L'actualité du
droit
La priorité ? La Tunisie !
Gilles Devers
Photo:
D.R.
Jeudi 26 novembre 2015
Daech, c’est une perversion de
l’Islam, qui se nourrit des destructions
causées par les puissances occidentales
au Moyen-Orient pour créer une nouvelle
sorte de pouvoir, fondée sur une
théologie obscurantiste et la
criminalité à l’égard des opposants. Le
principe de Daech, c’est que l’Islam et
la démocratie sont radicalement
contradictoires, et que le califat ne
progressera que par la destruction des
sociétés qui reposent sur le droit.
C’est donc toute la question de
l’articulation entre l’Islam et la
démocratie.
En France, et en Europe, cette
problématique a hélas été usée jusqu’à
la corde par des dirigeants à courte
vue, et nous voyons ces jours-ci encore
spectacle désolant de la surenchère du
n’importe quoi : l’habilitation des
imams, la conditionnalité des pratiques
religieuses, les prêches en français,
les perquisitions de mosquées, les
centres de « dé-radicalisation », les
assignations à résidence sans
notification de griefs, l’interdiction
générale des crèches… ce sur fond d’une
augmentation des actes d’islamophobie,
notamment par des violences physiques.
Cette agitation sans réflexion, sans
action sociale, et alors que tout le
monde a bien compris que, cette fois-ci,
le centre n’est pas dans les banlieues
mais dans les territoires détruits
d’Irak et de Syrie.
Nous devons donc rester
logiques, en prenant le problème source,
et toute notre attention doit se porter
sur la Tunisie, qui manifestement est la
cible privilégiée de Daech et de ses
demi-frères d’Al Qaïda.
La Tunisie est exposée pour
deux raisons évidentes.
Elle représente ce que rejette
Daech, c’est-à-dire un peuple arabe,
majoritairement musulman et vivant avec
toutes les minorités,
pétri de culture, défendant la
démocratie et le respect des libertés.
Le renversement de Ben Ali a résulté
d’un authentique mouvement populaire.
L’idée qu’il existe un pays musulman et
démocratique, épris de libertés, est
insupportable à Daech, et aux groupes
terroristes.
Le second point est la
fragilité objective de la Tunisie, qui
peine à se relever des ravages d’une
économie au service d’un clan, avec un
tourisme miné par l’insécurité, et le
voisinage
d’une Libye dévastée par les plans
d’Obama, Sarkozy et Cameron.
Nous avons tous les signes pour
voir que la Tunisie est la cible numéro
un des terroristes, et la liste est
impressionnante :
- assassinat de l’opposant laïc
Chokri Belaïd, le 6 février 2013 ;
- attaque contre le ministre de
l’intérieur, en mai 2013 ;
- assassinat du député
Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013 ;
- attaque de l’armée sur Mont
Chaambi en juillet 2014, avec 15 soldats
morts ;
- attaque du Musée du Bardo, à
Tunis, 21 morts le 18 mars 2014 ;
- attentant de Sousse, en juin
2015, avec trente-huit morts ;
- ce mercredi, attentat par un
kamikaze, au centre de Tunis, contre un
bus de la garde présidentielle, avec
treize morts.
La Tunisie ne manque pas
d’atouts. Les dirigeants tunisiens ont
réussi, par le dialogue démocratique, la
phase transitoire. La société tunisienne
montre sa force, et son attachement à la
culture. La presse est libre, et de
partout ça discute beaucoup. Mais la
révolution économique sociale reste à
faire, et le gouvernement de Béji Caïd
Essebsi est objectivement
peu convaincant.
Face à la puissance
destructrice de Daech, et des autres
groupes terroristes, qui ciblent
l’horrible peuple tunisien parce qu’il
goûte de la démocratie et des libertés,
des alliances fortes devraient se mettre
en place pour répondre aux demandes des
Tunisiens, et d’abord en intervenant en
amont sur le principal danger, les
milices libyennes.
Nous devons, de manière
raisonnée, refuser l’ambiance de bruits
de bottes, dénoncer le triomphe – en
France ! – du discours guerrier des
néo-cons de Georges W. Bush, et nous
organiser pour défendre ici nos
libertés, qui sont le véritable ciment
de la société. La priorité devrait être
une coalition pour la Tunisie, pour
défendre le peuple arabe qui fonde son
avenir sur la démocratie. Gagner en
Tunisie, c’est tuer Daech. Si réellement
nous croyons à la force du droit pour
régir la vie en société, la défense de
la démocratie en Tunisie doit être un
enjeu premier pour la France et pour
l’Europe.
Néocolonialisme bienveillant ?
Ne vous en faites pas : la question ne
se posera pas, car aucune main ne va se
tendre pour la Tunisie. Les Etats
européens ne feront rien pour défendre
la démocratie tunisienne, les lascars
étant trop contents de voir la Tunisie
glisser vers l’état d’urgence et le
régime policier…
Dans les sphères mainstream
en France, la logique qu’il faut dominer
l’Islam et les musulmans. Encore et
toujours, comme au bon vieux temps des
colonies, ou du consternant SOS Racisme,
avec le brave blanc s’occupant de
blanchir le gentil métèque... C’est tout
l’enjeu, il est essentiel : une société
arabe et musulmane qui se gère par la
démocratie, c’est un contre-exemple.
Nous restons dramatiquement enfermés
dans une conception des droits de
l’homme blanc.
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