Palestine
Les conditions du nouvel
accord des Nations Unies pour Gaza
IRIN
Au moins
18 000 habitations ont été détruites
lors des récentes attaques israéliennes
contre Gaza
Photo: Wikimedia Commons
GAZA, JÉRUSALEM, DUBAÏ, 23 septembre
2014 (IRIN)
Les Nations Unies ont
annoncé le 16 septembre un nouvel
accord censé atténuer les restrictions
imposées à la bande de Gaza. Dans une
déclaration prononcée à cette occasion,
Robert Serry, émissaire des Nations
Unies au Moyen-Orient, a donné peu de
détails sur l'accord. Il a simplement
précisé qu'il allait « permettre des
travaux d'ampleur nécessaires dans la
bande [de Gaza], avec la participation
du secteur privé, et donner un rôle de
premier plan à l'Autorité palestinienne
dans l'effort de reconstruction. »
IRIN s'est penché sur les conditions de
ce nouvel accord.
Pourquoi est-il nécessaire ?
Après 50 jours de guerre entre Israël et
le Hamas et d'autres groupes islamistes
à Gaza, l'enclave est en grande partie
en ruines. Au moins 18 000 habitations
ont été détruites et Israël a largué des
milliers de bombes sur cette région
densément peuplée. Des infrastructures
essentielles, dont des centrales
électriques et des réseaux d'eau, ont
été sévèrement endommagées.
Les efforts de reconstruction sont
rendus d'autant plus difficiles par le
blocus imposé par Israël et l'Égypte
depuis 2007, limitant ou interdisant
l'entrée de nombreux produits essentiels
dans la bande de Gaza. Les restrictions
appliquées par Israël concernent
notamment les engrais, le ciment, les
câbles d'acier et même certains tissus.
Tel-Aviv
qualifie ces produits de biens « à
double usage », c'est-à-dire que, bien
qu'ils soient nécessaires à la
population civile, ils peuvent
éventuellement servir à des groupes
extrémistes pour mener des attentats.
Étant donné le niveau catastrophique de
destruction et la crise humanitaire
actuelle, la reconstruction serait
presque impossible sans un
assouplissement du blocus. Un grand
groupe sectoriel sur le logement a
estimé que si les restrictions sur
le ciment et d'autres matériaux à double
usage n'étaient pas levées, il faudrait
une vingtaine d'années pour reconstruire
Gaza telle qu'elle était avant la
guerre.
Les Nations Unies, le gouvernement
israélien et l'Autorité palestinienne
sont donc parvenus à un accord visant à
augmenter l'accès à certains matériaux
tout en garantissant à Israël qu'aucun
produit ne tombera entre les mains du
Hamas ou d'autres groupes que le pays
qualifie de terroristes
Quelles en sont les clauses ?
Toutes les dispositions de l'accord
n'ont pas encore été mises à plat et les
décisions prises concernant certains
produits tels que le ciment n'ont pas
encore été rendues publiques. Les
responsables israéliens et du Hamas
interrogés par IRIN se sont montrés
réticents à parler des clauses exactes
de l'accord.
Ce que l'on sait pour l'instant, c'est
qu'il s'applique à deux domaines : les
projets des Nations Unies et les projets
palestiniens privés. Les premiers ont
déjà bénéficié d'un assouplissement des
restrictions ces dernières années, mais
le gouvernement a accepté d'approuver
des projets des Nations Unies simplement
sur réception d'informations basiques
comprenant notamment leur situation
géographique. Cela devrait, en théorie,
accélérer les opérations des Nations
Unies.
La seconde catégorie, à savoir les
projets privés palestiniens, suscite
davantage de controverse. Selon les
nouvelles dispositions, les entreprises
palestiniennes qui cherchent à faire
entrer des produits « à double usage »
doivent les enregistrer au préalable
dans une base de données mise en ouvre
par le gouvernement palestinien en
Cisjordanie et non pas à Gaza. Cette
base de données recensera les
importations et les transferts de ces
produits.
Deux procédures de surveillance seront
appliquées : l'une pour les petits
travaux - par exemple, des habitants
reconstruisant leur maison - l'autre
pour les projets de construction privés
à plus grande échelle. Des équipes de
surveillance des Nations Unies
contrôleront ces deux types de projets.
Quelles sont les garanties pour
Israël ?
Israël s'inquiète que des matériaux « à
double usage » soient déjà tombés entre
les mains d'extrémistes. Paul Hirschon,
porte-parole du ministère des Affaires
étrangères israélien, a dit à IRIN que
son gouvernement pensait que le Hamas et
d'autres groupes avaient détourné de
l'argent destiné à l'aide humanitaire
après des séries de violences
antérieures, en 2009 et en 2012. « Nous
ne voulons pas voir se répéter ce qui
s'est passé il y a deux ou six ans,
quand trop [de fonds et de matériaux]
avaient été détournés pour des actes
terroristes », a-t-il dit. « Nous devons
nous assurer que l'argent versé pour la
reconstruction de Gaza ne soit pas
simplement placé entre les mains du
Hamas et passe ainsi dans l'économie
souterraine. »
En théorie, un certain nombre de
mécanismes ont été prévus pour dissiper
les craintes des Israéliens. Tout
d'abord, le contrôle du côté palestinien
des frontières est maintenant pris en
charge par l'Autorité palestinienne,
basée en Cisjordanie, et non plus par le
Hamas. Contrairement à ce dernier,
l'Autorité palestinienne conserve des
relations diplomatiques avec Israël.
D'autre part, la base de données en
ligne devrait permettre un meilleur
suivi des biens qui entrent dans la
bande de Gaza. En théorie, cela devrait
permettre d'éviter qu'ils tombent entre
les mains du Hamas ou d'autres groupes
armés. Enfin, comme il a été souligné
plus haut, des équipes de surveillance
des Nations Unies sont censées contrôler
les projets et s'assurer qu'aucun
produit ne disparaisse.
Le Hamas a-t-il été consulté
concernant cet accord ?
Il ne semble pas que le Hamas, le parti
islamiste qui dirige la bande de Gaza,
ait explicitement participé aux
discussions ayant mené à cet accord et
on ignore dans quelle mesure le groupe a
été consulté.
Le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri,
a refusé de discuter de l'étendue de
leur participation aux négociations. Il
a simplement dit que le processus ne
devrait pas porter atteinte à la
résistance - terme généralement utilisé
pour désigner l'opposition militaire à
Israël.
« Nous saluons les efforts
internationaux et autres [pour la]
reconstruction de Gaza et nous demandons
[aux puissances internationales]
d'accélérer ces efforts. En attendant,
nous rejetons tout compromis
[qu'impliquerait cet accord] concernant
les droits de notre peuple et la
résistance », a-t-il dit. Passer un
accord sans le soutien du Hamas pourrait
être problématique.
Combien de temps l'accord
va-t-il durer ?
Cela dépend. M. Serry a rapidement
souligné qu'il s'agissait d'un «
mécanisme temporaire » qui ne remplaçait
aucunement le but ultime d'une levée du
blocus de Gaza par Israël et l'Égypte.
Des pourparlers à ce sujet sont prévus
le 12 octobre au Caire, la capitale
égyptienne. Les analystes pensent
cependant qu'un tel accord a peu de
chances d'aboutir, en tout cas pas à
court terme. Si les parties prenantes ne
parviennent pas à s'entendre en octobre,
ce dernier accord pourrait bien être le
meilleur espoir d'amélioration de
l'accès à Gaza.
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Publié le 24 septembre 2014 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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