TRANS-EUROPA
MEDIAS / ACTU AFRIQUE
Charles Ateba Eyene :
aurais-tu emporté avec toi ton secret ?
Gilbert Rocheteau
Mardi 25 février 2014
Agence TEM/ Trans-Europa Médias
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Un Edito de Gilbert Rocheteau
(Douala, Cameroun)
UNE MORT - UNE TRAGEDIE
Depuis le 21 février 2014 que, comme
tout camerounais, j’entendais courir la
rumeur selon laquelle Dr. Charles Ateba
Eyene venait de rendre l’âme au CHU de
Yaoundé (Centre Hospitalier et
Universitaire de Yaoundé), c’était pour
moi trop brut pour être vrai.
![](Ateba-Eyene-photo-source-Cameroon-info-net-1.jpg)
Ateba
Eyene - Photo: Cameroon info
Primo parce que mon attention était
dirigée sur la Côte d’Ivoire où
certaines sources avançaient la nouvelle
du décès du Président Ouattara depuis la
France et ensuite parce qu’il n’y avait
pas de signes avant-coureurs qui
pouvaient indiquer dans la société
camerounaise l’imminence d’une telle
tragédie pour le Cameroun. Car Charles
Ateba, incarnait pour beaucoup, la Voix
des Sans Voix.
Je parle de ‘tragédie’ tout comme ce fut
à une époque Kotto Bass et Marc-Vivien
Foé.
![](Kotto-Bass-source-journalducameroun-2.jpg)
Kotto Bass
- Photo: Journal du Cameroun
Le guitariste extraordinairement aimé
par la masse populaire camerounaise,
Kotto Bass, la nuit du 19 au 20 novembre
1996 tombait sous les drapeaux de la
culture camerounaise pourtant il venait
ainsi d’entamer la colline de sa
carrière d’artiste. C’était un choc, la
société s’en était émue et c’était
aussi, la fin d’une gloire qui n’avait
même pas encore commencé.
Marc Vivien Foé, le 26 juin 2003, au
cours de la Coupe des confédérations de
la FIFA, s'écroula les yeux révulsés sur
le terrain du stade de Gerland de Lyon
en France durant le match du Cameroun
contre la Colombie. Transporté à
l’hôpital, il mourait 30 minutes après,
sous les couleurs du Cameroun sur le
champ du sport.
![](marcvivienfoe-3.jpg)
Marc
Vivien Foé - Phoro: D.R.
Aujourd’hui, c’est Charles Ateba Eyene,
qui laisse la masse populaire
camerounaise orpheline de sa pensée
libérale et audacieuse.
Au demeurant, je n’ai personnellement
pas connu la personne de Charles. Je ne
le connais pas pour dire vrai mais j’ai
été depuis 2012 touché dans la
profondeur de mon âme pour ses positions
révolutionnaires, ses attaques directes
et froides contre ses camarades du parti
dans lequel il était l’un des fervents
militants, chose qu’on trouve très
rarement chez nos compatriotes tellement
la peur au ventre confisque
coutumièrement les idées audacieuses
qu’ils engrangent en eux.
Chaque Africain en général,
et en particulier chaque citoyen
issu des pays africains du Congrès de
Berlin, a une orientation personnelle et
une personnification de son existence.
Est-ce que je ne le dis pas très
souvent, « La Pensée est synonyme de
l’Action. En refusant de penser, de
consacrer son énergie cérébrale pour
participer à la marche du monde, c’est
faire abstraction de soi au monde, à ce
qu’être un sujet ontologique, c’est
exister...».
Pour moi, j’ai fait de l’Afrique ma
pierre angulaire, mon sacrifice
existentiel et j’ai longtemps refusé de
m’ingérer ou de m’intéresser des
questions intérieures, d’un pays
africain peau de panthère, fut-ce mon
propre pays parce que j’ai jugé, à titre
personnel, que mon combat n’y était
pas ; il est celui de la libération de
l’Afrique des mains de ces êtres vivants
qui pensent que l’humanité entière leur
appartient. Pour moi, une Afrique
continentale à la chinoise serait la fin
de mon histoire, mon rêve le plus
extrême et le plus absolu.
