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En Algérie, le « Parti de la France » a
fait des petits
Gilles Munier

Dimanche 7 février 2016
Abdelhamid Brahimi, 79 ans, ancien
Premier ministre du président
Chadli Bendjedid
(1984-1988), est de retour en
Algérie après 25 ans d’exil en
Grande-Bretagne, où il présidait le
Centre d’Etudes du Maghreb.
Interviewé à son arrivée par
Echourouk, il s’en est pris à
certains dirigeants algériens -
anciens déserteurs de l’armée française,
appelés péjorativement DAF - qui
ont conduit l’Algérie indépendante au
désastre actuel. La plupart sont
aujourd’hui décédés, mais ils ont fait
des petits « placés à des postes
clés dans les ambassades, les
wilayas et les institutions de l’Etat
afin de resserrer leur contrôle sur le
pays ».
Dans son livre Aux origines de la
tragédie algérienne (1),
Brahimi rappelle qu’il a mis en garde le
colonel
Houari Boumediene, alors chef de l’Armée
de libération (ALN) stationnée aux
frontières de l’Algérie – futur
président algérien (1965-1978) –
contre le danger représenté par des
officiers et sous-officiers algériens
ayant reçu
l’ordre de déserter pour infiltrer
le FLN.
Roger Wybot, ancien directeur de la
DST, a décrit plus tard dans
ses mémoires (2) la façon dont
il s’y était pris. Boumediene,
persuadé d’avoir les DAF en
main, n’a tenu aucun compte des
avertissements des cadres de l’ALN
qui, comme Brahimi, lui demandaient de
ne pas leur donner trop de
responsabilités. On connait la suite.
En désaccord total avec les
clans militaro-maffieux
Abdelhamid Brahimi, fils du
Cheikh Moubarak el Mili – un des
fondateurs, en 1931, de l’Association
des Ulémas Musulmans Algériens–
a rejoint le FLN en 1955, à l’âge de 19
ans. Après des stages de formation
militaire en Syrie et en Egypte, il a
commandé une unité basée en Tunisie,
chargée d’approvisionner les
moudjahidine en armes et munitions, et
pour cela de franchir la ligne Challe,
une barrière électrifiée parsemée de
mines, construite le long de la
frontière algéro-tunisienne.
En 1963, Abdelhamid Brahimi a été
nommé wali de la région Annaba (ex
Bône), puis directeur du bureau de
la société pétrolière Sonatrach
aux Etats-Unis. En 1979, le président
Chadli Bendjedid l’a rappelé à Alger
pour en faire son ministre du Plan, puis
son Premier ministre. Il a exercé la
fonction de 1984 à
octobre 1988, date du massacre par
l’armée algérienne de jeunes
manifestants protestant contre les
pénuries alimentaires organisées par les
clans militaro-maffieux anti-Chadli.
Ecarté du pouvoir par la proclamation
de l’Etat de siège qui suivi et en
désaccord total avec la politique dictée
par l’armée, Brahimi a démissionné du
Bureau politique du FLN. Il s’est
ensuite opposé ensuite au coup d’Etat du
11 janvier 1992 renversant le président
Chadli. Il a condamné la décision
criminelle d’arrêter le processus
électoral qui aurait donné la majorité
au Front islamique du Salut (FIS)
à l’Assemblée nationale, décision
cautionnée par la France à l’origine de
la guerre civile qui a ensanglantée le
pays (plus de 200 000 morts et
disparus).
Réfugié politique à Londres,
Abdelhamid Brahimi a poursuivi son
combat intellectuel pour une Algérie
véritablement indépendante,
démocratique, débarrassée de la
corruption qui la gangrène. Ses prises
de parole depuis son retour montrent
qu’il n’a pas l’intention de se taire.
Espérons pour lui - et pour ceux qui
le soutiennent - que sa sécurité
est véritablement assurée.
Photo : Abdelhamid
Brahimi
(1) Aux origines
de la tragédie algérienne (1958-2000)
– Témoignage sur Hizb França,
par Abdelhamid Brahimi (Ed. Hoggar –
2000)
(2) Roger Wybot et la
bataille pour la DST, récit de
Philippe Bernert (Presses de la
Cité, 1975).
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