Opinion
Arabie Saoudite, la stratégie du Mistral
perdant
Hedy Belhassine
Lundi 22 février 2016
On se souvient que
pour cause de brouille diplomatique sur
la Crimée la France avait refusé de
livrer les navires de guerre que lui
avait commandés la Russie. Cette
décision sans précédent dans les usages
du commerce de l'armement fait désormais
jurisprudence depuis que l'Arabie
Saoudite a soudainement décidé d'annuler
un contrat d'armes françaises pour le
Liban : deux milliards de missiles et de
bricoles blindées qui s'apprêtaient à
sortir d'usine. Le client salafiste est
roi, c'est son choix. C'est une tuile
pour Le Drian d'autant que les effets de
cette mauvaise humeur entre l'Arabie et
la France pourraient empoisonner les
prochaines élections.
Les nations
vertueuses ne vendent des armes qu'à
celles qui s'engagent à respecter les
règles fondamentales des droits humains.
Très étonnement, l'Arabie remplit ces
critères ; c'est d'ailleurs un cas
d'école dans les académies diplomatiques
internationales où l'étalon saoudien
fixe le prix de la compromission.
La monarchie
saoudienne étête les opposants, fouette
les poètes, avilit les femmes,
discrimine les étrangers et
subsidiairement, bombarde son voisin le
Yémen. Pourtant, le royaume wahhabite a
été élu à la présidence de la Commission
de droits de l'Homme de l'ONU. Il est
vrai que ce petit pays peuplé de trois
fois dix millions de sujets, (mâles,
femelles et étrangers) est le premier
exportateur de pétrole et le premier
importateur d'armes du monde. Ces
circonstances sont tellement atténuantes
qu'elles suffisent à faire oublier que
l'idéologie de l'Etat Islamique d'Arabie
est un copié-collé de celle Daech notre
pire ennemi.
Pour tenter de
stopper les coupeurs de têtes qui
donnent des cauchemars aux marchands de
sabres « défensifs », l'Allemagne de
Merkel a donné l'exemple en rompant dès
janvier 2015 sa coopération militaire
avec le royaume des ténèbres http://hybel.blogspot.fr/2015/01/larabie-saoudite-est-notre-probleme.html .
L'annonce a été laborieusement suivie de
quelques effets.
La Suède lui a très
vite emboité le pas bien plus
rigoureusement. Désormais entre
Stockholm et Riyad, plus rien ne passe.
http://hybel.blogspot.fr/2015/03/lhorreur-darabie-lhonneur-de-la-suede.html
La Suisse après
avoir annoncé qu'elle se rangeait dans
le camp des intransigeants semble avoir
mis de l'eau dans son fendant.
Au Canada, des
citoyens ont introduit des recours
judiciaires pour annuler une transaction
de 12 milliards de dollars (canadiens
mais quand même) d'engins blindés.
Enfin le Liban
vient malgré lui et à ses dépens de
rejoindre ce club très fermé des nations
vertueuses, car au prétexte que son
ministre des affaires étrangères avait
refusé de lui baiser les babouches lors
du dernier sommet de la Ligue Arabe, le
roi d'ARABIE a décidé de suspendre le
paiement de toutes les factures que lui
présenteraient désormais les
fournisseurs de l'armée libanaise.
La France, victime
innocente collatérale, est bien
embarrassée car aux termes d'un accord
convenu pendant la visite de François
Hollande à Riyad en décembre 2013,
l'Arabie avait signé trois milliards de
dollars de bons d'achats d'armements à
livrer au Liban. http://hybel.blogspot.fr/2013/12/le-voyage-siderant-de-hollande-en-arabie.html
Cette opération
commerciale triangulaire avait été
confiée à ODAS, une centrale
d'achats présidée par un amiral de
réserve cinq-étoiles, ancien chef d'état
major particulier de Chirac puis
Sarkozy. Ses talents insoupçonnés de
commerçant international ont été
récompensés par l'envoi il y a six mois
d'une lettre d'engueulade du royal
client au gouvernement français le
mettant en demeure de changer de chargé
d'affaires. À Paris, l'avertissement n'a
pas porté, il a été mis au compte de
réseaux d'influence jaloux et
d'intermédiaires gourmands ; l'amiral
est resté droit dans les bottes de son
officine. Alors le roi-client a fini par
se fâcher, il vient de lui couper les
vivres.
Au delà des raisons
franco-françaises de ce fiasco
diplomatico-commercial, les causes
politiques extérieures ne manquent pas.
L'Arabie reste obstinément accrochée à
sa posture « anti-Bachar », alors que le
Liban – 4 millions de réfugiés syriens,
soit un habitant sur deux - est déjà
dans « l'après », sentant qu'au delà des
soubresauts d'arrière garde, la paix et
la répartition de ses dividendes est à
portée de main. Le royaume salafiste est
se surcroît empêtré dans la guerre
qu'il a provoquée avec son voisin le
Yémen dont le coût faramineux a
contraint le roi à recourir à une
mécanique barbare jusqu'à présent
inconnue sur ses terres : l'impôt.
La maison des Saoud
est malade comme son roi. Les courtisans
se déchirent entre partisans du prince
héritier ministre de l'intérieur et du
vice-prince héritier, fils du roi,
ministre des armées, un trentenaire aux
dents longues qu'on surnomme là bas le
petit Napoléon. http://hybel.blogspot.fr/2015/06/napoleon-darabie-vladimir-et-francois.html
Entre Mohamed Ben
Salman jeune prince impétueux et les
messieurs sortis de l'ENA et de l'X, le
courant ne passe pas. Alors, les
messages empruntent le plus souvent les
circuits embrumés des intermédiaires
milliardaires. Des centaines de millions
de commissions sont en jeu, argent
souvent illégal au regard des
législations, tractations de l'ombre qui
ne sont révélées au public qu'au hasard
des scandales qui précèdent les
échéances électorales.
Mais dans
l'immédiat, la décision des Saoud
d'annuler le solde des commandes en
cours du programme franco-libanais Donas
va provoquer un séisme industriel. Dans
la dizaine d'entreprises de premier rang
concernée et chez les centaines de
sous-traitants, le processus de
fabrication sera reporté, ralenti, voire
au pire interrompu. À moins que l'Arabie
ne reprenne en direct et à son compte
toutes les commandes en cours, et
qu'elle compense par des achats
nouveaux, ce qui n'est pas gagné
d'avance. Heureusement, les pertes
financières devraient être limitées car
les acomptes à la commande sont généreux
et couvrent en principe très largement
les aléas de toutes natures ; les
juristes et les banquiers ne seront pas
à plaindre. Les risques de conséquences
négatives portent principalement sur
l'emploi surtout si les matériels en
cours de fabrication ne trouvent pas
rapidement des clients de substitution.
On se souvient que
le Mistral invendu avait finalement été
placé avantageusement auprès de la
marine égyptienne, grâce.....à un
financement saoudien !
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Le
dossier Arabie saoudite
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