Actualités du
droit
L'histoire du Sahara occidental
Gilles Devers
Samedi 15 mars 2014
Le Sahara
occidental est un territoire non
autonome relevant de l’article 73 de la
Charte des Nations Unies, que le Maroc
occupe au sens du droit international
humanitaire.
I – Avant 1975 : un
territoire non autonome administré par
l’Espagne
Une frontière
connue depuis un siècle
En 1884, le Royaume
d’Espagne s’implante au Sahara
occidental comme l’y autorise la
conférence de Berlin consacrée au
partage de l'Afrique (Déclaration de
protectorat du 26 décembre 1884).
De manière
concomitante, la France s’établit au
Maroc qu’elle place sous protectorat en
1912.
Dès cette époque,
les frontières du Sahara occidental sont
bien identifiées. La frontière au sud et
à l’est avec la Mauritanie résulte de « la
Convention pour la délimitation des
possessions françaises et espagnoles
dans l’Afrique occidentale, sur la côte
du Sahara et sur la côté du Golfe de
Guinée » signée entre la France et
l’Espagne le 27 juin 1900 à Paris. Au
nord, la frontière avec le Maroc est
fixée par deux conventions conclus entre
les puissances coloniales – celle de
Paris du 3 octobre 1904 et celle de
Madrid du 27 novembre 1912 – légèrement
rectifiés par la Convention de Madrid du
19 décembre 1956. La Mauritanie opposera
d’ailleurs l’ensemble de ces conventions
au Maroc pour contrer les prétentions de
ce dernier sur son territoire.
1946 : L’Espagne
gère son territoire…
Au lendemain de la
seconde guerre, le gouvernement adopte
le décret du 20 juillet 1946
« établissant le régime de dépendance
des possessions espagnoles d’Afrique
occidentale ». Les territoires occupés
par l’Espagne – Ifni, le Cape Juby et le
Sahara occidental – deviennent l’« Africa
Occidental Española ». Le 10 janvier
1958, le Sahara occidental sera
constitué par décret en « province
espagnole d’Afrique ».
Le 14 décembre
1955, l’Espagne franquiste devient
membre de l’Organisation des Nations
Unies. Priée par le Secrétaire général
de préciser si elle administre des
territoires non autonomes au titre de
l’article 73 de la Charte, l’Espagne
invoque son droit constitutionnel
interne pour nier la compétence des
Nations Unies et répond que ses
territoires d’outre-mer sont des
« provinces espagnoles d’Afrique » qui
font partie intégrante de l’Etat
espagnol, comme l’atteste la lettre 10
novembre 1958, adressée par la Mission
permanente de l’Espagne au Secrétaire
général des Nations Unies (A/C4/385).
Devant la VIe Commission, son
représentant déclare : « L’Espagne ne
possède pas de territoires non-autonomes
puisque ceux qui sont soumis à sa
souveraineté en Afrique sont considérés
et classés comme provinces espagnoles
conformément à la législation en
vigueur. En conséquence, le Gouvernement
espagnol ne se considère pas visé par
l’article 73 de la Charte des Nations
Unies, qui se rapporte aux territoires
non autonomes, lesquels n’ont pas
d’existence légale au sein de
l’organisation administrative
espagnole »
1956 : La fin du
protectorat français et la politique du
« Grand Maroc »
Le 2 mars 1956, la
France met fin au protectorat du Maroc
qui devient un Etat souverain, et
s’annonce aussitôt la politique du
« Grand Maroc ». Le 7 juillet 1957,
Allal el Fassi, président du Parti de l'Istiqlal,
publie une carte du « grand Maroc », qui
englobe l’ensemble du Sahara occidental
et de la Mauritanie, l’ouest du Mali et
le Nord-ouest de l’Algérie, dans le
quotidien arabophone Al Alam. Son
parti est alors majoritaire dans la vie
politique marocaine et ses thèses sont
reçues par le Roi Mohammed V. Le 14
octobre 1957, le Maroc endosse
officiellement ces revendications devant
des Nations Unies et demande au Conseil
des tutelles la restitution de la
Mauritanie, d’Ifni et du Sahara
espagnol.
