Tunisie -
Politique
Le prix de l'aide de l'Union européenne
à la Tunisie
Imed Bahri
Dimanche 20 avril 2014
La
Tunisie est en train de se mettre sous
la tutelle de l'Union européenne, du FMI
et de la Banque Mondiale. Mais a-t-elle
le choix?
Par Imed Bahri
En août 2013, la Tunisie a
officiellement sollicité de l'Union
européenne (UE) une «assistance
macro-financière». Il a fallu attendre
le 26 février 2014 pour que le
représentant du Conseil de l'Europe
envoie une lettre approuvant la position
du Parlement européen. Ce dernier
votera, le 16 avril, cet accord d'«assistance
macro-financière». 300 millions
d'euros viendront donc renflouer les
caisses de l'Etat tunisien, déjà mises à
mal par l'énorme déficit commercial, qui
a poussé le gouverneur de la Banque
centrale à parler d'effondrement («inhiyar»).
Mais il s'agit bel bien d'un prêt et non
d'un don. Le contraire nous aurait
surpris...
Une aide
conditionnée
Les deux dons d'une valeur de 290
millions et de 155 millions d'euros ont
déjà été accordés pour la période
2011-2013 aux gouvernements Caïd Essebsi,
Jebali et Larayedh. Sans résultat
puisque, selon le préambule de la
décision européenne, «la balance de
paiement continue de présenter un
important besoin de financement
extérieur qui dépasse les ressources
octroyées par le FMI et d'autres
institutions multilatérales».
L'objectif de cette assistance est de
soutenir «le rétablissement de la
viabilité des finances extérieures»
et compléter les programmes du FMI et de
la Banque mondiale. La Tunisie a été
déclarée éligible, en raison du fait
qu'elle fût considérée, après de longues
négociations depuis 2008 entre l'Etat
tunisien et l'UE, comme un pays couvert
par la Politique européenne de voisinage
(PEV).
En effet, l'accord d'association
étant entré en vigueur le 1er mars 1998,
notre pays, selon le Parlement européen,
a «achevé la suppression des droits
de douanes sur les produits industriels
en 2008» et honoré donc ses
engagements. Il fût, en effet, le
premier pays du sud de la Méditerranée à
établir une zone de libre-échange avec
l'UE, à cette date.
Mais le constat du Parlement Européen
est sans appel concernant l'état actuel
de notre économie. Selon lui,
«l'économie tunisienne a
considérablement pâti des événements
intérieurs liés aux évolutions
intervenues dans les pays du sud de la
Méditerranée depuis fin 2010, connus
sous le nom du ''printemps arabe'' et
par l'agitation qui en a découlé dans la
région particulièrement en Libye
voisine», ainsi que de la récession
dans la zone Euro. Le ralentissement de
la croissance et les importants déficits
de financement extérieur et budgétaire
viennent de ça. Mais l'adoption de la
nouvelle constitution, qui «comporte
quelques avancées dans le domaine des
droits et libertés fondamentaux», met la
Tunisie sur «la voie de la démocratie et
de l'Etat de droit».
A aucun moment le document voté par
le Parlement européen ne parle de
«révolution» ni de démocratie établie.
En conséquence, l'assistance
macro-financière sera, comme il est dit
clairement, «subordonnée à la condition
préalable que la Tunisie respecte les
mécanismes démocratiques effectifs,
notamment le pluralisme parlementaire et
l'Etat de droit et garantit le respect
des droits de l'Homme».
Voilà qui ne souffre d'aucune
ambivalence. En d'autres termes, dès
qu'elle constate des écarts de la part
de l'exécutif tunisien par rapport à ces
conditions, la Commission européenne
pourra stopper le versement du prêt et
accélérer son remboursement avant la fin
de l'échéance dans 15 ans.
La Tunisie
sous tutelle?
Pour garantir le bon usage du prêt
dans «le rétablissement de la balance du
paiement» et la bonne application du
programme du FMI ainsi que la
transparence nécessaire, l'UE se réserve
le droit d'envoyer «l'office
européen anti-fraude ou sa cours des
comptes sur place», sans que le
gouvernement tunisien ne puisse s'y
opposer. Normal, les Européens tiennent
à savoir comment sera dépensé leur
argent et la confiance règne.
Sur le plan purement politique,
l'objectif de cette assistance est on ne
peut plus clair: «Renforcer
l'adhésion de la Tunisie aux valeurs
qu'elle partage avec l'Union: la
démocratie, l'Etat de droit, la bonne
gouvernance, le respect des droits de
l'Homme, le développement durable et la
réduction de la pauvreté, ainsi qu'aux
principes du commerce ouvert et
équitable fondé sur des règles».
De là à dire que la Tunisie est mise
sous tutelle de l'Union européenne, du
FMI et de la Banque Mondiale, il n'y a
qu'un pas que certains n'hésiteront pas
à franchir. Mais a-t-on vraiment le
choix?
C'est le processus d'une vraie
descente aux enfers qui a débuté avec la
montée de l'islam politique au pouvoir
et son lot d'instabilité, d'insécurité,
de terrorisme, d'assassinats politiques
et de mauvaise gouvernance. Certains
continuent à vouloir y entrainer le
pays. Le gouvernement Jomaa vient de
recevoir une bouée de secours!
Saura-t-il l'attraper.
Illustration: Visite
du commissaire Stefan Füle à Tunis
(13-14 mars 2014).
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réservés
Publié le 20 avril
2014 avec l'aimable autorisation de
Kapitalis
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