Mavi Marmara : Des juges de la Cour
Pénale Internationale accusent Israël de
crimes de guerre
Gilles Munier
Dimanche 9 août 2015
Par Paul Callagher (revue
de presse: The Independent on Sunday(26/7/15 – Extraits - Traduction et
Synthèse par Xavière Jardez)* + vidéo
La Cour Pénale Internationale a
demandé au procureur général de rouvrir
l’enquête sur la saisie du navire turc
Mavi Marmara sur lequel neuf
militants des droits de l’homme avaient
été tués, en 2010, lors de son
arraisonnement par les Forces de
défense israélienne (FDI) alors
qu’il tentait de briser l’embargo imposé
à la bande de Gaza.
Dans un rapport étonnant, publié
dernièrement, les juges de la Cour
Pénale Internationale ont condamné la
décision du procureur général d’origine
gambienne*, Fatou Bensouda, de ne pas
entreprendre d’investigation dans cet
incident mortel bien qu’il existât des
« des éléments fondés »
permettant de croire que des crimes de
guerre ont été commis. Les juges pensent
que la décision de Fatou Bensouda repose
sur des conclusions « erronées »
et « simplistes » contenant des
erreurs factuelles. Ils concluent que le
procureur « a fait des erreurs
matérielles dans l’appréciation de la
gravité de l’instance » et l’ont
pressée de reconsidérer sa position
« dès que possible ».
Les commandants des forces
israéliennes et les dirigeants
politiques peuvent, en définitive, être
poursuivis pour cet acte commis dans les
eaux internationales, le 31 mai 2010 et
qui avait été condamné à l’échelon
international. Pour les juges « le
procureur aurait dû admettre que de
vraies balles avaient été utilisées
avant l’abordage et en tirer les justes
conséquences. Ce fait seul …(...)...
doit raisonnablement suggérer que les
forces de défense israéliennes, à
l’origine des crimes établis, avaient
l’intention d’attaquer et si possible de
tuer des passagers à bord ».
Le Mavi Marmara était le
principal navire civil de la flotte de
six bateaux de la « Gaza Freedom
Flotilla » où se trouvaient quelque
500 militants, des produits humanitaires
et du matériel de construction. Le
mouvement pour briser l’embargo sur Gaza
était organisé par la Flotilla
et un groupe turc de militants de droits
de l’homme dont huit furent tués, le
neuvième était un Turco-Américain.
Le rapport du Conseil des droits de
l’homme de l’ONU (CDH/ONU) sur
ce raid concluait que la plus jeune
victime, Furkan Dogan âgé de 18 ans,
avait reçu cinq balles dont une au
visage alors qu’il était étendu sur le
dos. Un dixième passager est mort l’an
dernier après être resté quatre ans dans
le coma. Près de 50 militants et
plusieurs soldats furent blessés,
certains sérieusement. La vidéo des
FDI montre que certains soldats
durent se défendre contre les activistes
armés de barres de fer. Le rapport
signale que « des preuves claires
permettent des poursuites judiciaires »
selon les dispositions de la Convention
de Genève, à savoir crimes prémédités,
torture ou traitement inhumain et
volonté de causer des souffrances
intolérables ou des blessures graves
physiques ou à la santé. Il indique de
plus qu’il n’existe aucun indice médical
attestant que des soldats israéliens
furent la cible de tirs et juge que
« le blocus de Gaza est totalement
intolérable et inacceptable au 21ème
siècle. ».
Le Mavi Marmara fut
finalement amené au port d’Ashdod en
Israël où les militants furent dénudés
et fouillés et l’équipement où ils
avaient enregistré le raid, corroborant
leur version, fut confisqué.
Les juges à une majorité de 2 contre
1 concluent que « les faits qui sont
difficiles à établir ou qui ne sont pas
clairs… (...)... ne constituent pas une
raison valable pour ne pas entamer un
enquête mais, au contraire, appellent à
une telle enquête. » Pour eux, le
procureur a mal évalué « la
possibilité de poursuivre ces personnes
qui peuvent avoir la plus lourde
responsabilité dans les crimes établis
au cours de l’abordage du navire tout
comme dans l’étendue, la nature, la
manière dont les crimes furent commis et
leur impact ».
Fatou Bensouda a ouvert une enquête
initiale après que les Comores, un petit
archipel de l’Océan indien, eut envoyé
un dossier à la Cour Pénale, en mai
2013, accusant Israël de crimes de
guerre.
Netanyahou est furieux contre la
position des juges, la qualifiant de
«politique cynique» car il prétend
que l’armée israélienne exerçait une
mission de maintien du blocus et avait
réagi en défense légitime. Paveen Yaqub,
un des 34 militants britanniques à bord
du navire s’insurge contre l’idée que
« l’incident n’était pas
suffisamment grave » pour entraîner
une enquête et c’est une insulte à
toutes les familles de ceux qui ont été
tués. …(...)... La décision des juges
permettrait aux militants britanniques
du Mavi Marmara, de traduire
devant les tribunaux les commandants
israéliens si d’aventure ils se
trouvaient en Grande Bretagne; Scotland
Yard dispose des noms de cinq
commandants coupables de crimes de
guerre au moment de l’arraisonnement du
bateau et se réserve, à cet effet, le
droit d’opter pour « la juridiction
universelle », utilisée pour
arrêter le dictateur chilien Augusto
Pinochet en1998.
Les avocats des parties civiles, -
les Comores, les 13 militants
britanniques et les centaines d’autres
victimes - pensent que « si les
juges ont mis le doigt sur les erreurs
qui sont apparues, c’est qu’il existe
une base raisonnable pour une enquête.
C’est maintenant au procureur de décider
; les juges ne peuvent rien faire. Mais
la manière dont ils se sont exprimés
indique qu’il y a matière à une
investigation approfondie ».
* Ndlr (AFI-Flash)
: La Gambie, petit pays de 9 301 km2, à
l’intérieur du Sénégal, le long du
fleuve Gambie, fait partie du
Commonwealth et a fortement amélioré ses
relations avec Israël, dans le domaine
de l’agriculture, du tourisme et de
l’éducation, ces dernières années.
Photo : Retour du
Mavi Marmara en Turquie, avec
sur sa coque les photos des 9 militants
tués par les Israéliens.
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