Opinion
Tunisie, Mehdi
Jomaâ est arrivé
Hedy Belhassine
Photo:
Reuters
Vendredi 20 décembre 2013
La désignation d'un nouveau premier
ministre est une délivrance que tout le
pays accueille avec soulagement.
Au terme d'une interminable chikaya, les
partis politiques se sont finalement
réconciliés autour du nom d'un inconnu.
Sous la pression conjuguée de la rue,
des milieux d'affaires, des syndicats et
des diplomates étrangers Mehdi Jomaâ a
été appelé à former un nouveau
gouvernement.
Personne ne connaît les opinions de ce
technocrate qui occupait jusqu'à présent
le ministère de l'industrie. Est-il
homme d'argent ? De conviction ? De
religion ? Nul ne sait. Il n'est pas
partisan c'est le plus important. Il est
supposé compétent et pour l'heure, c'est
bien suffisant !
Son casting correspond parfaitement au
souhait de la population.
C'est un natif du juste milieu : ni Sud,
ni Nord, un peu Sahel, mais pas trop.
Mahdia, petit port de pêche est la plus
belle des cartes postales de Tunisie. La
cité est prospère mais elle n'aime pas
s'exhiber. Ses habitants, descendants
d'immigrés andalous ont conservé de
leurs ancêtres les talents de négociants
patients. Mahdia, c'est la Tunisie
apaisante. Le nouveau chef du
gouvernement qui aura pour lointaine et
dernière demeure le plus beau des
cimetières marins du monde ne peut-être
méchant ! D'évidence, ce jour funeste
n'est pas pour demain car il est jeune.
Pensez, cinquante ans seulement ! C'est
un gamin par rapport aux nombreux
postulants septua, octo, et même
nonagénaires qui se bousculaient au
portillon et voulaient imposer à la
juvénile Tunisie révoltée une
gérontocratie de bavards.
Mehdi Jomaâ est un besogneux, un gagneur
de pain, un khobsiste au parcours banal.
Il est à l'image de milliers de
Tunisiens. Etudes à l'école publique,
diplôme d'ingénieur à Tunis. Immigré à
l'étranger. Carrière de cadre en France.
Jusque là tout est normal. Mais ce père
de famille nombreuse parvient à crever
le plafond de verre. Il bouscule les
X-Ponts de Neuilly et les centraliens de
Passy, s'impose à la direction générale
du groupe Total et prend les commandes
de la division internationale
aéronautique et défense. Ce n'est pas
rien ! Manager compétent et pragmatique
c'est certain.
Nationaliste et ambitieux c'est évident,
car il y a neuf mois il abandonne sa
carrière dorée pour le poste de ministre
sous payé de l'industrie de son pays
délabré. Il y a fait son boulot, ne
s'est pas trop poussé du col, mais
surtout, il a su se faire reconnaître
comme le plus capable d'une équipe qui
ne l'était pas.
Ses détracteurs l'accusent d'être une
taupe des cartels industriels qui
convoitent les réservoirs de gaz de
schistes et les ressources solaires du
pays. On lui reproche aussi sa virginité
politique et son absence d'expérience
des affaires publiques. Qu'importe, dans
la difficile période électorale qui
s'annonce et qui mettra les ambitions en
ébullition, il est important que le
locataire de la Kasbah consacre tous ses
efforts à endiguer l'effondrement de
l'économie tunisienne.
Ce sera le challenge de Si Mehdi qui
présente les stigmates du sauveur d'une
Tunisie égarée. Déjà, il porte en son
prénom la baraka de son destin : Mehdi,
c'est l'envoyé divinement inspiré qui
marque la fin des vaches maigres. Jomaâ
évoque le rassemblement du vendredi,
jour de ferveur. Le peuple inspiré le
suivra. Inch'Allah !
Bonne chance à Mehdi Jomaâ nouveau guide
provisoire de révolution tunisienne !
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