Palestine
Aucun signe d’un assouplissement
potentiel
du blocus de Gaza
IRIN
Des
camions attendent leur tour au
poste-frontière de Kerem Shalom,
l’un des points de passage entre
Israël et la bande de Gaza (photo
d’archives)
Photo: Erica Silverman/IRIN
DUBAÏ, 4 septembre 2014 (IRIN)
Près d’une semaine après la signature de
l’accord de cessez-le-feu, les
humanitaires et les garde-frontières
constatent qu’aucune restriction n’a été
assouplie. Or, nombreux étaient ceux qui
croyaient que l’accord prévoyait une
levée partielle du blocus imposé à Gaza.
Les organisations non gouvernementales
(ONG) souhaitent augmenter l’aide
accordée à la région palestinienne, mais
les restrictions d’accès continuent
d’entraver leur travail. La campagne de
bombardement israélienne qui vient de se
terminer a duré 50 jours ; elle a fait
plus de 2 000 morts, des milliers de
blessés et détruit la majeure partie des
infrastructures de l’enclave.
Les conditions exactes de l’accord de
cessez-le-feu signé la semaine dernière
par Israël et diverses factions
palestiniennes n’ont pas été révélées,
mais de nombreux médias
ont rapporté que Tel-Aviv s’était
engagé à assouplir les règles de
circulation aux frontières en échange
d’une cessation des hostilités et qu’on
s’attendait à ce que l’Égypte allège
elle aussi son blocus.
Parmi les questions les plus
litigieuses, un grand nombre ont été
laissées ouvertes et seront abordées
lors des négociations qui doivent avoir
lieu dans trois semaines. Les
travailleurs humanitaires espéraient
malgré tout des changements rapides dans
les politiques en matière d’accès
humanitaire et d’autres types d’accès.
La bande de Gaza est soumise à un blocus
terrestre et maritime imposé par les
autorités israéliennes et égyptiennes
depuis la prise de contrôle du
territoire par le Hamas, en 2007.
Les politiques appliquées avant le
cessez-le-feu sont demeurées en vigueur
dans les trois principaux
postes-frontières : ceux d’Erez et de
Kerem Shalom, à la frontière
israélienne, et celui de Rafah, à la
frontière égyptienne. « Pour le moment,
il n’y a eu aucun changement dans le
régime de circulation des personnes et
des marchandises aux postes d’Erez et de
Kerem Shalom », a dit Maria José Torres,
directrice adjointe de la branche
régionale du Bureau de la coordination
des affaires humanitaires des Nations
Unies (OCHA) dans les Territoires
palestiniens occupés (TPO).
Elle a dit que l’organisation espérait
davantage de transparence de la part des
autorités au sujet de l’ouverture des
frontières. « Nous nous attendions à ce
que l’accord de cessez-le-feu comprenne
une sorte de calendrier pour
l’allégement et la levée du blocus, mais
rien n’a été annoncé publiquement
jusqu’à présent. Il est possible que
nous ne soyons pas au courant de tout »,
a-t-elle dit, faisant référence aux
négociations indirectes qui ont
actuellement lieu entre les factions
palestiniennes et Israël.
La réduction du nombre de marchandises
dont l’accès est limité est l’un des
principaux points de friction. Israël
impose notamment des
restrictions à l’entrée sur les
engrais, le ciment, les câbles d’acier
et même certains tissus. Tel-Aviv estime
que ces marchandises peuvent avoir un «
double usage », c’est-à-dire qu’elles
peuvent être utilisées par la population
civile, mais aussi par des groupes
militants à l’occasion d’attaques.
Wael Abu Omar, un porte-parole des
autorités gazaouies, a également dit que
les responsables s’attendaient à un
assouplissement immédiat des
restrictions et à une augmentation de la
circulation après le cessez-le-feu. Il a
cependant ajouté que les politiques
n’avaient pas changé et que le nombre de
camions commerciaux qui entraient
quotidiennement était resté plus ou
moins semblable à celui qui prévalait
pendant le conflit, soit entre 200 et
250.
« Il ne nous reste plus qu’à attendre et
à voir ce que les prochains jours nous
réservent. Nous attendons qu’on nous
donne ce qu’on nous a promis, mais rien
n’a changé jusqu’à présent », a-t-il
dit.
Fikr Shaltoot, directrice des programmes
à Gaza pour Medical Aid for the
Palestinians (MAP), une œuvre de
bienfaisance basée au Royaume-Uni, a dit
que les membres de son organisation
avaient eux aussi été déçus par
l’absence de changement. « Nous
espérions constater des changements
immédiats à tous les postes frontaliers.
