La Voix de la
Russie
Washington parle de souveraineté
ukrainienne !
Une farce ?
Françoise Compoint
© Collage
: La Voix de la Russie
Vendredi 7 mars 2014
Washington
auquel Bruxelles fait écho parle de
souveraineté ukrainienne. Incroyable
mais vrai ! Le mot souveraineté refait
irruption dans leur sémantique. Et les
dindons de cette vaste farce, c’est qui
? C’est nous autres, pauvres mortels,
qui croyons peut-être encore, à l’instar
de certains lecteurs du quotidien Le
Monde, qu’Oncle Sam se bat encore pour
un monde plus démocratique, que ses
intérêts économiques et géostratégiques
n’y sont pour rien, que c’est le peuple
ukrainien qui, dans un élan printanier
magnifique, a choisi des représentants
moins corrompus et surtout respectueux
des droits de l’homme.
Ce n’est pas par ressentiment
particulier que je cite Le Monde, ce
n’est pas parce qu’il est de gauche,
loin s’en faut, que j’en fais l’objet de
mon sarcasme, mais bien parce que sa
chronique très sélective des évènements
ukrainiens dénotent une impartialité
très … bruxelloise. Je me focaliserai
sur deux aspects cruciaux de leur
éclairage qui, après un prompt et
vigoureux coup de réinformation, ne
tiennent plus du tout la route.
- Le 7.03. 10h15. « Ils ont
envahi notre pays » !, a lancé Irina
Plyaka, 30 ans, venue en bus de
Cleveland dans l’Ohio (Nord) avec son
père. « Ils propagent des mensonges et
pendant ce temps, ils tuent des
Ukrainiens dans la rue avec des tireurs
embusqués ». Je coupe ici cette citation
édifiante qui devrait apitoyer n’importe
quel Français normal. Manifestement, si
on soustrait à cette réplique l’étrange
implication de l’armée russe dans la
fusillade du Maïdan, cette jeune femme
fait allusion à ces morts du 20 février
qui auraient été sommairement exécutés
par le régime. Faute de preuves
signalant l’innocence de Ianoukovitch
dans cette tuerie assez étrange car très
sélective – des tirs hasardeux contre
une foule de manifestants aussi
importante auraient fait bien plus de
morts – on ne pouvait que s’interroger
sur les motifs d’un Président qui, de
un, n’avait pas réprimé le soulèvement
dès ses débuts, de deux, faisait en
somme un grand cadeau aux commanditaires
de son renversement. Deux semaines plus
tard, les preuves sont là : les services
de renseignement ont mis sous écoute et
enregistré la conversation du ministre
des Affaires étrangères estonien, Urmas
Paet, avec la haute représentante de
l’UE, Catherine Ashton. M. Paet avoue
avoir « la conviction grandissante » que
le Président déchu n’avait jamais
ordonné à ses snipers d’ouvrir le feu,
que le témoignage d’une certaine Olga,
médecin ayant examiné les victimes,
indiquait que les balles qui avaient été
extraites des corps n’étaient pas celles
des policiers d’ailleurs abattus eux
aussi au même type d’arme. Qui plus est,
il lui a semblé suspect que la nouvelle
coalition ait refusé de lancer une
enquête tout en continuant à prétendre
que Ianoukovitch était derrière cette
série d’exécutions. Ayant appris que son
entretien avec Mme Ashton avait été
diffusé, le ministre estonien n’a même
pas cherché à contester les arguments
avancés. Deux conclusions s’imposent :
premièrement, la chronique du journal Le
Monde n’ajuste pas ses références aux
derniers faits, deuxièmement, il reprend
des réactions purement subjectives sans
s’interroger sur leur bien-fondé
logique. Ce procédé avait été
régulièrement employé dans son éclairage
des évènements syriens, notamment suite
à l’attaque chimique perpétrée dans la
banlieue damascène. Il était alors
pourtant clair qu’al-Assad n’avait
aucune raison de commanditer ladite
attaque et que la manière dont celle-ci
avait été réalisée excluait la
responsabilité du gouvernement syrien.
La désinformation perd à être si peu
crédible ce qui en même temps nous donne
le droit de nous réjouir de ses
énormités.
- En second lieu, les USA,
secondés dans leur fausse indignation
par Bruxelles, dénoncent la violation
par la Russie de la souveraineté
ukrainienne. Le Monde reprend les prises
de parole de la Maison Blanche ainsi que
d’un certain Ryan Zawojski, membre de
l’association des jeunes
américano-ukrainiens. Je ne sais s’il
faut rire ou pleurer. Primo, si l’on se
penche sur l’héritage doctrinaire de M.
Zbigniew Brzezinski, il devient d’emblée
acquis que l’Ukraine représente un
centre stratégique de première
importance pour les USA, ne serait-ce
que pour parfaire sa politique
d’encerclement de la Russie, seul pays
souverain antagoniste pouvant contrer
l’hégémonie américaine : « Sans
l’Ukraine, la Russie cesse d’être un
Empire en Eurasie. Si l’Occident devait
choisir entre une Ukraine démocratique
et une Ukraine indépendante opposée à la
Russie, ce sont les intérêts
stratégiques et non démocratiques qui
devraient déterminer notre position » (Brzezinski.
1998). Du reste, cette réflexion n’avait
déjà rien d’original à la fin des années
90, sachant qu’elle avait été formulée
presque un siècle avant par Bismarck.
Secundo, le projet d’otanisation de
l’Ukraine – probable en vertu de
l’avancée otanienne via la Pologne et le
traité de Küçuk Kaynarca toujours de
vigueur signé entre la Russie et
l’empire ottoman en 1774 – est
parfaitement à l’image de ce qu’est la
stratégie et, disons même plus, la
raison d’être de l’OTAN depuis la chute
de l’URSS. Voici deux citations de
taille. Javier Solana, ancien secrétaire
général de l’OTAN : « L’expérience
acquise en Bosnie pourra servir de
modèle pour nos opérations futures ». On
sait quel a été le dénouement de cette
opération. Trois experts du think-thank
de l’armée US, lors d’une conférence qui
a eu lieu en 1993 : « L’OTAN doit sortir
de sa zone sinon il sera sans emploi ».
Ce dernier constat est repris par le
politologue Michel Collon sur son site.
Sinon, faisant abstraction de ces
modestes réflexions, j’avoue que la
farce washingtonienne fondée sur son
immense respect de la souveraineté
nationale est hilarante. Nos
journalistes du mainstream médiatique
devraient insérer des rires en boîte
dans leurs textes pour qu’on sache
vraiment à quel moment … rire.
© 2005—2014 La
Voix de la Russie
Publié le 8 mars 2014 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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