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droit
Syrie : Fabius fait joujou avec la CPI,…
et perd
Gilles Devers
Samedi 24 mai 2014
Oui, Fabius perd,
et lamentablement. Celui qui a appelé à
la mort de Assad, qui a voulu, sans
mandat du Conseil de Sécurité, bombarder
Damas, se prend une nouvelle raclée
devant le Conseil de Sécurité qui
rejette son idée d’une saisine de la
Cour Pénale Internationale. Le véto a
joué, et c’est sans doute – bien
involontairement – une chance pour la
CPI, qui se déleste des manœuvres
vicieuses du Conseil de Sécurité.
La CPI, on en est
où ?
La Cour Pénale
Internationale est une juridiction
encore très jeune, moins de 15 ans. Les
magistrats de la Cour assurent un
excellent travail, et la jurisprudence
de la CPI, qui fait entrer dans
l’application effective les grands
principes internationaux, pose des
balises décisives pour la défense du
droit.
Critiques sur la
CPI ?
Le jeu facile est
de critiquer cette juridiction, mais je
n’entre pas ici dans ces citriques, tant
elles sont souvent débiles, ignorant
tout du fonctionnement de cette Cour.
« La CPI, c’est la
Cour des puissants, car elle poursuit
les pays africains misérables… ». Ah ah
ah…
D’abord, réglons le
cas des Etats arabo-musulmans qui
pleurnichent sur la méchante Cour…
Seule une poignée d’entre eux ont
ratifié le Traité. Si ce groupe de 50
Etats ratifiait en bloc le traité, nous
aurions une Cour représentative de la
réalité du monde des pays émergents, et
qui ne subirait aucun impérialisme, car
ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la
Chine ne ratifieront jamais le traité.
Mais bon, se plaindre en jouant les
victimes, c’est un succès assuré.
Ensuite, si la CPI
est saisie des dossiers africains, c’est
d’abord parce ces pays africains, qui ne
parviennent pas à rendre justice, lui
délègue la compétence. Comme pratique
impérialiste, c’est moyen…
Après, viennent les
saisines zarbies, comme pour le Soudan
(affaire du Darfour) ou la Libye. Mais,
attention, il ne s’agit pas de décisions
de la Cour, mais de plaintes du Conseil
de Sécurité, qui obligent le procureur à
enquêter sur un Etat non-membre. Ça,
c’est du vrai impérialisme juridique.
C’est ce qu’a tenté
le lumineux Fabius, entraînant dans sa
misérable tentative la Lituanie,… et
c’est juste bien malin de braquer la
Lituanie contre la Russie par les temps
qui courent.
Hier, la Russie et
la Chine ont opposé leur véto, et la
manip’ a pris fin. C’est un vote
d’importance, que je situe à un niveau
comparable avec le vote du parlement
britannique refusant l’attaque armée de
la Syrie, sans mandat du Conseil de
sécurité. La CPI, libérée des manips’ du
Conseil de sécurité, va revivre comme
institution automne. Un bel exploit de
Fabius.
Trois points forts
1/ Il faut que les
grandes puissances assument. Les
Etats-Unis, la Russie et la Chine,
membres permanents du Conseil de
Sécurité, refusent de ratifier le traité
de la CPI, ce qui est leur droit le plus
strict. Oki. Mais il est alors indécent
qu’ils décident de saisir la CPI. Ils
ignorent la CPI,… alors qu’ils lui
fichent la paix ! Les Etats-Unis vont
plus loin en faisant signer aux Etats
des accords bilatéraux pour renoncer à
saisir la CPI contre les soldats US… Des
accords qui organisent l’impunité et
donc le droit de commettre des
exactions. Un groupe d’Etats devrait se
fixer pour but de traiter cette question
décisive sur le plan politique et
juridique. La compétence de la CPI est
acquise à partir du lieu des faits, et
le meilleur moyen juridique de lutter
contre l’impérialisme US est d’attaquer
ces accords, pour lui rendre des
territoires inaccessibles. Qui s’en
préoccupe ?
2/ Soucieux de la
présomption d’innocence, je n’accuse
quiconque de crime de guerre, mais il
est certain, au regard de ce qu’est ce
conflit, qu’il y a matière à enquête, de
part et d’autre. Ces enquêtes relèvent
d’abord du droit national, et elles
peuvent aussi être le moyen de laver du
soupçon. Et puis, demander maintenant
une enquête internationale n’est que la
gesticulation, car la pauvre CPI serait
bien dans l’incapacité totale
d’effectuer sur place le moindre travail
judiciaire de recherche des preuves.
S’il faut enquêter, il y aura bien le
temps,… quand ce sera le temps de la
justice.
3/ Mais le plus
grotesque est le double standard : CPI
pour les uns, Prix Nobel de la Paix pour
les autres ? Dans l’obligé Le Monde
(Occidental), Fabius a eu droit à
une belle tribune pour nous expliquer :
« La résolution se concentre sur le
droit. Elle n’a rien de politicien. Elle
répond à l’impératif moral et politique
pour lutter contre l’impunité. Elle
s’appuie sur l’obligation
de sanctionner ceux qui foulent aux
pieds les principes élémentaires
d’humanité ».
Très bien, mon
Fabius, … juste deux questions
La Palestine a
donné compétence à la CPI en janvier
2009 pour les 1 500 morts civils, les
5 000 blessés graves et les destructions
commises par Israël pendant l’opération
militaire Plomb Durci de décembre
2008/janvier 2009. Tu attends quoi pour
demander un vote du Conseil de sécurité
saisissant la CPI contre Israël ? Qui a
peur de la justice ?
Les Etats-Unis
(Territoire indien occupé, Amérique du
Nord) ont attaqué militairement
l’Irak sans mandat du Conseil de
Sécurité, pratiquent la torture en masse
et spécialement dans des prisons
secrètes pour échapper à la justice, et
conduisent des campagnes d’assassinats
au Pakistan. Alors, tu attends quoi pour
demander la saisine de la CPI contre les
Etats-Unis ? Qui a peur de la justice ?
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