Je n’ai remarqué aucune amélioration
jusqu’à maintenant », a-t-elle dit,
ajoutant que les besoins médicaux à Gaza
sont criants. « Il y avait déjà de
graves pénuries de médicaments avant
l’agression – les réserves de 28 pour
cent des biens essentiels étaient
épuisées », a-t-elle dit. « La situation
est maintenant critique. »
Selon Paul Hirschson, un porte-parole du
ministère des Affaires étrangères
israélien, la majeure partie de ces
attentes sont fondées sur de pures
conjectures, car les conditions exactes
de l’accord de cessez-le-feu n’ont pas
été révélées.
« J’ai moi aussi entendu dire qu’Israël
et/ou d’autres avaient accepté telle
condition [mais], à ma connaissance,
toutes les parties se sont entendues
pour cesser les hostilités et pour que
des négociations au sujet de l’avenir
aient lieu sous l’égide des Égyptiens »,
a-t-il dit. « Je propose que nous
laissions les diplomates faire leur
travail. »
Des restrictions semblables sont en
vigueur à la frontière égyptienne. L’entrée
sur le territoire palestinien de 18
camions de vivres du Programme
alimentaire mondial (PAM) par le point
de passage de Rafah, le 28 août, a
cependant soulevé l’espoir d’un
assouplissement potentiel. C’était la
première fois depuis 2007 que
l’organisation utilisait ce
poste-frontière pour l’acheminement
d’une aide humanitaire. Celle-ci doit
généralement passer par Israël.
Les responsables du PAM ont cependant
insisté sur le fait que l’entente avait
été négociée dans les semaines précédant
le cessez-le-feu. « Notre bureau
régional a négocié pendant cinq semaines
avec des ministres au Caire pour obtenir
l’autorisation de faire entrer ces 18
camions en Palestine », a dit Sune Kent,
responsable de la logistique, de la
préparation aux urgences et de la
sécurité du PAM pour la Palestine. «
L’acheminement de marchandises par le
poste-frontière de Rafah exige des
négociations étroites et continues avec
les autorités égyptiennes. »
Régler la question des
marchandises à double usage
L’inquiétude face à la possibilité que
le blocus ne soit pas allégé continue de
croître. On peut comprendre, dans ce
contexte, que la population de Gaza ait
un sentiment de déjà-vu. En novembre
2012, après huit jours d’affrontements,
Israël et le Hamas s’étaient entendus
sur un accord qui prévoyait prétendument
un allégement du blocus.
« On ne peut pas amener de l’eau
embouteillée pour 500 000 personnes.
Il faut réparer les systèmes
d’approvisionnement en eau. Et il
faut, pour ce faire, faire rentrer
des équipements techniques »
Une grande partie des principes de base
de cet accord étaient semblables à ceux
que l’on a signalés comme faisant partie
du nouvel accord. À la suite de sa
signature, les restrictions aux
frontières avaient été brièvement
assouplies et les Palestiniens de Gaza
avaient pu se rendre plus facilement en
Égypte et en Israël.
En dépit de ces premiers signes
prometteurs, toutefois, l’accord n’a
jamais été intégralement appliqué, en
raison notamment du renversement en
Égypte du gouvernement des Frères
musulmans, pro-Hamas, par l’armée
nationale, une initiative appuyée par
des manifestations populaires massives.
Le nouveau leader du pays, l’ancien
général Abdel Fattah el-Sisi, est
hostile au Hamas, ce qui explique le
renforcement des sanctions imposées à
Gaza.
Cette fois-ci encore, la menace d’un
échec de l’accord est bien réelle,
d’autant plus que peu de mécanismes
d’application semblent avoir été prévus.
M. Hirschson a confirmé à IRIN que les
conditions de l’accord ne comprennent
aucune garantie quant au respect des
engagements des deux parties.
Les analystes disent que si des
changements ne sont pas apportés aux
politiques dans les prochains jours,
l’accès humanitaire dépendra ultimement
de la recherche d’un consensus pendant
les négociations qui doivent avoir lieu
au Caire dans les semaines à venir. Il
risque d’être extrêmement difficile de
trouver un terrain d’entente. Le Hamas
demande notamment la libération de
centaines de prisonniers et la
construction d’un port et d’un aéroport
qui permettraient aux Palestiniens
d’avoir une plus grande liberté de
mouvement et d’accéder au reste du monde
sans être contrôlés par les Israéliens.