1960 : L’ONU
s’engage le processus de décolonisation
Le 14 décembre
1960, l’Assemblée générale des Nations
Unies adopte la résolution 1514
« Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux peuples colonisés ».
Le 27 novembre 1961, elle crée le Comité
de la décolonisation (Comité spécial des
vingt-quatre » ») qu’elle charge de
contrôler l’application de la résolution
1514.
L’Espagne rend
compte de son administration à l’ONU
Devant l’insistance
de l’Assemblée générale, le représentant
de l’Espagne annonce le 11 novembre 1960
devant la IVe commission que
son gouvernement accepte de
« communiquer au Secrétaire général des
renseignements sur les territoires dont
il est question au chapitre XI de la
Charte ». Dans sa résolution 1542 (XV)
en date du 15 décembre 1960, l’Assemblée
générale prend note avec satisfaction de
cette déclaration.
En avril 1961,
l’Espagne transmet au Secrétaire général
les premières informations relatives au
Sahara occidental. Il poursuivra
régulièrement la communication des
renseignements au titre de l’article 73
de la Charte des Nations Unies jusqu’en
1975.
1962 : Le Sahara
occidental sur la liste des territoires
non autonomes
En avril 1962, le
Comité spécial des vingt-quatre inscrit
le « Sahara espagnol »sur la liste des
territoires non autonomes, dont il
discutera pour la première fois en
séance en septembre 1963. Le 16 octobre
1964, le comité de décolonisation
demande à l'Espagne d’appliquer la
résolution 1514 [XV] aux territoires
d’Ifni et du Sahara Occidental.
Le 16 décembre
1965, l’Assemblée générale adopte la
résolution 2072 [XX], la première sur le
Sahara occidental, dans laquelle elle
« prie instamment le Gouvernement
espagnol en tant que puissance
administrante de prendre immédiatement
les mesures nécessaires pour la
libération de la domination coloniale
des territoires d’Ifni et du Sahara
occidental et d’engager à cette fin des
négociations sur les problèmes relatifs
à la souveraineté que posent ces deux
territoires », ce dernier point ne
concernant que Ifni.
Procédant
initialement à un examen global des
territoires africains administrés par
l’Espagne, le Comité spécial des
vingt-quatre dissocie très nettement la
question d’Ifni et de celle du Sahara
occidental dès la session suivante.
Ainsi, dans sa résolution du 16 novembre
1966, s’il considère Ifni comme une
enclave territoriale dont la
décolonisation doit aboutir au
rétablissement de l’intégrité
territoriale du Maroc, il affirme au
contraire « le droit à
l’autodétermination et à
l’indépendance » du Sahara occidental.
1966 : L’AG ONU
et le droit à l’autodétermination du
peuple sahraoui
Le 20 décembre
1966, l’Assemblée générale adopte les
vues du Comité spécial et reconnaît
elle-aussi le droit à
l’autodétermination du peuple sahraoui.
Dans la résolution 2229 [XXI], laquelle
se fonde sur la résolution 1514 [XV],
elle « invite la Puissance administrante
à arrêter le plus tôt possible, en
conformité avec les aspirations de la
population autochtone du Sahara espagnol
et en consultation avec les
Gouvernements marocain et mauritanien et
toute partie intéressée, les modalités
de l’organisation d’un référendum qui
sera tenu sous les auspices de
l’Organisation des Nations Unies afin de
permettre à la population autochtone du
territoire d’exercer librement son droit
à l’autodétermination ».
A l’exception de
1971, l’Assemblée générale des Nations
Unies a adopté chaque année, sur
recommandation du Comité spécial des
vingt-quatre et de la IV commission, une
résolution sur la question du Sahara
espagnol.
