Opinion
Algérie: Plaidoyer pour un pays uni
et fasciné par le savoir
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 23 juillet2015
«Ceux qui pieusement sont morts pour
la patrie Ont droit qu'à leur cercueil
la foule vienne et prie. Entre les plus
beaux noms leur nom est le plus beau.
Toute gloire près d'eux passe et tombe
éphémère; Et, comme ferait une mère, La
voix d'un peuple entier les berce en
leur tombeau!» Victor Hugo (Hymne)
Ces belles phrases de Victor Hugo
sont intemporelles, elles s'appliquent
douloureusement bien à notre tragédie
par la perte de nos enfants. En effet,
neuf de nos enfant sont morts dans la
fleur de l'âge fauchés par le destin,
eux qui avaient des rêves plein la tête,
qui de se marier, qui de faire plaisir à
sa maman pour l'envoyer faire une Omra.
Je pense à la détresse de leurs parents
pour qui la fin du monde est arrivée.
Que Dieu les aide à supporter cette
terrible épreuve.
Farah Madaure, du journal Le Soir
d'Algérie, a à sa façon rendu
hommage. Je le cite: «(...) Ne pleurez
pas, mamans de nos héros. Lancez un
youyou debout pour dire à ceux qui se
battent, aux gardes communaux et aux
Patriotes aussi: «C'est nous la
République. Dites aux télés
réactionnaires que l'armée a sauvé le
pays en 1991 et que leur discours
révisionniste en faveur des assassins ne
passera pas!» C'est ça: je l'entends
d'ici ce youyou! Etrange: il a la même
tonalité, la même intensité que ceux de
1957... 1994... Tant que ces
mères-courage seront là, la race des
héros ne s'éteindra jamais!» Maamar
Farah
Le Soir d’Algérie
Nous devons nous recueillir
pieusement à la mémoire de nos chers
enfants disparus pour le confort de
chacun de nous, pour que nous puissions
jouir de la liberté, de la paix, nous
devons leur en être reconnaissants,
chacun à notre façon. Si nous devons
éviter les spectacles de type « Je suis
Charlie » et par mimétisme «Je suis
Bardot » nous devons être dignes de
défiler en silence, chacun chez soi, en
même temps, à la même heure pour
communier tous ensemble avec ceux qui
sont morts pieusement pour la patrie.
Ce que fait
l'armée
Notre armée est sur tous les fronts.
D'aucuns ont reproché à la grande muette
d'avoir été muette 48 heures, c'est de
mon point de vue un mauvais procès car
ce qui est important c'est de tirer les
leçons de cette attaque. Rappelons-nous
que les fréquentes randonnées du
vice-ministre de la Défense, chef
d'état-major, le général de corps
d'armée Ahmed Gaïd Salah, montre, que le
risque sécuritaire est omniprésent, en
Algérie. Il ne cesse de répéter à «ses
troupes» qu'elles doivent se tenir
prêtes à toute éventualité. On ne peut
que se réjouir que la vaillante Armée
nationale populaire digne héritière de
l'ALN assure. Notre armée met tout en
oeuvre pour défendre le pays.
Des achats importants d'équipements
ne doivent pas être marchandés. Il faut
ce qu'il faut. La sécurité du pays est à
ce prix. On apprend que l'Algérie sera
le premier acheteur étranger des
missiles russes S-400. Le S-400 Triumph
(code Otan: SA-21 Growler) est un
système de missiles sol-air de grande et
moyenne portée destiné à abattre tout
type de cible aérienne: avions, drones
et missiles de croisière hypersoniques.
Le système est capable de tirer
simultanément 72 missiles sur 36 cibles
éloignées à une distance de 400 km. (1)
Commentaire d'un internaute: les
Algériens sont des loups entre eux, mais
archi unis contre les menaces
extérieures... on n'a peur de personne
et notre révolution qui n'a que 52 ans a
soudé le peuple du nord au sud, de l'est
à l'ouest.. avec un S-400 en poche,
aucune bombe atomique, aucun chasseur de
l'Otan, aucun drone ne violera l'espace
aérien sacré de l'Algérie. La seule
façon de nous battre ce sont des bombes
atomiques partout... et même comme ça,
tôt ou tard d'autres se lèveront contre
l'injustice.» (1)
Les
adversaires sans éthique ne désarment
pas
Encore une fois après le karcher
après la déchéance de la nationalité qui
visait les beurs et donc indirectement
les Algériens, encore une fois après «
l’homme africain n’est pas entré dans
l’histoire » Nicolas Sarkozy l’ancien
président de la France nous agresse
d’une façon délibérée En déplacement en
Tunisie, estime que la Tunisie a le
malheur de partager sa frontière avec
l'Algérie et la Libye! «Vous n'avez pas
choisi votre emplacement», a-t-il fait
savoir sur un ton ironique et moqueur.
