Palestine
L’espoir du retour en Palestine :
les réfugiés d’al-Jalil tracent le
chemin
Fadwa Nassar
Jeudi 14 mai 2015
« Dix jours après le départ forcé de la
population d’al-Nahr, la Haganah a
attaqué ce joli village. Elle n’y a
trouvé que 16 vieillards âgés entre 80
et 90 ans, et deux hommes handicapés..
Mohamad Akr et Mohammad Raghib. Elle les
a tous rassemblés dans un lieu et a tiré
sur eux, et les a laissés noyés dans
leur sang… Ce témoignage fut rapporté
par Tawfiq Raghib Salim, qui s’était
caché dans les vergers aux alentours, et
qui est entré au village après qu’ils
(les sionistes) se soient retirés. Il a
enseveli les morts.. Cet homme est resté
pendant deux mois, vivant dans les
vergers pendant la journée et dormant au
village la nuit. Puis, n’ayant plus
d’espoir de rester, il prit la route, de
nuit, vers Tarshiha puis au Liban, où sa
famille l’avait devancée. Puis les
sionistes ont fait exploser toutes les
maisons du village et détourné l’eau des
sources du village vers un lieu inconnu.
Le village et ses vergers sont restés
sans eau. Ceci est un clair exemple de
ce qui s’est passé dans la région de
Akka et de ce qu’a commis la Haganah ».
D’autres témoignages récemment publiés
rapportent que les Palestiniens ont
d’abord fui leurs villages, lorsque ces
derniers étaient attaqués par les
sionistes et l’armée britannique, mais
sans quitter le pays, où ils sont restés
des mois parfois à le parcourir, vivant
dans les vergers des villages non encore
attaqués, dans l’espoir de retourner
chez eux. Certains villageois sont même
retournés chez eux, au cours de ces mois
de 1948, où ils ont cueilli les olives
et les autres fruits, bravant les
groupes sionistes qui encerclaient les
villages, avant de les envahir. Certains
villageois ont même été tués, parce
qu’ils avaient refusé de se soumettre
aux ordres et ont continué à travailler
dans leurs terres.
Ce genre de témoignages doit être
multiplié par mille, concernant
seulement les réfugiés de la région
d’al-Jalil, situé au nord de la
Palestine. L’encyclopédie « Pour ne pas
oublier » (Kay lâ Nansa) publiée il y a
presque deux décennies cite 416 villages
palestiniens entièrement détruits par
les hordes sionistes. Dans al-Jalil, les
régions de Safad et de Tabaraya furent
entièrement vidées de leur populations :
outre les deux villes, Safad et Tabaraya
dont les pittoresques maisons furent
prises d’assaut par les colons, 77
villages de la région de Safad et 25
villages de la région de Tabaraya
disparurent de la carte sioniste. A leur
place, s’installèrent des colons venus
d’ailleurs.
Ces villages étaient non seulement
habités, mais en expansion et
développement, avant l’occupation
britannique puis la colonisation
sioniste. Les centaines de témoignages
des réfugiés sur la vie quotidienne, les
relations sociales, économiques,
culturelles et politiques, de la
population palestinienne d’al-Jalil
indiquent l’ampleur du crime perpétré
par les hordes sionistes et la
communauté internationale d’alors, les
puissances occidentales et leurs valets
dans le monde, à l’encontre du peuple
palestinien.
Les villages de Loubié et Shajara, dans
la région de Tabaraya, les villages de
Taytaba, Naamé ou Khalissa, dans la
région de Safad, les villages de Bassa,
Kweikat, Shaab dans la région de Akka,
n’existent plus sur la carte sioniste,
mais existent toujours et de plus en
plus intensément, dans la mémoire de
leur population, réfugiée dans les camps
du Liban et de Syrie, ou parmi les
« réfugiés internes » vivant en
Palestine occupée. Après avoir commis
des centaines de massacres, et notamment
dans les villages d’al-Jalil (al-Jish,
Safsaf, Majd al-Koroum, Salha) et
expulsé les Palestiniens, l’entité
coloniale sioniste a changé les noms des
lieux, transformé le paysage (en
plantant parfois des forêts), rasé tout
ce qui pouvait en rappeler la vie, sans
cependant gagner la bataille car pour
les réfugiés, ce qui existe aujourd’hui,
c’est ce qui existait avant 1948 : al-Jalil
et ses villages, les colonies implantées
n’étant que des décors passagers d’une
tragédie qui doit prendre fin.
Si les témoignages rassemblés au cours
de ces dernières années restent ceux des
Palestiniens ayant vécu en Palestine
avant l’exil, même pour quelques années,
c’est-à-dire aujourd’hui des vieux et
des vieilles qui ont pris le chemin de
l’exil, pourchassés par les hordes
coloniales, il n’en demeure pas moins
que leur mémoire a été transmise, et que
leurs descendants savent qu’ils
appartiennent à ces lieux et à cette
région, et à la Palestine. Et ils savent
surtout qu’ils y retourneront, et que ni
les sionistes, ni les puissances
occidentales, ni la communauté
internationale, ne les en empêcheront.
Car la Palestine vers laquelle ils
tendent et celle pour laquelle ils
luttent, n’est pas celle de l’Autorité
Palestinienne, où al-Jalil et d’autres
régions en sont exclues. Elle n’est pas
non plus celle « d’un seul Etat » où les
colons partageraient à égalité le pays
et ses ressources avec les Palestiniens.
Elle sera celle issue de la résistance
et de la libération, celle d’une
Palestine retournée à son environnement
arabo-islamique, où le terme même
« d’Israël » disparaîtra. Même un siècle
de colonisation ne peut effacer la
civilisation et l’histoire d’al-Jalil et
des autres régions de la Palestine
occupée, d’autant plus que la tentative
de les remplacer par des mythes juifs
inventés de toutes pièces a échoué.
L’éclat apparent de l’entité coloniale,
les colonies implantées en Palestine, le
nombre des colons qui y vivent, l’armée
sophistiquée qui mène les guerres
destructrices, l’industrie de pointe qui
gagne des marchés dans le monde, tout
cela ne peut cacher ni faire oublier que
l’entité coloniale, soutenue et
encouragée par les puissances impériales
dans le monde, est bâtie sur des
massacres, qui se poursuivent jusqu’à
présent, sur des expulsions, des crimes,
des pillages de terres et de propriétés
et sur une terrible répression militaire
de toute une société, sans oublier la
nature raciste de l’idéologie sioniste,
fondatrice de l’entité, ni sa nature
expansionniste visant à dominer la
région. Pendant combien de temps une
telle entité peut-être survivre dans un
environnement hostile ? Ou plutôt, sa
survie ne dépend-elle pas de la
destruction de cet environnement
arabo-musulman ? Ce qui veut dire que la
lutte entre l’entité coloniale sioniste
et son environnement n’est pas une
simple guerre de frontières à dessiner,
mais une lutte pour que le monde
arabo-musulman soit libéré des chaînes
de son assujettissement. C’est en cela
que la Palestine, et al-Jalil par-dessus
tout pour les réfugiés, restent au cœur
de notre libération. Et c’est parce que
al-Jalil vit encore et toujours dans nos
cœurs que nous avons espoir de la
libérer.
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