Analyse
Ce que disent les analystes au sujet
de la crise de l’eau à Gaza
IRIN
Des eaux usées non traitées dans le
fleuve Wadi Gaza, près de la ville de
Gaza
Photo:
ICRC
Mercredi 14 mai 2014
DUBAÏ, 13 mai 2014
(IRIN) - Les répercussions de
l’hiver sec que connaît le
Moyen-Orient sont suivies de près à
Gaza. Un certain nombre de menaces à la
sécurité de l’eau – créées par l’homme,
pour la plupart – pèsent en effet déjà
sur les 1,9 million d’habitants de la
région.
Les publications récentes présentées
ci-après mettent en évidence
l’épuisement presque total de l’aquifère
côtier de Gaza et le lien étroit qui
existe entre la sécurité de l’eau et
l’approvisionnement en électricité.
Elles ont été rédigées par des groupes
de réflexion, des analystes et des
organisations de défense des droits de
l’homme.
Dans les Territoires palestiniens
occupés (TPO), la crise énergétique a
entraîné une diminution de la
disponibilité de l’eau courante dans la
plupart des foyers, selon une fiche
d’information produite par le Bureau
de la coordination des affaires
humanitaires des Nations Unies (OCHA).
Plus de 30 pour cent des foyers de Gaza
ont de l’eau courante pendant seulement
6 à 8 heures tous les quatre jours.
En mars, une pétition rédigée par le
Groupe EWASH [eau, assainissement et
hygiène en temps de crise], une
coalition regroupant des organisations
non gouvernementales (ONG) nationales et
internationales et des agences des
Nations Unies, et signée par près de 13
000 personnes a été remise au Parlement
européen afin de l’inciter à agir pour
mettre un terme à la crise de l’eau à
Gaza.
« L’échelle et la gravité de la crise de
l’eau à laquelle est confrontée la bande
de Gaza sont très inquiétantes. En
l’absence de mesures correctives
immédiates, les dommages causés aux
ressources en eau de Gaza pourraient
être irréversibles », indique une fiche
d’information publiée par l’Autorité
palestinienne de l’eau (Palestinian
Water Authority, PWA).
Selon la PWA, au moins 90 pour cent de
l’eau de Gaza contient des taux élevés
de nitrates (NO3) et de chlorures (Cl).
L’organisation indique aussi que la
quantité d’eau disponible est un
problème : la consommation moyenne est
de 90 litres par jour par personne, soit
une quantité inférieure au
seuil minimal recommandé par l’OMS,
selon le Groupe EWASH.
On s’attend à ce que la population de
Gaza continue de croître dans les années
à venir et que les besoins en eau et en
électricité augmentent en proportion. La
PWA estime aussi que l’électricité
nécessaire pour faire fonctionner les
installations d’approvisionnement en eau
et de traitement des eaux usées (qui est
actuellement de 29 mégawatts) atteindra
81,5 mégawatts d’ici 2020 en raison de
la croissance démographique et de la
construction de nouveaux projets liés à
l’eau.
« Le manque d’électricité et de
carburant pour faire fonctionner les
pompes à eau et les puits a entraîné une
diminution encore plus marquée de la
disponibilité de l’eau courante dans la
plupart des foyers, ce qui a accru la
dépendance de la population envers les
fournisseurs privés non réglementés et
fait baisser les normes d’hygiène »,
indique la fiche d’information sur les
TPO publiée en mars par OCHA.
Israël est le principal fournisseur
d’électricité des TPO. Ceux-ci ont en
effet acheté 4 702
gigawattheures à l’État hébreu en
2012, ce qui représente 89 pour cent de
leurs achats d’énergie. La bande de Gaza
est alimentée par trois sources :
l’électricité achetée à Israël (120
mégawatts) et à l’Égypte (28 mégawatts)
et celle produite par la centrale
électrique de Gaza (Gaza Power Plant,
GPP) (60 mégawatts à l’heure actuelle).