Nicolas Sarkozy exprime une profonde
inquiétude vis-à-vis de l'Algérie. Un
pays qui le préoccupe beaucoup et
suscite en lui de nombreuses craintes.
´´L'Algérie, qu'en sera-t-il dans
l'avenir? De son développement, de sa
situation? C'est un sujet qui, me
semble-t-il, doit être traité dans le
cadre de l'Union de la Méditerranée».
«Il pense, lit-on sur Algérie focus,
que les Tunisiens ont oublié qu'il fut
l'ami de Ben Ali à qui il avait proposé
l'aide sécuritaire au plus fort du
Printemps arabe, comme il fut celui d'El
Gueddafi le temps d'une campagne
électorale, dont les casseroles nous
livrent petit à petit les subtilités de
l'amitié en politique. Quelqu'un
pourrait-il lui répondre que si la
Tunisie est à la mauvaise place entre la
Libye et l'Algérie, M. Sarkozy, lui, est
à la bonne place entre Eric Zemmour et
Finkielkraut. C'est avec ces deux-là
qu'il pétitionne dorénavant. Peut-être
pense-t-il les recycler en stratèges
militaires, comme il l'a fait avec BHL,
pour son expédition en Libye. (...) s'il
devait revenir un jour au pouvoir,
comment s'y prendrait-il pour prétendre
à une place de partenaire dans le
développement de l'Algérie?» (2)
Quant aux officiels tunisiens qui
l'ont accueilli avec chaleur il y a une
énigme; autant nous avons une empathie
pour le petit peuple qui souffre, autant
nous sommes scandalisés par le discours
à géométrie variable de ses dirigeants,
notamment le président qui n'a jamais
porté l'Algérie dans son coeur.
Souvenons-nous de Bourguiba et de sa
borne 233 qu'il est allé négocier en
vain avec De Gaulle. Les Tunisiens
doivent se satisfaire du discours
haineux de Sarkozy dont le père
légionnaire à sévi à Bel Abbès. «Vous
avez des voisins que vous n'avez pas
choisi» une allusion qui les exonère de
ce qui se passe chez eux en faisant
l'impasse sur les milliers de Tunisiens
qui ont rejoint Daesh. Sarkozy parle
ainsi de l'Algérie en Tunisie, c'est
qu'il surfe sur l'air du temps, il
aurait eu vent de ce qui se dit a Tunis.
D'ailleurs, sur une chaîne française, la
vice-présidente de la Ligue
internationale des droits de l'homme qui
est tunisienne, a dit que le terrorisme
en Tunisie lui vient de la situation en
Algérie. Nous aurions pensé que les
officiels tunisiens fassent le minimum
syndical en protestant comme ils savent
bien le faire en finesse non pas pour
nous défendre, nous sommes assez grands
pour le faire, mais au moins pour
témoigner que dans les coups durs c’est
le voisin que l’on trouve pour boucler
des fins de mois ou pour faire un
ratissage, ce n’est certainement pas
Sarkozy le pyromane
S'agissant de justement de Sarkozy,
nous n'avons rien à attendre d'un
personnage aussi détestable qui nous
fait détester cette morgue chez les
Français qui avec toujours la mentalité
coloniale dicte la norme, sans un
minimum d'éthique en politique.
Souvenons-nous d’un de ses méfaits: On
apprend, qu'il aurait été tenté
d'utiliser les relents nostalgiques de
certains Français. Les faits remontent à
2012, durant la campagne présidentielle
qui a vu François Hollande prendre la
tête de l'Etat français. Le candidat UMP
était alors conseillé par Patrick
Buisson, ancien journaliste d'extrême
droite. Ce dernier, lui aurait glissé
l'idée de «dénoncer les accords d'Evian»
ainsi que de «revenir sur le titre de
séjour spécifique dont bénéficient les
ressortissants algériens depuis ces
accords». Une idée à laquelle Nicolas
Sarkozy était très réceptif, envisageant
même d'en parler lors d'un passage sur
la chaîne France 2 avant de se
rétracter»...(3) Chiche !
L'union
sacrée des Algériens
Devant ces nuages qui s'accumulent au
plan économique et sécuritaire et ces
provocations qui ne sont pas innocentes,
plus que jamais, l'union sacrée. Je fais
mien cette analyse de Saïd Boucetta qui
résume mieux que mille discours et d'une
façon pertinente les défis de l'Algérie:
«Des signaux forts doivent être envoyés
à la société par les leaders des partis
au pouvoir et ceux de l'opposition.