De 1967 à 1973, les
six résolutions adoptées par l’Assemblée
générale sur le Sahara occidental ont
toutes repris les termes de la
résolution 2229 (XXI). Mais malgré ces
injonctions, le gouvernement espagnol
retarde l’organisation du référendum
d’autodétermination du peuple sahraoui.
En réaction, le Front Polisario est
constitué le 10 mai 1973. Face aux
manœuvres du Gouvernement espagnol pour
décourager le peuple sahraoui d’exercer
son droit à l’autodétermination, il est
contraint de déclencher la lutte armée
le 20 mai 1973.
1974 : La Cour
internationale de Justice est saisie
Alors que, le 20
août 1974, l’Espagne prend l’engagement
d’organiser le référendum
d’autodétermination du Sahara occidental
au premier semestre de l’année 1975, le
Maroc et la Mauritanie obtiennent in
extremis de l’Assemblée générale des
Nations Unies qu’elle saisisse pour avis
la Cour internationale de Justice.
Aux termes de la
résolution 3292 [XXIX], l’Assemblée
demande à l’Espagne, le 13 décembre
1974, de « surseoir au référendum »,
pour laisser le temps à la Cour
internationale de Justice de statuer et
adapter le cas échéant le processus de
décolonisation du Sahara. Dans le même
temps, elle demande au Comité spécial
des vingt-quatre d’envoyer une mission
de visite au Sahara occidental.
Le 23 mai 1975,
l’Espagne informe le Secrétaire général
de sa décision de retirer du Sahara
occidental. Elle souhaite hâter le
transfert de souveraineté. Avertie des
conclusions de la mission de visite,
l’Espagne continue les préparatifs du
référendum. Le 9 septembre 1975, une
rencontre secrète a lieu à Alger entre
le Ministre espagnol des affaires
étrangères et le Secrétaire général du
Front Polisario pour en arrêter les
modalités pratiques.
Le 15 octobre 1975,
la mission de visite rend son rapport.
Elle établit de façon très nette la
volonté d’indépendance du peuple
sahraoui par rapport à l’Espagne et son
refus d’être intégré dans les Etats
limitrophes. La mission constate que la
population soutient massivement la lutte
du Front Polisario pour l’indépendance.
1975 : La Cour
internationale de Justice se prononce
Le 16 octobre 1975,
la Cour internationale de justice rend
son avis (Sahara occidental, avis
consultatif, CIJ Recueil, 1975,
p. 12, § 161). Si elle reconnaît
l’existence de liens précoloniaux entre
le Maroc et certaines tribus dans le
territoire du Sahara Occidental, et sur
certains points avec la Mauritanie, ces
liens sont trop insuffisants pour
établir une souveraineté autre que celle
du peuple sahraoui :
« 162. Les éléments
et renseignements portés à la
connaissance de la Cour montrent
l'existence, au moment de la
colonisation espagnole, de liens
juridiques d'allégeance entre le sultan
du Maroc et certaines des tribus vivant
sur le territoire du Sahara occidental.
Ils montrent également l'existence de
droits, y compris certains droits
relatifs à la terre, qui constituaient
des liens juridiques entre l'ensemble
mauritanien, au sens où la Cour
l'entend, et le territoire du Sahara
occidental. En revanche, la Cour conclut
que les éléments et renseignements
portés à sa connaissance n'établissent
l'existence d'aucun lien de souveraineté
territoriale entre le territoire du
Sahara occidental d'une part, le Royaume
du Maroc ou l'ensemble mauritanien
d'autre part. La Cour n'a donc pas
constaté l'existence de liens juridiques
de nature à modifier l'application de la
résolution 1514 (XV) de l'Assemblée
générale des Nations Unies quant à la
décolonisation du Sahara occidental et
en particulier l'application du principe
d'autodétermination grâce à l'expression
libre et authentique de la volonté des
populations du territoire ».
