Opinion
Le Roi d'Arabie en vacances chez
François
Hedy Belhassine
Samedi 1er août 2015
Salman d'Arabie estive dans le
pays de la Révolution et du roi tranché.
C'est extravagant et sans précédent.
Certes, la famille
royale possède depuis belle lurette un
immense palais très laid en front de mer
sur la Côte d'Azur aux seins nus où de
temps en temps s'en allaient batifoler
les marmailles princières. Mais jamais
aucun des monarques Saoudiens n'avait
songé y transporter sa cour. Ils s'en
tenaient à leurs habitudes en Espagne,
au Maroc et exceptionnellement aux USA
pour y soigner leur cholestérol. Quelle
mouche a donc piqué Salman pour aller
s'encanailler en terre de débauche
républicaine ? L'affection pour François
Hollande y est sans doute pour beaucoup
car si les fils de Saoud ont toujours
firté avec les Présidents français,
c'est la première fois que l'un d'entre
eux découche dans un gîte tenu par un
mécréant, social-démocrate de surcroît.
On chuchote que
Salman, au fond de lui même, est un
progressiste qui souffre des souffrances
qu'il inflige aux autres. Il voudrait
arrêter de bombarder le Yémen, désarmer
les salafistes jihadistes de mésopotamie
d'Asie et d'Afrique, moderniser la
charia, abolir la peine de mort, libérer
les esclaves, les femmes et les
bloggeurs, tendre la main aux chiites,
promouvoir l'égalité....Bref, il
voudrait graver « liberté » sur son
étendard aux côtés de la chahada. Hélas,
contrairement à l'adage « que veut
le roi le veut la loi », Salman n'est
rien, il est nu, sans constitution ni
article 49-3. En écoutant ces boniments,
le Président Hollande - songeant au
déficit de la France -, s'est montré
compatissant.
À Vallauris,
l'installation du monarque théocrate en
grand équipage a fait sensation. La
presse a fait ses choux gras de la
privatisation d'un bac à sable, d'un
ascenseur de plage, d'un sous-préfet
bavard, et d'une gendarmette sexy...
Bouffonneries et arabophobies primaires
de journalistes à la ramasse. Loin des
marronniers de saison une autre lecture
de chaise longue s'impose.
Salman est un
refugié climatique.
Que l'on soit roi
ou simple clampin, l'air des plaines
d'Arabie est irrespirable. À Riyad en
été, jamais le thermomètre ne descend au
dessous de 40° . C'est pourquoi la
noblesse et la bourgeoisie prennent
habituellement leurs quartiers dans les
montagnes tempérées de la région d'Abha.
Mais depuis que l'Arabie fait la guerre
au Yémen voisin, il y pleut
sporadiquement des missiles qui
empêchent de prendre le frais.
Voici pourquoi
cette année, la transumance estivale
s'impose à l'étranger.
Le choix royal
n'était pas simple.
En raison de
relations diplomatiques boudeuses,
l'option d'une villégiature aux USA
était exclue. Celle du Royaume Uni a été
écartée car le Prince Charles s'obstine
à vouloir enseigner à Salman les
principes fondamentaux des droits de
l'Homme. Au surplus, il réclame
publiquement l'élargissement de Raif
Badawi, un futur prix Nobel de la paix
qui croupit dans une cage saoudienne (God
save the Queen and the Prince).
Le roi aurait aimé
prendre le frais en Suède, au Danemark,
aux Pays Bas, voir même en Belgique pour
une fois, ou en Espagne comme
d'habitude, mais ces monarchies
progressistes sont elles aussi devenues
des insupportables donneuses de leçon.
Bien vite, les
chambellans chargés des vacances royales
se sont rendu à l'évidence que seules
trois destinations restaient diplomatico-compatibles :
le Maroc fidèle et accueillant, la
Suisse bancable et discrète, la France
magnanime et mercantile. La Suisse a été
éliminée au dernier moment en raison
d'une chikaya inopportune qui oppose
deux Altesses Royales dans les prétoires
de la justice Helvète.
Voici pourquoi le
Gardien des deux Saintes Mosquées s'est
posé à Vallauris-Golfe-Juan pour y
passer quelques jours avant de gagner
Tanger. Il est entouré de ses épouses,
enfants grands et jeunes, petits et
arrières petits fils et filles aussi.
Mille personnes environ en comptant les
courtisans et les serviteurs. Au menu de
la cour : le matin belote, jokari sur la
terrasse ou sur le pont du méga-yacht
familial. Après-midi : promenades
flâneries, achats en ville de souvenirs
en céramique, pétanque sur la
plage....Dîner intime de cent couverts
au restaurant du coin (bouillabaisse à
la langouste, ganses niçoises et
confitures, Châteldon d'Auvergne à
volonté). Soirées festives avec
orchestres et chanteurs célèbres. Il est
également prévu une incertaine visite
incognito au musée Picasso pour méditer
devant la fresque « la Guerre et la
Paix » peinte sur la voute d'une
chapelle (pas à vendre), qui représente
la guerre inhumaine à tête de fauve,
portant sur son dos une hotte pleine de
crânes, brandissant un glaive
ensanglanté ; elle affronte l'homme de
paix arborant la lance, la balance et le
bouclier blanc à colombe qui protège les
blés.
Certains visiteurs
sortent en pleurant...
En somme, un
programme de vacances ordinaire pour
milliardaire ordinaire.
La quiétude des
Altesses est parfois interrompue par
quelques secrètes audiences
protocolaires. Car le roi a beau être en
visite privée, la courtoisie impose à
tous les grands en camping sur la
croisette de venir le saluer. Chefs
d'États étrangers et ministres de
passage font le pied de grue pour
déposer leurs hommages. Le Président
Français n'est pas en reste, en hôte
prévenant il s'enquière d'heure en heure
de l'humeur du royal touriste dont le
séjour ne doit souffrir d'aucune
contrariété.
Car Salman roi,
l'homme le plus riche du monde est aussi
un investisseur avisé. Il y a quelques
années, alors qu'il n'était que simple
prince prétendant, il avait savamment
bétonné la Costa del Sol entre Marbella
et Estepona. On doit donc s'attendre à
une flambée des grosses affaires
immobilières sur la Côte d'Azur car par
mimétisme, les courtisans fortunés vont
par milliers se précipiter pour y
acheter un cabanon.
Les dividendes du commerce extérieur
seront pareillement à la mesure de la
faveur royale : gigantesques ! Ainsi,
pour être agréable au gardien des deux
Saintes mosquées, les fonctionnaires et
les hommes d'affaires vont accorder leur
préférence à la France dans les
compétitions commerciales. Les retombées
pour les 4 000 exportateurs français des
secteurs de l'armement, des transports,
de l'énergie, de la santé, de
l'agroalimentaire... seront
incalculables, si toutefois ils prennent
la peine d'aller remplir leurs bons de
commandes. Les professionnels jaugent
que les ventes françaises en Arabie
pourraient doubler dans les douze mois à
venir, ce qui chiffre les retombées des
vacances de Salman à 10 milliards
d'euros au doigt mouillé.
Tout le mérite en
reviendra au Président de la République
dont on oublie qu'avant d'intégrer la
promotion « Voltaire » à l'ENA l'homme
des compromis et de la synthèse était
déjà diplômé d'HEC, promotion
« Picsou »
illustrations: Armand Goupil
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