France-Irak
Actualité
La présence de l’armée turque en
Irak
est-elle justifiée ?
Gilles Munier
Recep
Tayyip Erdogan, président de la
République de Turquie
Jeudi 13 octobre 2016
Le ton monte à nouveau entre la
Turquie et le régime de Bagdad depuis
que l’ayatollah Qasim al-Tai a émis une
fatwa
appelant à combattre les militaires
turcs présents en Irak, traités d’ « envahisseurs ».
Le Premier ministre, Haïdar al-Abadi, et
les milices chiites d’Hashd al-Chaabi
(Forces de mobilisation populaire)
lui ont emboité le pas, ainsi
qu’Hadi al-Amiri, chef des Brigades
Badr.
En question : la base de Bashiqa, au
nord-est de Mossoul, où l’armée turque
forme des membres d’Hashd al-Watani
(Forces de mobilisation nationale) -
la milice sunnite d’Atheel al-Nujafi,
ancien gouverneur de la région de
Ninive, réfugié au Kurdistan -,
ainsi que des militants turkmènes et des
peshmerga.
Al-Abadi est
« tombé sur un
os »
La présence militaire turque à Bashiqa
n’est pas moins légitime que celle des
Gardiens de la révolution islamique
iranienne en Irak qui disent assurer
à distance la sécurité intérieure de
leur pays. Elle l’est plus, en tout cas,
que celle des armées occidentales. Le
gouvernement de Bagdad, sur lequel
s’appuient les forces étrangères
pour justifier leurs ingérences en
Mésopotamie, n’est que l’émanation d’un
parlement élu dans des conditions
fort peu démocratiques. Autant dire,
un organisme qui n’a d’importance que
celle qu’on veut bien lui conférer.
C’est surtout pour contrer les manœuvres
de son prédécesseur Nouri al-Maliki,
œuvrant dans l’ombre pour revenir au
pouvoir - alors qu’il est largement
à l’origine du chaos dans la région de
Mossoul – qu’Haïdar al-Abadi
joue, à outrance, la carte antiturque et
agite la menace d’une nouvelle guerre
régionale si les militaires turcs ne se
retirent pas Bashiqa sans délai.
Manque de chance, le Premier ministre
irakien est, comme on dit, « tombé
sur un os ». Lors d’une rencontre,
le 11 octobre dernier avec des
personnalités musulmanes des Balkans et
d’Asie centrale, retransmise à la
télévision, Recep Tayyip Erdogan, le
président turc, a rappelé qu’Al-Abadi
avait, en personne, demandé à la
Turquie, en 2014, de former des
combattants à Bashiqa. Il lui a donc
conseillé de « rester à sa place »,
et a conclu sur un ton ironique :
« C’est qui le Premier ministre
irakien ?... Peu nous importe que
tu cries depuis l'Irak, nous
continuerons à faire ce que nous pensons
devoir faire ».
Nettoyage ethnique et guerre civile
Le président Erdogan n’a pas tort de
craindre que le régime de Bagdad ne
profite de la « libération » de
Mossoul pour modifier la composition
démographique de la région, notamment
pour réduire le pays turkmène à sa plus
simple expression.
Sous Saddam Hussein, des déplacements de
populations ont eu lieu. Pendant la
guerre Iran-Irak, les villages
frontaliers ont été vidés de leurs
habitants. Des Kurdes ont été installés
dans la région de Bassora et des chiites
sur les contreforts du Kurdistan. Mais,
depuis 2003, on peut véritablement
parler de nettoyage ethnique ou
religieux :
- à
Bagdad, les sunnites et les Kurdes
ont été chassés de certains
quartiers,
- dans
la région de Ninive, l’Etat
islamique a contraint les chrétiens,
les yézidis, les shabaks et les
chiites à l’exode,
- les
peshmerga ont rasé les villages
arabes reconquis sur l’EI,
- dans
la région de Diyala, les milices
chiites ont interdit aux villageois
sunnites de revenir sur les terres
reconquises sur l’EI.
Le président Erdogan se préoccupe
vraiment de l’ «après-EI » dans
la région de Ninive, ne serait-ce qu’en
raison des répercussions prévisibles de
la bataille de Mossoul en Turquie :
nouvel afflux de réfugiés, attentats.
Binali Yildrim, Premier ministre turc, a
averti les assaillants : « Si vous
changez les structures démographiques de
Mossoul, vous allumerez une guerre
civile de grande ampleur, une guerre
sectaire ». Cela suffira-t-il à
persuader ceux qui en ont l’intention
d’abandonner leurs sinistres projets ?
J’en doute. Pauvre Irak !
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