Par conséquent, le
processus de décolonisation du Sahara
Occidental doit se poursuivre « sans que
le Maroc ne puisse évoquer une remise en
cause de son intégrité territoriale ».
II – Depuis 1975 :
un territoire non autonome occupé par le
Maroc
La préparation
de Marche Verte
Le sursis à
référendum obtenu par le Maroc en 1974
lui a laissé un an pour s’organiser
militairement. Ignorant le sens de
l’avis qu’il avait pourtant sollicité,
le roi Hassan II estime qu’il revient au
Maroc « d’occuper son territoire » et
donne le signal de la grande « Marche
Verte » le 17 octobre 1975.
En réaction, le
Conseil de sécurité, réuni en urgence,
adopte la résolution 377 (1975) du 22
octobre 1975. Visant l’article 34 de la
Charte, il a réaffirmé les principes de
la résolution 1514 (XV) de l’AG ONU et
demande au Secrétaire général
« d’engager des consultations immédiates
avec les parties concernées et
intéressées ». Dans son rapport au
Conseil de sécurité, ce dernier fait
état de la position du Maroc. Le Maroc
« récuse la conclusion de la Cour, selon
laquelle les documents et les
renseignements qui lui ont été présentés
n’apportent aucune preuve de l’existence
de liens de souveraineté territoriale
entre le territoire du Sahara occidental
et le Royaume du Maroc ». Le secrétaire
général conclut : « la situation dans la
région demeure grave. Je considère donc
qu’il est de la plus haute importance
d’éviter tout acte qui risquerait
d’aggraver encore la tension ».
Dans sa résolution
379 (1975) du 2 novembre 1975, le
Conseil de sécurité endosse la
conclusion du Secrétaire général. Après
avoir rappelé les termes de l’ensemble
des résolutions de l’AG ONU relatives au
Sahara occidental, il « demande
instamment à toutes les parties
concernées et intéressées d’éviter toute
action unilatérale ou autre qui pourrait
encore aggraver la tension dans la
région ».
L’invasion du
Sahara occidental
Le Maroc passe
outre ces mises en garde et la nuit du 5
novembre 1975 la « Marche Verte »
franchit la frontière sahraouie. A peine
quelques heures plus tard, le Président
du Conseil de sécurité écrit
personnellement à Hassan II pour lui
demander, sans succès, « de mettre fin
immédiatement à la marche déclarée dans
le Sahara occidental ». Le 6 novembre,
le Conseil de sécurité adopte la
résolution 380 (1975) dans laquelle il
« déplore l’exécution de la marche » et
« demande au Maroc de retirer
immédiatement du territoire du Sahara
occidental tous les participants à la
marche ».
Dans son rapport au
Conseil de sécurité au titre de la
résolution 379 (1975), le Secrétaire
général constate : « l’entrée de la
« Marche Verte » dans le Sahara
occidental a gravement accru la tension
dans la région. Si la situation devait
continuer à se détériorer les chances
d’arriver à un règlement satisfaisant
seraient de plus en plus compromises. Il
est donc de la plus haute importance de
faire preuve du maximum de retenue afin
d’éviter une tragédie et de laisser la
voie ouverte à un règlement pacifique ».
L’Espagne ne
profite pour se retirer du Sahara
occidental
Le 9 novembre,
Hassan II rappelle ses « marcheurs » car
il a obtenu de l’Espagne l’ouverture de
négociations tripartites avec la
Mauritanie. Le 11 novembre, les
discussions s’ouvrent et débouchent sur
la Déclaration de principes sur le
Sahara occidental du 14 novembre. Cette
déclaration seule sera rendue publique
tandis que les accords de Madrid
resteront secrets. Préférant la
domination marocaine du Sahara
occidental à l’indépendance de son
ancienne colonie, l’Espagne décide en
toute illégalité de se retirer
unilatéralement du Sahara occidental.