Selon OCHA, ces trois sources permettent
de satisfaire moins de la moitié de la
demande estimée.
Dans un rapport récent sur l’eau dans
les TPO, l’organisation Friends of the
Earth écrit : « L’injustice en matière
d’eau et l’allocation inéquitable de
l’eau ont gravement affecté le bien-être
social et économique global du peuple
palestinien... La majeure partie des
ressources en eau sont concentrées entre
les mains d’Israël alors même que la
population palestinienne souffre de
déficits en eau importants. »
Dans un
communiqué de presse publié en
février, l’organisation israélienne de
défense des droits de l’homme
B’Tselem a déclaré que le
gouvernement israélien était en grande
partie responsable de cette
discrimination en raison de ses
politiques en matière de gestion de
l’eau : « Des quantités minimes d’eau
sont fournies aux Palestiniens et l’eau
provenant des ressources partagées n’est
pas divisée équitablement. »
L’Autorité israélienne de l’eau (Israel
Water Authority) estime cependant
qu’Israël va bien au-delà de ses
obligations en matière de fourniture
d’eau aux TPO. L’organisation fait aussi
remarquer que le forage non réglementé
de puits dans les TPO constitue une
menace importante pour
l’approvisionnement : « Plus de 300
puits non autorisés ont été creusés par
les Palestiniens en Cisjordanie. Ces
puits non autorisés pourraient entraîner
une dégradation de l’aquifère partagé.
C’est ce qui s’est produit avec
l’aquifère de Gaza : les puits l’ont
rendu presque inexploitable et ont causé
une catastrophe écologique. »
Presque toute l’eau de Gaza provient de
l’aquifère côtier, que Gaza partage avec
Israël. « [P]uisqu’il n’y a aucune
coordination politique entre Israël et
la bande de Gaza concernant l’aquifère
côtier, les deux autorités surexploitent
la nappe »,
indique le Groupe EWASH.
Le rapport des Nations Unies
intitulé
Gaza in 2020 [Gaza en 2020], publié
en août 2012, prévoit que l’aquifère
côtier deviendra inexploitable d’ici
2016 et que les dommages seront
irréversibles d’ici 2020 si sa
dégradation se poursuit au rythme
actuel.
En 2009, le Programme des Nations Unies
pour l’environnement (PNUE) a recommandé
de cesser complètement l’extraction
d’eau de l’aquifère, mais, vu les
faibles précipitations et l’absence de
cours d’eau coulant toute l’année, les
options des Gazaouis sont très limitées.
La PWA a annoncé des plans à long terme
pour la construction d’une usine
centrale de dessalement et des plans à
court terme pour plusieurs projets de
dessalement de faibles volumes d’eau, la
construction d’usines de traitement des
eaux usées et la réutilisation des eaux
usées traitées pour l’irrigation. La
viabilité de ces plans peut cependant
être mise en question vu les défis posés
par le blocus et les pénuries
d’électricité.
Des projets stratégiques de grande
envergure doivent être mis en œuvre de
toute urgence pour assurer le
dessalement de l’eau et le traitement
des eaux usées et ainsi subvenir aux
besoins de la population à l’avenir,
mais, si les sources d’énergie adéquates
ne sont pas disponibles, ces projets ne
feront que s’ajouter aux autres défis
que doivent surmonter les Gazaouis.
Dans le cadre du
plan de réponse stratégique 2014
pour les TPO, les Nations Unies ont
lancé un appel pour mobiliser 25
millions de dollars afin d’améliorer
l’accès aux services d’eau,
d’assainissement et d’hygiène (WASH)
pour 1,9 million de personnes dans le
besoin. Jusqu’à présent, le secteur
WASH, qui souffre d’un sous-financement
chronique, n’est financé qu’à hauteur de
5,6 pour cent, ce qui est bien en
deçà de la moyenne pour les autres «
clusters », qui est de 18 pour cent.
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Publié le 14 mai 2014 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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