Chez Ateba Eyene, c’était d’abord le
Cameroun débarrassé du clientélisme, des
sectes, des pratiques mafieuses de
gestion du bien public, des pratiques de
sorcellerie qui
devenaient déjà le quotidien des
camerounais, trop pesant et trop
ridicule pour un pays qui se veut la
locomotive d’une Afrique centrale (en
pleine décapitation). Il était sur un
pied de combat comme avant lui le
Cameroun a connu le journaliste Jules
Koum Koum qui dénonçait déjà les sectes
et les réseaux mafieux. On se souvient
que celui-ci était tragiquement mort
écrasé par un grumier.
![](jules_koum_accident_lej_001_ns_600-4.jpg)
Photo:
D.R.
On peut penser aussi à l’écrivain Mongo
Beti ou au Cardinal Christian Tumi qui
continue de mener ces combats.
Dr. Charles, ce jeune homme, vaillant,
téméraire, opiniâtre savait du fond de
son cœur qu’il avait bien avant pactisé
avec le diable mais qu’il avait fait un
repenti public et un mea culpa (sortir
de la caverne) pour s’engager sur la
voie de la dénonciation, de la mise sur
le marché public des grands fléaux qui
ne font pas avancer le Cameroun vers la
voie de son émergence telle que souhaité
par le président national de son parti,
notre Président de la République M. Paul
Biya.
A lui tout seul, il s’était mis contre
lui et portait en lui seul le fardeau de
sa guerre contre les sectes, la
sorcellerie ouverte exposée dans les
cités camerounaises, et surtout
l’évasion financière vers les paradis
bancaires étrangers par les hobereaux du
régime de son mentor.
Depuis 2012 si je m’en tiens à ce que
j’avais retenu de lui lors de son
passage sur une chaine de télévision
privée camerounaise, il investiguait
sur les comptes bancaires de certains
hauts dignitaires de la république avec
son armée électronique, aujourd’hui en
moins d’un an, le voilà qui voyage dans
les ténèbres, emportant avec lui le
secret de ses enquêtes qui aurait
peut-être permis à l’Etat du Cameroun de
ramener quelques milliards de nos francs
qui font la beauté et la fierté de
l’économie de nos donneurs de leçons de
démocratie et de bonne gouvernance.
POURQUOI LA JEUNESSE CAMEROUNAISE NE
S’INTERROGERAIT-ELLE PAS SUR LES CAUSES
DE SA MORT ?
Les premiers diagnostiques révèlent que
Dr. Charles Ateba Eyene souffrait d’une
insuffisance rénale.
On s’est très bien qu’au Cameroun,
quelqu’un de l’envergure de Charles ne
mourrait pas d’une telle maladie déjà
parce que pour lui, il était à l’abri du
besoin ; aussi il n’est pas question de
moyens insuffisants ou limités pour son
traitement, il en avait à suffisance et
ensuite parce que, une telle maladie
trouverait un traitement quelle que soit
la dimension du traitement qu’il devait
suivre.
Il est bien évidemment à prendre en
compte que la personne, est un être
vivant, et qu’il est ou était vulnérable
comme tous les autres vivants et qu’il
pouvait succomber d’une mort quelles que
soient les circonstances lorsque c’était
« écrit », il doit mourir ce jour… même
si je suis un peu très éloigné de cette
idée de la fatalité.
