancaires
souhaitant la poursuite, le plus
longtemps possible, des mécanismes
financiers décrits en Russie en raison
des profits qu’ils en tiraient. Le
Secrétaire d’État au Trésor à Washington
était en 1998 Robert Rubin, qui avait
travaillé quelques années dans le passé
à la mise en place du marché des GKO et
qui devait dans les mois qui suivirent
abolir définitivement la séparation des
banques et des assurances aux
Etats-Unis.
Un ancien responsable de la CIA et du
Conseil National de Sécurité américain,
Fritz Ermath, n’a pas hésité à évoquer
ce problème publiquement lors de son
audition devant la commission aux
affaires bancaires et financières de la
Chambre des Représentants[16].
À l’occasion de la nomination de
Lawrence Summers, l’ancien second, puis
successeur de Rubin au Trésor, l’ancien
directeur du journal de langue anglaise,
le Moscow Times, que l’on peut
penser pourtant favorable aux
« libéraux » russes, pouvait écrire[17]:
« Summers ne figure pas dans la
plainte du Département de la Justice
(contre le HIID), mais il a été pour des
décennies le mentor de Shleifer. En tant
que professeur au MIT, il a recruté
Shleifer, alors un jeune étudiant à
Harvard, comme assistant de recherches,
débutant ce que le Journal of
Economic Perspectives devait décrire
comme une « longue période d’amitié et
d’éducation réciproques ». Même quand le
travail de Schleifer en Russie devint
l’objet d’une enquête, Summers continua
à le soutenir. (…) Ce qui est aussi
intéressant est de voir comment le
Harvard project et les réformateurs
russes ont coopéré pour gagner le
contrôle sur le financement de l’aide
américaine. (…) Voici comment les choses
marchaient. Le groupe d’Harvard
cultivait l’amitié de « réformateurs »
comme Tchoubaïs. (L’amitié en action:
quand Eltsine renvoya brièvement
Tchoubaïs en raison du trucage des
appels d’offres concernant les
compagnies pétrolières, le groupe
d’Harvard utilisa l’argent de l’USAID([18])
pour recruter Tchoubaïs avec un salaire
de 10 000 dollars par mois comme
consultant). L’USAID nota avec
approbation « les profondes relations de
confiance » entre Harvard et les
réformateurs et cita ce fait comme une
des raisons pour donner des aides
supplémentaires à Harvard, tout en
repoussant les projets présentés par
d’autres institutions.
Dans les rares occasions où
l’USAID alloua de l’argent à des
organisations qui n’avaient l’agrément
de Harvard, les réformateurs devaient
annuler cela. Par exemple quand une
équipe de Stanford remporta un concours
de l’USAID pour travailler avec la
commission russe des opérations en
bourse, une commission qui avait été
mise en place par Shleifer et Hay, le
réformateur dirigeant cette commission
déclina l’offre. Stanford perdit le
contrat et plus tard Harvard reçut de
l’argent pour le même travail« .
Les affirmations contenues dans
l’article de Bivens et concernant
l’action de Summers et les pratiques du
HIID n’ont pas été démenties et n’ont
pas donné lieu, à une plainte en
diffamation. Or, les accusations
qu’elles contiennent sont importantes.
Lawrence Summers fut l’adjoint du
Ministre des finances des Etats-Unis de
1995 à 1999 (Secrétaire d’Etat au
Trésor). Leur importance dépasse les
montants alloués par l’USAID au HIID. Ce
que révèle Bivens, ce sont les pratiques
les plus éhontées de copinage. Là où
l’on prétend nous présenter la
transparence de choix scientifiquement
fondés, on découvre la collusion et la
corruption sans freins ni vergogne. Et,
de ces pratiques, émerge la figure d’un
officiel de l’administration américaine,
Lawrence Summers, que des liens anciens
unissaient avec le principal responsable
du HIID, André Shleifer. Mais une autre
figure émerge, celle du vice-Président
de l’époque, Alfred Gore, devenu depuis
une icône des écologistes « chics » et
un des promoteurs de la COP-21. Gore
dirigeait à l’époque la commission
Gore-Tchernomyrdine chargé de superviser
les relations économiques entre les
Etats-Unis et la Russie. Il fut informé
en 1995 par la CIA de l’ampleur des
pratiques de corruption régnant en
Russie et rejeta violemment ce rapport.
Des rumeurs insistantes, jamais
démenties, ont ainsi courues sur le
financement personnel de membres de
l’équipe Clinton (dont Gore était le
vice-Président), en échange de l’appui
politique apporté au gouvernement et aux
« libéraux » russes[19].
Le fait qu’à la suite de la crise de
1998, et de l’arrivée au pouvoir de E.