Ses pouvoirs et responsabilités, en tant
que puissance administrante, sont
transférés à une administration
temporaire « constituée en associant au
Gouverneur général actuel, deux
gouverneurs adjoints qui seront désignés
respectueusement sur la proposition du
Maroc et de la Mauritanie ».
Le 17 novembre,
l’occupation militaire de Smara par le
Maroc débute. Le 19 novembre, le
Parlement espagnol adopte le projet de
loi sur la décolonisation du Maroc. Le
20 novembre, le Général Franco meurt.
Les réactions de
l’ONU
Le 10 décembre,
l’Assemblée générale des Nations adopte
les résolutions 3458 (XXX) A et B. Dans
la première, elle « réaffirme le droit
inaliénable du peuple du Sahara
occidental à l’autodétermination » et
« la responsabilité de la Puissance
administrante et celle de l’Organisation
des Nations Unies en ce qui concerne
[ce] territoire », puis « prie
instamment toutes les parties concernées
et intéressées de faire preuve de
modération et de mettre fin à toute
action unilatérale ou autre qui
outrepasserait les décisions de
l’Assemblée générale relatives au
territoire ». Dans la seconde, tout en
« prenant acte » de l’accord de Madrid,
elle réaffirme le « droit inaliénable à
l’autodétermination de toutes les
populations sahraouies originaires » du
Sahara occidental. Elle « prie les
parties » à la déclaration de principe
« de veiller au respect des aspirations
librement exprimées » du peuple sahraoui
et requiert de « l’administration
intérimaire » qu’elle prenne « toutes
les mesures nécessaires » à cette fin.
Le même jour,
l’armée mauritanienne s’empare de La
Guera. Au nord, l’armée marocaine occupe
Laayoune. L’entrée de ces forces armées
étrangères, qui caractérise l’agression
armée dont est victime le peuple
sahraoui, provoque l’exode de dizaines
de milliers de réfugiés.
Le retrait,
décision illégale de l’Espagne
Le 26 février 1976,
deux jours plutôt que la date prévue,
l’Espagne retire ses dernières troupes
du Sahara occidental et informe le
Secrétaire général qu’elle met fin à sa
présence au Sahara occidental. Renonçant
à ses responsabilités sur le territoire,
elle laisse le Maroc et la Mauritanie
s’emparer des zones placées sous leur
contrôle. Le représentant permanent de
l’Espagne auprès des Nations Unies
écrit : « Conformément aux dispositions
du paragraphe 2 de la Déclaration de
principes de Madrid du 14 novembre 1975,
le Gouvernement espagnol met, à compter
de la présente date, définitivement fin
à sa présence dans le territoire du
Sahara et juge nécessaire d’indiquer ce
qui suit : a) « l’Espagne se considère
désormais dégagée de toute
responsabilité de caractère
international en ce qui concerne
l’administration dudit territoire, en
cessant de participer à l’administration
provisoire qui y a été mise en place »
(Lettre datée du 26 février 1976,
adressée au Secrétaire général par le
Représentant permanent de l’Espagne
auprès des Nations, A/31/56-S/11997).
Ce qui était
initialement présentée par l’Espagne
comme un aménagement de ses
responsabilités en tant que puissance
administrante tourne à l’annexion pure
et simple du Sahara occidental par le
Maroc et la Mauritanie.
1976 : La
formalisation de l’annexion du Sahara
occidental
Le 14 avril 1976,
les deux Etats formalisent leur annexion
du Sahara occidental en signant, à
Rabat, la Convention relative au tracé
de la frontière d’Etat établie entre la
République Islamique de Mauritanie et le
Royaume du Maroc. Se référant à l’avis
de la Cour internationale de Justice et
à l’accord de Madrid, les parties
scindent en deux le territoire du Sahara
occidental. Les deux tiers au nord
passent sous souveraineté marocaine et
le tiers restant au sud revient à la
Mauritanie. La délimitation du
territoire terrestre, opérée à l’article
1, est étendue au plateau continental à
l’article 2.