Pour la plus part de jeunes que j’ai
rencontrés depuis l’annonce de ce décès,
il ne fait l’idée d’aucun doute, Charles
Ateba comme ils l’appellent, « est mort
pour eux », parce qu’il a osé combattre
les poids lourds du régime et ceux-là
ont décidé de lui faire payer…
d’ailleurs, ne disait-il pas de son
vivant : "je veux mourir pour les miens
d'abord avant de songer mourir pour le
bien de tout le monde. Ma mort sera la
contribution que je souhaite apporter au
changement de ce pays. Nous devons bâtir
un pays indestructible qui va lutter
pour le bien de tout le monde; un pays
patriotique riche et non égoïste,
sorcier, sectaire et tribaliste... » Et
que je cite aujourd’hui aussi Sandi
Bilong sur le réseau social Facebook, sa
page d’accueil « c'est bien dommage, ce
départ subit de Charles… je l'ai déjà
dit et je le redirai toujours. [Ils] ont
tué Charles Ateba. Ces sorciers, ces
buveurs de sang et mangeurs de chair
humaine, ces adeptes du culte du diable,
ces fils et filles de Lucifer, ces
disciples du diable ont eu raison de
Charles Ateba. [Il] avait bien voulu les
combattre, mais, comment combattre
quelqu’un avec qui tu manges tous les
jours, comment combattre celui avec qui
tu dors dans le même lit? Charles
voulait combattre ces fausses élites du
sud oubliant qu'il était très jeune dans
un groupe trop vieux. (…) [Ils] n'ont
pas accepté l'arrogance de cet enfant et
sa franchise. [Ils] ont voulu le faire
partir du comité central et ont croisé
le fer avec Semengue [le général Pierre
Semengué, ex-chef d’état major de
l’armée camerounaise] son oncle. il
fallait trouver un autre moyen et
lequel? La lâcheté. Oui, je dis bien la
lâcheté, car ils ont tous peur de la
vérité. Voila le crime de Charles Ateba… ».
C’est tout dire l’hystérie collective
qui va s’en suivre jusqu’à l’enterrement
prévu pour le 29 mars 2014 de ce jeune
compatriote mort sous les couleurs pour
sa lutte contre le braconnage politique
au Cameroun.
CHARLES ATEBA EYENE, FORT SOUTIEN DU
PRESIDENT PAUL BIYA.
Le Président Paul Biya, Président du
Rassemblement démocratique du peuple
camerounais (RDPC), est, quoi qu’on dise
tout de lui, l’homme qui a su fabriquer
une jeunesse camerounaise battante avec
un style tout aussi particulier. De
cette jeunesse est issue le jeune
Charles Ateba (44 ans, reste à
confirmer), qui mordicus et jusqu’à
l’annonce de sa mort le 21 février
dernier, lui vouait tout attachement.
Son combat était articulé et résumé
autour du Président Paul Biya. Toutes
ses dénonciations étaient mises en avant
pour le dédouaner de quelques maux
graves dont souffre le Cameroun.
On se pose bien la question de
savoir pourquoi le père de la nation
n’aurait-il pas été un père protecteur
de Charles quand on sait, que lui-même
sait que cet enfant de son système
devait être la cible potentielle de
certaines personnes influentes autour de
son régime.
Je ne saurais continuer - au hasard - à
plancher sur un sujet aussi sensible que
celui-ci mais qui touche la discrétion
du Chef de l’Etat camerounais quand on
sait que, le père de la nation
camerounaise qu’il a su bâtir de ses
mains depuis 82, a une manière
particulière et singulière de soutenir
la jeunesse qui lui est fidèle.
Est-ce que le Président de la République
pouvait faire autrement si
effectivement, il était écrit dans
l’agenda céleste de Charles, que
« Charles, tu Me Retourneras ce 21
février 2014 »… Charles aurait été de
cette jeunesse qui ne recule pas, même
au péril de sa vie et en se sacrifiant
pour son pays, s’est sacrifié pour sa
propre famille laissant une progéniture
malheureuse mais qui est et sera fière
d’avoir vu un père combattif, héroïque
et irréversible.
Cette mort émouvante de Charles devrait
faire penser le Président de la
République du Cameroun, que le pire est
à venir car Charles incarne de nombreux
autres jeunes que certaines personnes
n’acceptent pas facilement en eux
l’émergence d’une pensée contradictoire…
d’autres jeunes sont sur la liste, Dr.
Owona Nguini Mathias, Dr. Hilaire Kamga,
Patrick Psapack, Banda Kani, Dr. Alain
Fogué Tédom et bien d’autres dont je ne
peux citer le nom peut-être par oubli
mais qui incarnent l’avenir d’un
Cameroun futuriste mais que les
hobereaux du système souhaitent voir
taire à jamais.
C’est cette nouvelle élite que le
Président Paul Biya devrait protéger et
derrière elle, protéger l’ensemble de la
jeunesse camerounaise qui est « le fer
de lance de la nation » le disait-il
dans l’une de ces allocutions à
l’adresse de la jeunesse de son pays.
QUI ETAIT CHARLES ATEBA EYENE ?