Nir Bons, chargé de recherche au Centre
Moshe Dayan pour les études du
Moyen-Orient, basé à Tel-Aviv, a dit à
IRIN que de tels objectifs demeureraient
inacceptables pour les politiques
israéliens tant que le Hamas serait au
pouvoir. Il a dit, en faisant référence
à l’ouverture potentielle d’un port et
d’un aéroport à Gaza : « Israël ne
laissera pas les Palestiniens les avoir
à moins d’un changement radical dans la
configuration [du pouvoir]. Nous sommes
donc de retour à la case départ : le
Hamas reste au pouvoir, déterminé à
poursuivre [ses attaques jusqu’à ce
qu’il atteigne] Jérusalem […] Israël ne
peut pas accepter ça. »
De la même façon, la principale demande
d’Israël – la démilitarisation de la
bande de Gaza – n’est « pas envisageable
», selon Hugh Lovatt, coordonnateur de
projets pour Israël et la Palestine
auprès du Conseil européen des relations
étrangères. « Ce n’est pas du tout
réaliste », a-t-il dit.
On craint dès lors que la crise ne
ramène la région au statu quo qui
prévalait avant le conflit – et que les
contrôles aux frontières ne soient pas
assouplis – si des pourparlers plus
approfondis échouent.
M. Lovatt a dit que les bailleurs de
fonds pourraient, dans de telles
circonstances, se montrer hésitants à
financer des programmes d’aide
d’urgence, en particulier s’ils sentent
qu’un autre conflit risque de se
produire si les problèmes sous-jacents
ne sont pas abordés. « Dans l’esprit du
contribuable européen, l’argent qu’il
donne à Gaza sert à rebâtir des
infrastructures qui sont ensuite
bombardées par Israël. Il y a une
question de responsabilité ici », a-t-il
dit.
Le défi des Nations Unies est d’aider
les parties à trouver des solutions de
compromis. Le statut des marchandises à
double usage risque notamment de faire
l’objet de pressions de la part des deux
camps. « Nous sommes pleinement
conscients des problèmes d’ordre
sécuritaire soulevés par Israël. Les
parties qui facilitent les négociations,
incluant les Nations Unies, cherchent
des solutions qui seront considérées
comme acceptables [par les Israéliens]
», a dit Mme Torres, de l’OCHA. On songe
notamment à confier l’acheminement des
marchandises à double usage à des
organisations spécifiques.
M. Kent, du PAM, a dit que les autorités
israéliennes avaient accordé
relativement facilement à l’organisation
l’autorisation de faire entrer des
vivres à Gaza pendant le conflit et
qu’il n’avait fallu attendre, en
moyenne, qu’un ou deux jours aux
postes-frontières. « L’acheminement de
l’aide humanitaire nécessaire à la
survie des Gazaouis n’a pas été
problématique. Les Israéliens ont gardé
ouvert le point de passage beaucoup plus
souvent que lors des conflits précédents
», a-t-il dit.
Il a cependant fait remarquer que l’aide
alimentaire n’était qu’une solution à
court terme et qu’il faudra
éventuellement parvenir à des accords
sur l’acheminement de marchandises
faisant l’objet de restrictions – comme
le ciment et la machinerie lourde – si
l’on souhaite endiguer la crise
humanitaire à long terme, car la majeure
partie des infrastructures de Gaza ont
été détruites. « On ne peut pas amener
de l’eau embouteillée pour 500 000
personnes. Il faut réparer les systèmes
d’approvisionnement en eau. Et il faut,
pour ce faire, faire rentrer des
équipements techniques […]. C’est la
façon la plus rentable de donner de
l’eau potable aux Gazaouis », a-t-il
dit.
Selon Salman Shaikh, directeur de la
Brookings Institution, un groupe de
réflexion basé à Doha, la poursuite des
initiatives en faveur de la création
d’une mission internationale ayant pour
mandat de contrôler les frontières
pourrait permettre d’améliorer l’accès.
Au cours des dernières semaines, des
gestes diplomatiques ont été faits dans
le but d’aborder la création potentielle
d’une force, dirigée par l’Union
européenne, qui aurait pour mandat de
surveiller les points de passage entre
la bande de Gaza, d’une part, et Israël
et l’Égypte, d’autre part. La présence
de cette force pourrait permettre
d’apaiser certaines des préoccupations
d’Israël en matière de sécurité tout en
assurant un meilleur accès. Le ministre
des Affaires étrangères israélien
Avigdor Liberman a
accueilli favorablement l’idée.
« La nécessité d’une implication accrue
de la communauté internationale sur le
terrain est de plus en plus reconnue »,
a dit M. Shaikh, ajoutant qu’il est trop
tôt pour dire précisément quelle forme
prendrait cette force.
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© IRIN 2014. Tous droits réservés.
Publié le 4 septembre 2014 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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