Primakov, puis de V. Poutine,
l’administration Clinton ait pu être
accusé d’avoir « perdu » la Russie (You
lost Russia) est bien l’ultime
preuve de l’ampleur de l’ingérence
américaine, et de ses effets contraires,
en Russie;
Où l’on
retrouve Goldman Sachs…
Celui qui fut, à l’époque du krach
russe d’août 1998, le supérieur de
Summers, Robert Rubin n’échappe pas non
plus à quelques soupçons. Il fut, avant
de prendre la très officielle position
de Secrétaire au Trésor, un des
responsables de la banque Goldman Sachs,
et en particulier celui qui supervisa la
mise en place du marché des titres
publics russes, les GKO, qui furent le
détonateur du Krach. En 1992, il avait
été détaché auprès de Boris Eltsine
comme conseiller sur les problèmes
bancaires. En juin 1998, alors que la
crise financière était une évidence,
Goldman Sachs, qui avait placé de
grandes quantités de titres russes à des
investisseurs occidentaux, leva, pour le
gouvernement de Moscou 1,25 milliards de
dollars en nouveaux titres. Pour asseoir
la crédibilité de cette opération, cette
banque organisa à grands frais une
soirée à Moscou, à la Maison des
Syndicats. D’après Joseph Kahn et
Timothy O’Brien, des personnalités
russes et occidentales furent invitées.
La banque paya même 100 000 dollars à M.
Georges Bush père pour obtenir sa
présence. Quand la crise éclata et que
le gouvernement russe fit défaut sur les
GKO, placés en partie par Goldman Sachs,
cette société annonça que ses pertes
étaient minimales. Elle avait en effet
revendu les GKO qu’elle détenait
quelques semaines avant la crise[20].
Quelle magnifique coïncidence! Elle est
bien propre à nous faire croire qu’il
est un Dieu pour les banquiers, surtout
quand un de leurs anciens employés est
devenu l’équivalent du Ministre des
Finances américain.
Il reste que l’affirmation selon
laquelle la banque avait pu se dégager à
temps grâce aux bonnes anticipations de
ses experts est quelque peu douteuse.
Des ventes massives par Goldman Sachs de
GKO détenus dans son portefeuille
survenant fin juillet ou début août
n’auraient pas manqué d’inquiéter et
d’avertir les autres opérateurs. Pour
que ces ventes aient pu se dérouler sans
provoquer de remous dans le marché, il
faut qu’elles aient été progressives et
étalées sur plusieurs semaines. Ceci
signifie que cette banque, compte tenu
de son rôle dans le placement des GKO,
s’est forcément trouvée dans la position
consistant à vendre les mêmes titres
dont elle conseillait l’achat à ses
clients. Ceci n’est sans doute pas
illégal; on appréciera néanmoins le
contenu éthique d’une telle pratique.
Signalons enfin que Goldman Sachs avait
aussi développé des relations très
étroites avec un des oligarques russes,
Mikhail Khodorkovsky[21],
l’un des protecteurs de Kagalovsky
impliqué dans le scandale de la Bank of
New York.
Les leçons
de la Russie
Il y a un lien qui va de la
destruction du parlement de Russie en
octobre 1993, aux pratiques de
corruption et de collusion que l’on
vient de décrire. Ces pratiques ont
d’ailleurs été dénoncées par des
personnes que nul ne peut suspecter
d’être des nostalgiques de l’ordre
soviétique. Ce lien est d’abord logique.
Un pouvoir privé de légitimité se réduit
rapidement à un gang de prédateurs. Il
fonctionne en circuit fermé, ce qui
encourage des abus. Faute de contrôle
parlementaire, ces derniers peuvent se
multiplier à loisir. L’indépendance tant
vantée des conditions de décision n’est
pas une garantie contre la prise
d’intérêts, l’abus de bien social, le
vol porté au niveau d’un sport
quotidien. Cette indépendance est par
contre la garantie de l’impunité pour
bien des acteurs. Il y a aussi, et c’est
le plus important, un lien politique.
Cette évolution a été tolérée, couverte,
et même encouragée par des pays
occidentaux et des organisations
occidentales au nom de la défense de
l’économie de marché et de la
démocratie. Pourtant, comme le disait
David Satter dans son témoignage devant
le congrès américain[22] :
« Les réformateurs ont perdu leur
popularité en Russie non pas parce
qu’ils ont défendu la démocratie, mais
parce qu’ils ont facilité la
criminalisation de leurs pays. » On
ne peut pas comprendre le fondement de
la popularité de Vladimir Poutine, de la
légitimité de son action, si l’on oublie
cela. Les pratiques d’ingérences de la
part des Etats-Unis, mais aussi d’autres
pays européens comme l’Allemagne en
particulier, ont pesées d’un poids
déterminant dans la criminalisation de
la vie politique russe. Les pays
occidentaux se sont accommodés, voire
ont suscité, cette criminalisation parce
qu’elle accompagnait une orientation
politique qu’ils chérissaient, parce
qu’elle allait dans le sens de leurs
intérêts. Ils sont bien les derniers à
pouvoir, aujourd’hui, protester contre
des « ingérences » de la Russie, surtout
quand ces soi-disant « ingérences » ne
concernent nullement le gouvernement ou
l’administration de l’Etat mais
uniquement un acteur privé, comme le
parti Démocrate.

