Chronique
Le revers de la médaille
Chérif Abdedaïm
© Chérif
Abdedaïm
Lundi 14 avril 2014
Bras de fer entre
les axes sunnite et chiite. Bras de fer
entre l’axe américano européen et la
Russie. Un monde en conflit où les
tensions qui animent la scène politique
ne sont basées que sur des intérêts
propres et au diable les principes. Sur
cet échiquier, gars aux perdants. Tout
est question de stratégie. Si les
européens et leurs alliés occidentaux se
sont crus assez intelligent pour
recourir aveuglément aux moyens de
pression économique : embargo, etc ; les
Iraniens ont su mener leur antagonistes
par le bout du nez. Une stratégie de
l’usure en somme qui a fini par payer en
dépit des tentatives sionistes pour
allumer le brasier perse.
Cela dit, l’issue
de sortie iranienne a piégé les
américains et leurs alliés occidentaux
qui se sont retrouvés sur la défensive
compte tenu de leurs prises de positions
aveugles.
En réponse aux
sanctions « internationales », Téhéran
s’est ouvert à la Chine puis à l’Inde au
cours des dernières années. Profitant de
l’absence américaine puis du retrait
forcé des compagnies européennes, la
Chine a conclu un certain nombre
d’accords pétroliers et gaziers avec
l’Iran.
Aidant en cela, les
échecs essuyés par les Occidentaux et
plus particulièrement les américains, en
Syrie et récemment en Ukraine, les ont
amenés à parier sur une menue victoire
diplomatique en Iran, au risque de
affaiblir leurs relations avec le régime
sioniste mais aussi avec l’Arabie
Saoudite.
Acculés, donc, les
américains ont été obligés de revoir
leur politique vis-à-vis de Téhéran. Une
prise de position qui se traduit par
cette bataille économique avec la Chine
à l’ombre des négociations nucléaires.
Alors que
l’avionneur Boeing refait son entrée sur
le marché iranien, les Européens, qui
ont été évincés du fructueux marché
iranien, cherchent, mais un peu tard, à
en obtenir une part.
L’Iran, qui a un
besoin urgent d’investissements, se
présente comme le grand bénéficiaire de
ces tractations. Par cette politique,
Téhéran tâche de mettre en concurrence
les investisseurs chinois, indiens,
américains et européens. Une ouverture
qui semble assez maîtrisée par Téhéran.
Comme le soulignent certains analystes,
« la maîtrise du temps est une donnée
essentielle en Perse, dans la mesure où
la lenteur y est associée à la majesté.
Faute d’avoir pris en compte cette
donnée culturelle fondamentale, les pays
occidentaux auront du mal à construire
une relation durable avec la nouvelle
plaque tournante du Moyen-Orient. »
Par ailleurs, les
Iraniens seraient sur le point de
trouver un nouveau moyen d’exporter une
partie de leur pétrole en signant un
partenariat avec un autre pays visé par
des sanctions économiques. Il s’agit
bien évidemment de la Russie. Selon des
sources bien informées, Téhéran et
Moscou s’apprêteraient à conclure un
accord à 20 milliards de dollars
prévoyant la livraison de 500 000 barils
de brut iranien par jour à la Russie -
durant deux à trois ans - en paiement
pour des équipements russes. Les
discussions - entamées en novembre -
seraient bien avancées, l’agence Reuters
indiquant même mercredi qu’il ne leur
reste plus qu’à s’entendre sur le prix
du
Cet accord,
surnommé « Oil-for-Goods » en référence
au programme « Oil-for-Food » mis en
place par les Nations unies dans les
années 1990 pour éviter que les Irakiens
ne subissent (trop) les sanctions visant
le régime de Saddam Hussein,
représenterait un véritable pied de nez
à Washington et à Bruxelles. En effet,
le pétrole iranien est sous embargo
occidental, tandis que des Russes
proches du pouvoir sont privés d’accès
au système bancaire international depuis
l’annexion de la Crimée. En janvier
déjà, alors que des bruits circulaient
autour d’un tel accord, la
Maison-Blanche avait fait part de sa
« grande préoccupation ». Et indiqué
qu’il risquerait de mettre à mal les
négociations en cours avec l’Iran sur le
dossier nucléaire.
De leur côté, les
Russes, qui ne sont pas liés aux
sanctions visant le pétrole iranien,
voient dans cet accord un moyen
d’acheter du brut bon marché pour leur
consommation intérieure. Ceci leur
permettant ensuite de vendre leur propre
production, aux Européens par exemple, à
un prix plus élevé. « Avant la
Révolution islamique, l’Union soviétique
procédait déjà de la sorte avec le gaz
iranien », souligne Mohammad-Reza
Djalili, professeur honoraire à
l’Institut de hautes études
internationales et du développement à
Genève. Quant à l’Iran, elle fait pareil
avec le gaz qu’elle achète au
Turkménistan pour ses besoins dans le
nord du pays, alors qu’elle vend à la
Turquie celui produit dans le sud.
Cela étant, les
iraniens se retrouvent également en
bonne posture diplomatique dans la
mesure où le Hamas Palestiniens, après
une rupture qui a duré plus de deux ans
compte revenir dans l’axe de Téhéran. Le
10 mars, Mahmoud al-Zahar, figure de
proue du Hamas et dernier lien entre le
Hamas et l’Iran, a annoncé que des
démarches étaient entreprises pour
restaurer la relation bilatérale. Dans
ce contexte, certaines sources proches
de la direction politique du Hamas
avancent que l’Iran envisage aussi de
recevoir bientôt le chef du Hamas,
Khaled Meshaal, après un long bras de
fer marqué par des discussions secrètes.
La source a déclaré que le Qatar a servi
de médiateur avec l’Iran pour rétablir
les liens avec le Hamas.
Cette reprise des
relations entre les deux parties a été
également annoncée le 10 mars dernier
par le chef du Conseil iranien de la
Shura Ali Larijani, qui a dit, « L’Iran
soutient le Hamas parce qu’il s’agit
d’un mouvement de résistance. (...)
Notre relation avec le Hamas est bonne
et elle est revenue à ce qu’elle était.
Nous n’avons aucun problème avec le
Hamas. »
La même source en
question a admis que la tournure des
événements dans la région, suite à
l’éviction de l’ex-président Mohammed
Morsi en Égypte a accéléré l’évolution
des liens Iran-Hamas. L’amélioration des
relations entre le Qatar, soutien des
Frères musulmans, qui abrite Meshaal, et
l’Iran est également un facteur clé dans
le réchauffement des liens entre le
Hamas et Téhéran.
« Bien sûr, les
développements régionaux ont accéléré la
reprise des relations entre le Hamas et
l’Iran, » a ajouté la source.
« Peut-être le plus important de
ces développements est la rupture
brutale entre le Hamas et l’Égypte après
le coup d’État, et la tension entre le
Qatar et l’Arabie Saoudite. Cette
tension a contribué à réchauffer les
relations entre Doha et Téhéran, et a
jeté une ombre sur le Hamas d’une
manière positive. »
Chérif Abdedaïm
Article publié sur
La Nouvelle République
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