Dans la foulée, les
deux Etats concluent un accord de
coopération économique pour la mise en
valeur « des territoires sahariens
récupérés ». En substance, le capital
social de la Société Fos Bucraâ, créée
par l’Espagne, est ouvert à la
Mauritanie (article 1). Les deux parties
organisent l’exploitation « des
ressources du sous-sol dans les
territoires sahariens récupérés en vue
de leur exploitation commun » (article
2) et s’accordent mutuellement « les
conditions les plus favorables dans les
eaux maritimes des territoires sahariens
récupérés ». En 1962, l’Espagne crée
l’Entreprise nationale minière du Sahara
(ENMINSA) pour étudier l’exploitation
commerciale du Gisement de Bou Craa. En
1969, elle devient les Phosphates de Bou
Craâ S.A. (Fos-Bucraâ) et est dotée d’un
capital de 5 milliards de pesetas. En
1976, l’Office Chérifien des Phosphates
(OCP) acquiert 65% des parts. La mine de
Laâyoune sera exploitée conjointement
avec l’Espagne qui cédera ses parts
restantes (35%) en 2002 à l’OCP.
L’annexion en
droit interne marocain
Au plan du droit
interne marocain, l’annexion de jure
du Sahara occidental est consommée par
l’adoption du « dahir portant loi
n°1-76-468 du 9 chaabone 1396 (6 août
1976) » qui modifie le dahir n°1-59-351
du 1er joumada II 1379 (2
décembre 1956) relatif à la division
administrative du Royaume et incorpore
le Sahara occidental au territoire
marocain.
1979 : L’accord
de paix Mauritanie/Front Polisario
Usée par la
guérilla que lui mène le Front Polisario
et affaiblie par des troubles politiques
internes, la Mauritanie conclut un
accord de paix le 10 août 1979 avec le
mouvement de libération nationale
sahraoui par lequel elle renonce à ses
prétentions territoriales sur le Sahara
occidental. L’accord stipule :
« 1/ Considérant
l'attachement des deux parties
Mauritanienne et Sahraouie, au respect
scrupuleux des principes inviolables des
Chartes de l'OUA et de l'ONU relatifs au
droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes
et à l'intangibilité des frontières
héritées de l'époque coloniale.
2/ Considérant le désir
sincère des deux parties d'instaurer une
paix juste et définitive entre la
République Islamique de Mauritanie et le
Front Polisario, conformément aux
principes de la coexistence pacifique,
du respect mutuel et du bon voisinage.
3/ Considérant la
nécessité impérieuse pour les deux
parties de trouver une solution globale
et définitive au conflit garantissant au
Peuple Sahraoui ses pleins droits
nationaux, et à la région, la paix et la
stabilité.
a) La République
Islamique de Mauritanie déclare
solennellement qu'elle n'a et n'aura pas
de revendications territoriales ou
autres sur le Sahara Occidental.
b) La République
Islamique de Mauritanie décide de sortir
définitivement de la guerre injuste du
Sahara Occidental suivant les modalités
arrêtées en commun accord avec le
représentant du peuple sahraoui, le
Front Polisario ».
En réaction, le
Maroc annexe le Sud
En réaction au
traité de paix, le Maroc décide
d’annexer la partie sud du Sahara
occidental et viole l’accord de Madrid
et la convention de délimitation de
frontières conclus trois ans auparavant
avec la Mauritanie dont il prétendait
tirer ses droits souverains sur la
partie nord du Sahara occidental. Le 14
août 1979, le Maroc opère une seconde
modification de son droit interne pour
annexer de jure la partie sud du
Sahara occidental. Du point de vue du
droit interne marocain, l’ensemble du
territoire sahraoui passe sous
souveraineté marocaine.
