Opinion
Vas-y François file la
Légion d'honneur à Daech
Jacques-Marie Bourget
Samedi 19 mars 2016
Faire commerce de la
Légion d'honneur, à l'Elysée c'est une
vieille habitude.
En 1887
déjà, à l’Elysée on vendait la Légion
d’honneur. Jules Grévy président de la
République avait Daniel Wilson, le mari
de sa fille, pour s’occuper de ce
commerce dans le rouge. Et les
caricaturistes pouvaient alors titrer :
« Ah ! Quel malheur d’avoir un
gendre ! ». A ce que l’on sache,
Hollande n’a pas encore de gendre…
pourtant accorder la Légion à un prince
saoudien, au prétexte qu’il va acheter
nos canons, n’est-ce pas du business, le
troc d’un humanisme en toc ?
La presse française s’est
indignée de ce que la médaille ait été
épinglée, en douce, sur la gandoura de
l’héritier des Saoud. Elle n’a pas tort,
mais son indignation est tardive. Elle
aurait eu meilleure presse, c’est le cas
de la dire, en dénonçant dès leurs
origines les indignes relations entre
Hollande et Riyad. Mais là, quand
l’ex-compagnon de Valérie a participé à
un Conseil d’état-major régional dans le
but de peaufiner au mieux des
bombardements sur le Yémen, qui n’a rien
fait à la France, pas un mot, par une
virgule. Hollande chef de guerre et Le
Drian en chambellan, c’était le monde
idéal. D’ailleurs Le Monde, je
veux dire l’imprimé dont la lecture nous
déprime, sous la signature de Benjamin
Barthe, n’a pas eu assez d’encre pour
applaudir l’amour fou entre le compagnon
de Julie et le royaume des princes
cacochymes.
La Légion d’Honneur, rouge
cerise, n’était que le sommet d’un
gâteau cuisiné depuis très longtemps.
Vendre des Opinel ou des
Laguiole aux saoudiens, afin qu’ils
coupent plus franchement les têtes, ne
saurait être considéré comme un mal par
nos confrères. En revanche, avec la
Légion d’honneur, on entre dans le
sacrilège. Alors que nombre de bandits,
de bourreaux et tyrans en ont déjà été
décorés, comme on le fait d’un sapin de
Noël. Pour encore une fois remonter dans
le temps, Eric Satie disait : « Maurice
Ravel refuse la Légion d’Honneur mais
toute sa musique l’accepte »… d’autres
aggravaient la charge : « le tout n’est
pas de l’avoir faut-il ne pas l’avoir
méritée ».
Bien sûr, savoir que Jean
Moulin, dans sa caisse en bois du
Panthéon, porte le même rouge au côté
que le prince Nayef, ça fait un peu
tâche. C’est là où l’affaire coince,
affaire d’équivalence et de symboles.
Pour les Français la Légion c’est plus
Guy Môquet que le prince Nayef. Vivre
sur des illusions aide à continuer
d’exister, sur des mirages aussi pour
employer une expression qui convient
doublement à ce pays tant aimé de
Dassault.
Outre des tonnes de bombes sur
le Yémen et un blocus maritime qui
affame le peuple, les Saoudiens amis de
Hollande ont, de concert avec les frères
ennemis qataris, aider Dae’ch à
grandir, histoire de liquider Bachar et
ses amis chi’ites. Aujourd’hui, s’ils
affirment combattre leurs anciens
favoris, c’est pour mieux faire pousser
les branches de la Qaïda, qui,
bien sûr abritent des anges. A
l’intérieur du royaume la situation est
déplorable, jusque dans les comptes en
banque. L’Arabie n’est plus le pays où
le prix de l’argent ne comptait pas, la
preuve, les princes qui viennent se
faire soigner en France dans les
hôpitaux publics, sont incapables
d’honorer leurs factures !
A l’intérieur donc, il ne faut
jamais oublier que le sabre comme celui
brandi un jour par Hollande de passage à
Riyad, est l’emblème national. Et ça
marche. Soixante-dix têtes coupées en
deux mois… histoire de reposer le bras
du bourreau, Hollande devrait vendre des
guillotines. Les prochains sur la liste
d’attente sont un blogueur palestinien
et un jeune Chi’ite de dix-sept ans
dont, en bonus, le cadavre devra être
crucifié, un gamin qui a eu l’audace de
protester contre la condamnation à mort
de son grand père…
En France, c’est bizarre, le
Président et le gouvernement n’ont pas
éprouvé de légitime fierté à accorder au
prince la décoration qu’il a eu la
délicatesse de demander. L’Elysée n’a
pas informé le peuple de la bonne
nouvelle, et les rencontres avec Nayef
ne figuraient sur aucun des agendas des
ministres ? Pourtant c’est bien Ségolène
qui est allée attendre le despote au
pied de l’avion (pardon, c’est vrai
qu’envoyer une femme non voilée, c’était
marquer la force de notre République).
C’est bien l’ineffable Macron dit « Macron
économique », qui a raccompagné
l’altesse. Et Ayrault qui l’a reçu au
Quai et Cazeneuve qui, comme un petit
cireur est allé visiter le prince à son
hôtel. Valls ayant invité le futur roi à
déjeuner, sans le vin que l’on impose
pourtant aux iraniens quand ils passent
dans les palais de notre pouvoir.
En ce qui me concerne, je
milite pour que la Légion soit accordée
à l’excellent Baghadi, le subtil et doux
patron de Dae’ch. Au moins nous
saurons que le voyage est terminé, que
nous sommes dans le mur. De la honte…
Publié le 19 mars 2016 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le dossier politique française
Les dernières mises à jour
|