Tunisie
Tunisie élections: madame Kalthoum
Kannou
Hedy Belhassine
Kalthoum
Kannou - Photo: D.R.
Vendredi 10 octobre 2014
La Tunisie
n'a pas fini d'étonner. Contre vents et
marées, malgré l'économie en déclin et
le terrorisme sporadique, la démocratie
progresse. Au terme d'une longue
gestation, la constitution adoptée il y
a neuf mois va enfin être mise en œuvre.
Le 26 octobre
prochain, les citoyens désigneront parmi
15 mille candidats les 217 députés qui
composeront la nouvelle Assemblée des
Représentants du Peuple. L'élection aura
lieu « au suffrage universel, libre,
direct, secret, honnête et transparent »
conformément aux dispositions de la loi
suprême et selon le mode de scrutin le
plus équitable de la proportionnelle au
plus fort reste. D'aucuns prédisent que
la chambre sera introuvable, c'est faire
injure aux serments de cohabitation
proclamés solennellement par les
dirigeants des principaux partis
politiques. Quels que soient les
déséquilibres politiques l'Assemblée des
Représentants sera cohabitationniste et
consensuelle à l'exemple de l'Assemblée
Constituante qu'elle va remplacer.
Puis, le 23
novembre, les Tunisiens seront à nouveau
appelés dans l'isoloir pour le premier
tour de l'élection à la Présidence de la
République. Il y aura 27 candidats en
lice.
La constitution qui
inaugure le premier régime parlementaire
du monde arabe cantonnera le nouvel
occupant du Palais de Carthage dans un
rôle strictement représentatif.
« Symbole de l'unité, garant de
l'indépendance et de la continuité de
l'Etat », il détermine les politiques
générales dans les domaines de
souverainetés : défense, sécurité,
affaires étrangères.
Il faut applaudir
et se réjouir que de par ses
responsabilités restreintes, le futur
Président tunisien sera plus proche de
ses homologues italien et suisse que
français ou algérien. De surcroit, ce
pouvoir à minima, conféré par le
suffrage universel lui permettra de
tenir la dragée haute à la tribune des
assemblées de dictateurs arabes dont il
sera (hélas) l'unique et éclatante
exception.
Le Président
sortant, le Docteur Moncef Marzouki, se
représente. Ce militant des droits de
l'homme n'a pas démérité, mais son âge
est insolent : 70 ans c'est beaucoup
trop vieux dans un pays où la moyenne
est de 30 ans. Que dire de son principal
rival Béji Caïd Essebsi, 88 ans et des
autres candidats tout autant
respectables comme, Mustapha Ben Jaafar,
74 ans et Néjib Chabbi, 70 ans qui sont
pour l'instant crédités des meilleurs
chances de l'emporter. « Ya Haj dégage !
» clameront gentiment les insolents titi
de Bab Souika et de Sidi Bouzid en
rappelant l'article 8 de la nouvelle
constitution : « la jeunesse est une
force agissante dans la construction de
la nation »
Fort heureusement,
il est improbable que les autres
candidats, bonimenteurs populistes et
anciens caciques du Général Ben Ali,
créent la surprise.
Une certitude, il
n'y aura pas de Président islamiste.
Ennahdha, premier parti politique de
Tunisie sera absent du scrutin car ni
son Président Rached Ghannouchi, ni son
très populaire vice Président
Abdelfattah Mourou ne se sont présentés.
Ce sont des sages en âge et d'habiles
stratèges qui briguent la réalité du
pouvoir issu de l'élection des députés
et qui délaissent la parade
présidentielle des inaugurations et des
réceptions. Mais il n'est pas du tout
exclu qu'ils soutiennent opportunément
l'un des prétendants entre les deux
tours du scrutin.
La surprise pourrait
venir d'ailleurs.
Une femme, une
seule, est candidate.
Kalthoum Kannou
sauve l'honneur de la Tunisie.
Sera-t-elle l'héroïne d'un singulier
rendez-vous avec Bourguiba, le fondateur
adulé de la Tunisie moderne ? De celui
qui fit inscrire sur son tombeau à
Monastir son épitaphe mérité « ci-git le
libérateur de la femme tunisienne » ?
Kalthoum porte les
espoirs de pérennité de l'oeuvre
principale de l'homme illustre.
Elle est née
l'année de la proclamation de la
première République Tunisienne. Sa
famille est originaire de Kerkennah, une
petite île au large de Sfax dont les
habitants ont la réputation d'être des
résistants teigneux à l'adversité.
Kalthoum, fille d'un militant
syndicaliste de l'UGTT y a grandi avant
d'aller militer à la faculté de droit de
Tunis.
Devenue magistrate,
elle dérange le pouvoir ; son
intransigeance et son activisme lui
valent plusieurs mutations. La clique
d'affairistes de Ben Ali obtient son
exil d'abord à Kairouan, puis au fin
fond du pays, à Tozeur où elle élève
seule ses trois enfants. Juge
d'instruction, Présidente de
l'Association des Juristes tunisiens,
elle revient à Tunis aux premiers cris
de la révolution.
Kalthoum Kannou est
une candidate libre et indépendante.
Elle n'est soutenue par aucun parti,
aucune fortune, aucun lobby. Elle
vilipende la corruption, terreau fertile
où prolifère l'extrémisme religieux qui
prêche la justice.
Elle vient d'entrer
en campagne avec une énergie singulière.
Ses chances objectives sont minimes car
il ne lui reste que quelques semaines
pour convaincre que la Tunisienne est
l'avenir de la Tunisie.... et que
Bourguiba, sans hésiter, aurait voté
pour elle.
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