Cette annexion est
condamnée par l’Assemblée générale des
Nations Unies dans sa résolution 34/37
(1979) du 9 novembre 1979. Après avoir
réaffirmé « le droit inaliénable du
peuple du Sahara occidental à
l’autodétermination et à l’indépendance
[…], ainsi que la légitimité de la lutte
qu’il mène pour obtenir la jouissance de
ce droit », l’Assemblée « déplore
vivement l’aggravation de la situation
découlant de la persistance de
l’occupation du Sahara occidental par le
Maroc et de l’extension de cette
occupation au territoire récemment
évacué par la Mauritanie » et «
demande instamment au Maroc […] de
mettre fin à l’occupation du territoire
du Sahara occidental ».
Dans la résolution
35/19 du 11 novembre 1980, l’Assemblée
générale « déclare de nouveau être
vivement préoccupée par l’aggravation de
la situation découlant de la persistance
de l’occupation du Sahara occidental par
le Maroc et de l’extension de cette
occupation à la partie du Sahara
occidental ayant fait l’objet de
l’accord de paix conclu entre la
Mauritanie et le Front Polisario », puis
« réitère l’appel contenu dans sa
résolution précédente, par lequel elle a
demandé instamment au Maroc de mettre
fin à l’occupation du territoire du
Sahara occidental ».
La construction
d'un mur de 2500 km
A la place, le
Maroc choisit de consolider son
occupation en érigeant un Mur de
défense, le Berm. D’une longueur
dépassant les 2500 km, ce mur de
séparation découpe le territoire du
Sahara occidental en deux, les trois
quarts Ouest étant placé sous occupation
marocaine et le quart Est restant sous
le contrôle du Front Polisario.
1988 : Le plan
de règlement
En lien avec l’OUA,
le Secrétaire général des Nations Unies
est parvenu à établir un plan de
règlement, acceptée par le Maroc et le
Front Polisario en 1988. Le Conseil de
sécurité a approuvé ce plan en 1990 et a
créé la Mission des Nations Unies pour
l'organisation d'un référendum au Sahara
occidental (MINURSO) en 1991 (Résolution
690 (1991) du 29 avril 1991).
Le Plan de
règlement reposait sur un cessez-le-feu
et une période transitoire permettant
l’organisation du référendum
d’autodétermination sous le contrôle de
l’ONU, avec une option entre
l'indépendance ou l'intégration au
Maroc. Le cessez-le feu a été
globalement respecté après le
déploiement de la MINURSO en septembre
1991, mais l’organisation du référendum
est restée en plan, malgré une relance
des négociations en 2007. En janvier
2009, le Secrétaire général de l’ONU,
Ban Ki-moon, a nommé Christopher Ross
comme Envoyé personnel au Sahara
occidental.
Aucun pays du
n’a reconnu la souveraineté du Maroc sur
le Sahara occidental
Tous les actes
émanant des Nations Unies se réfèrent à
la décolonisation de tout le territoire
du Sahara occidental, et spécialement
les résolutions du Conseil de sécurité
approuvant le Plan de paix de 1991, les
accords de Houston de 1997 et le « Plan
Baker II » de 2003. Aucun pays du monde
n’avait reconnu la souveraineté du Maroc
sur le Sahara occidental.
La dernière
résolution du Conseil de Sécurité date
du 25 avril 2013 (S/RES/2099 (2013)).
Elle s’ouvre par un « rappel et une
réaffirmation » toutes ses résolutions
antérieures sur le Sahara occidental.
Cette résolution est précédée d’un très
détaillé rapport du secrétaire général,
qui fournit de nombreuses informations
sur la situation actuelle.
On estime le nombre
de réfugiés à 170 000 et la répression
vise durement les militants sahraouis,
avec nombre de cas de procès
inéquitables, de détentions arbitraires
et d’actes de tortures.
Le Sahara
occidental est le dernier vestige
africain de l'époque coloniale.
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