[1]
http://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/les-diplomates-russes-expulses-par-barack-obama-ont-quitte-les-etats-unis_1996159.html
[2]
http://news.harvard.edu/gazette/story/2016/12/inside-the-hacked-u-s-election/?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=hu-twitter-general
[3]http://theduran.com/breaking-joint-fbi-homeland-security-report-fails-prove-russians-behind-clinton-leaks/
[4] Sapir J., Les économistes
contre la démocratie, Paris, Albin
Michel, 2002.
[5] Voir en particulier, Fisher S.,
“Prospects for Russian stabilization in
the Summer of 1993”, in A. Åslund (Ed.),
Economic Transformation in Russia,
New York : St. Martin’s Press, 1994, pp.
8-25 et Sachs J. , “Prospects for
monetary stabilization in Russia”, in A.
Åslund (Ed.), Economic
Transformation in Russia, New
York : St. Martin’s Press, 1994 pp.
34-58. Il faut ici rappeler que Stanley
Fisher a été le n°2 du FMI.
[6] V. Mau, Ekonomika i Vlast’ :
predvoritel’nye itogi, Natchala
Press, Moscou, 1995, p. 42.
[7] A l’époque, n°2 du FMI Fisher
est l’ancien directeur de thèse de
Lawrence Summers qui travaille alors à
la Banque Mondiale (1991-1993) avant de
devenir l’adjoint du Secrétaire au
Trésor des Etats-Unis.
[8] Sur ces événements, voir J.
Sapir, Le Chaos russe, La
Découverte, Paris, 1996.
[9] Voir, Sapir J. (2000a), « Le FMI
et la Russie: conditionnalité sous
influence », Critique Internationale,
n°6, hiver 2000, pp. 12-19.
[10] Voir Wedel J.R., (1998),
Collision and Collusion – The strange
case of Western Aid to eastern Europe,
1989-1998, New York, St Martin’s
Press.
[11]Carey Goldberg, « U.S. Seeks
Millions in Suit Against Advisers to
Russia », New York Times,
27/09/2000.
[12]Voir R. Bonner, “ Bank of New
York dismisses second employee in
laundering cas ”, New York Times,
3 septembre 1999, édition électronique.
[13] Voir D. Hoffman, “ In Russia,
the money doesn’t add up ”,
Washington Post, 29 août 1999,
p. A1, et “ N.Y. probe unsettles Moscow
magnates ”, Washington Post, 31
août 1999, p. A7. Voir aussi le
témoignage de T.A. Renyi, Président du
directoire de la Bank of New York Co.,
Inc. devant le comité de la Chambre des
représentants sur la banque et les
services financiers, Washington, 22
septembre 1999, via Internet.(
www.house.gov/banking/testoc2.htm).
[14] Fisher S., “Prospects for
Russian stabilization in the Summer of
1993”, in A. Åslund (Ed.), Economic
Transformation in Russia, op.cit.,
p.24.
[15] R.G. Kaiser, “ Pumping up the
problems : Has investing in the Yeltsin
machine put America’s relationship with
Russia at risk ? ”, Washington Post,
15 août 1999, p. B01.
[16] F.W. Ermarth, “ Testimony of
Fritz W. Ermarth on Russian organized
crime and money laundering before the
House committee on Banking and
Finance ”, 21 septembre 1999,
Washington, USGPO, via Internet.
(www.house.gov/banking/testoc2.htm)
.
[17] M. Bivens, « Harvard’s « fitting
choice » », Édition electronique du
Moscow Times, lundi 18 juin 2001.
[18] L’USAID est l’agence
gouvernementale américaine finaçant
l’assistance technique aux pays en voie
de développement. Elle a été une des
principales sources de financement, et
ce pour des montants de plusieurs
dizaines de millions de dollars, du
HIID.
[19] Ces faits me furent rapportés
en 1999 par un des responsables de la
CIA et du Département d’Etat, M. George
Kolt, décédé en 2005.
[20] J. Kahn et T. O’Brien, « How
Goldman sachs escaped the Russian
economic Bloodbath », The New York
Times, 17 octobre 1998.
[21] Idem.
[22] David Satter, Senior Fellow,
The Hudson Institute and Visiting
Scholar, The Johns Hopkins University
Nitze School of Advanced International
Studies (SAIS), Statement, House
Committee on International Relations,
October 7, 1999.
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