![](Charle-sur-facebook-5.jpg)
Charles
Ateba Eyene - Photo: D.R.
news.mboa.info écrivait sur son site
internet le 15 mars 2013 que, Charles
Ateba Eyene est un individu
pluridisciplinaire et fort actif sur
tous les fronts. Il est un acteur de la
vie politique et intellectuelle les plus
en vue de sa génération. Connu pour ses
livres engagés et parfois polémiques,
est aussi reconnu comme un membre très
actif du Rassemblement Démocratique du
Peuple Camerounais (Rdpc), le parti
politique au pouvoir pour lequel il est
encore l'un des communicateurs. Avec les
élections sénatoriales qui connaissent
leur grande première au Cameroun,
Charles Ateba Eyene n'a pas hésité à se
présenter devant les médias comme
candidat au Sénat du Cameroun où il
compte amener des « révolutions » comme
l'on lui connait.
Auteur de plus de 15 livres ayant connus
les uns les autres un succès franc,
Charles Ateba n'a vraiment jamais
couvert d'éloges les éditeurs nationaux
qui pour lui ont des lacunes : manque de
professionnels, de comité de relecture,
de moyens... Mais, il précise que c'est
grâce à la vente de ses livres qu'il
gagne aisément sa vie, bien qu'il soit
également fonctionnaire du ministère des
Arts et de la Culture.
Mais c'est dans les années 1970 que
Charles nait d'une mère ménagère et d'un
père qui était un technicien des eaux et
forêts à l'Est du Cameroun au sein d'une
famille polygamique pas aisée. Après ses
études primaires, Charles devient un
acteur très prolifique sur le plan
estudiantin. Il cumule à son actif
plusieurs diplômes notamment un doctorat
en Communication Politique ; une licence
en Lettres Modernes Françaises, un
diplôme en Inspection de la
Documentation...
Par contre son goût pour la politique
lui est impulsé par son père - jadis
membre du Rdpc. Charles forge ses armes
lors des ses études secondaires et
universitaires où il séduit de par ses
discours, son éloquence et sa franchise.
Justement ce dernier caractère lui a
conféré souvent quelques foudres
directes. Dans l'un de ses ouvrages il a
dénoncé ce qu'il a qualifié de
micro-tribalisme du Paul Biya, parlant
de la balkanisation de la région du Sud.
Dans son livre « Le Cameroun sous la
Dictature des Loges, des sectes, du
magico-anal et des réseaux mafieux...»,
il a accroché la franc-maçonnerie du
Cameroun ; ce qui lui a valu de vives
critiques tant des franc-maçons, de la
presse que d'acteurs politiques. Dans «
Les paradoxes du pays organisateur »,
Charles « tape » sur les élites qui
profitent du régime en place, ne voulant
pas perdre leurs privilèges et leurs
postes, mettent des « moyens » pour y
parvenir.
Malgré certaines controverses sur sa
personne, Charles Ateba Eyene reste une
personnalité assez appréciée des jeunes
; ce qui lui a d'ailleurs valu d'être
été élu en 2012 comme étant la
personnalité préférée des camerounais
par le Groupe Multimédias Presse Force
One à travers les numéros de l'annuaire
téléphonique, choisis au hasard dans les
dix régions sur un échantillon de 2000
citoyens, conformément aux référentiels
scientifique des instituts d'étude
d'opinion TNS-Sofres et BVA.
A LA FAMILLE DU DR. CHARLES ATEBA EYENE…
Patience à la famille du défunt,
patience aux progénitures de Dr. Charles
Ateba Eyene, au lieu d’adresser à cette
famille mes condoléances, je dis
‘Honneur à Charles Ateba Eyene’ et ‘Vive
le Cameroun’, car c’est sur le terrain
du combat qu’il est tombé. De sa
maladie, qu’elle ait été normale ou
provoquée, Charles est tombé sur le
champ de l’honneur en défendant de
l’intérieur notre pays.
Il n’est pas mort vainement, il est mort
pour un combat loyal et il entre à
jamais dans l’histoire du Cameroun,
notre beau pays.
Charles, bravo ! C’est ma manière à moi
ici de te rendre hommage… Que la Terre
de nos Aïeux te soit légère !
Gilbert Rocheteau
TEM/ 24 février 2014 /
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