L'attentat de Aïn Defla vient rappeler à
l'opinion nationale la complexité de la
situation sécuritaire qui prévaut dans
le pays. l'activité terroriste de ce
jour d'Aïd El Fitr, impose une
conjoncture exceptionnelle au double
plan sécuritaire et économique qui
appelle la plus grande vigilance de tous
les acteurs de la société. Que ce soient
les partis politiques, les syndicats ou
encore le patronat, l'ensemble des
organisations doivent montrer une
solidarité sans faille pour affronter
les quatre ou cinq prochaines années,
inscrites sous le signe de la déprime
économique et de la menace terroriste
permanente. Les prochaines années seront
difficiles. (...) (4) »
« Le marasme économique générera
immanquablement un malaise social,
terreau fertile pour le développement du
discours salafiste aux accents
terroristes. La situation régionale
n'appelle pas à l'optimisme avec une
Tunisie fragilisée, une Libye disloquée,
un Maroc revanchard et pourvoyeur des
terroristes en drogue. C'est dire qu'au
niveau sécuritaire, le risque d'une
sérieuse dégradation n'est pas à
écarter, même si les éléments de l'Armée
nationale populaire et les autres corps
de sécurité accomplissent parfaitement
bien leur mission(...) Des signaux forts
doivent être envoyés à la société par
les leaders des partis au pouvoir et
ceux de l'opposition. Les spécialistes
de la chose politique imaginent une
sorte de grande conférence nationale
pour la stabilité et la solidarité. Il
s'agit de montrer un visage uni et fort
face au double défi qui attend
l'Algérie. (...) Cette union sacrée sera
certainement difficile à obtenir, en
raison des suspicions, mais elle est
nécessaire pour éviter de retomber dans
la tragédie des années quatre-vingt-dix,
recommandent les observateurs».(4)
Qui
sommes-nous en tant qu'Algériens?
Il est curieux de constater que les
intellectuels que nous sommes sont plus
enclins à signer des pétitions que de se
sentir interpellés par des causes
autrement plus importantes. Plus que
jamais nous devons nous unir pour
conjurer les périls. L'effritement
identitaire est un projet planétaire,
notamment décrit dans le rapport Lugano
qui postule en direction des nations
faibles; les citoyens de ces pays
doivent passer leur temps à se demander
ce qu'ils sont, qu'à se mettre au
travail, à s'instruire, à s'éduquer.
Nous ne nous sommes jamais posés la
question de savoir ce que nous sommes
réellement. Qu'est-ce qu'être algérien
au XXIe siècle? Plus que jamais nous
sommes victimes d'un Rapport conçu par
l'Empire et dont le message global est
celui de provoquer l'errance identitaire
qui touche à des degrés divers tous les
pays et d'une façon dangereuse les pays
vulnérables. Sommes-nous algériens par
la naissance, par la religion, par
l'ethnie ou par la présence lointaine
dans le pays? Toutes ces questions
attendent d'être résolues. Sommes-nous
une nation? Nous sommes en 2015, il y a
encore des Algériens qui s'identifient à
leurs tribus, leurs régions, leurs
quartiers, mais jamais en tant
qu'Algériens. Comment conjurer les
démons de la division et aller vers le
vivre-ensemble? Renan formule l'idée
qu'une nation repose à la fois sur un
héritage passé qu'il s'agit d'honorer,
et sur la volonté présente de le
perpétuer. L'avènement d'une nation
passe par une Histoire assumée par tous.
La nation devrait être un plébiscite
de tous les jours selon la belle
formule de Renan.
En définitive, qu'on prenne garde! La
bête immonde de la partition qui a eu
raison de civilisations millénaires
aussi prestigieuses, comme l'Irak, la
Syrie, ne nous fera pas de cadeaux. Le
jacobinisme en Algérie a montré ses
limites. Il nous faut imaginer un modèle
de vivre-ensemble qui libère les
initiatives par une décentralisation
intelligente. Les partis politiques ont
une mission historique, celle de
contribuer à sauver le pays. Le peuple
se souvient le moment venu de ceux qui
jouent les Ponce Pilate alors que le feu
est dans la maison.
Comment
souder cette nation?
Nous devons tout faire pour favoriser
le vivre-ensemble par le brassage qui
permettra aux Algériennes et aux
Algériens de se connaître et de
s'estimer et de se sentir solidaires
envers le pays et envers l'Histoire. Les
opportunités suivantes peuvent être
mises en oeuvre. Sur le plan
scientifique par des compétitions
scientifiques en développant le sport à
l'université et à l'école en favorisant
les compétitions scolaires et
universitaires, inter-lycées,
inter-villes inter-wilayas, l'Algérie
sera alors une immense ruche où
l'appartenance identitaire à l'algérianité
sera tout à fait naturelle. Sur le plan
culturel par la mise en place de
semaines culturelles inter-wilayas.
Enfin, l'immense rôle du Service
national véritable creuset de la nation
qui a fait ses preuves par le passé dans
ce brassage et dans l'édification du
pays (Barrage vert, Transsaharienne,
1000 villages, et prise en charge de
notre destin pétrolier en 1971).
Pour moi, tout est une question
d'éducation; le meilleur capital, la
meilleure richesse de ce pays consiste
en la mise en place graduelle d'un
système éducatif performant. Rien ne
doit être refusé à la formation, à la
recherche. Quelle que soit la santé
financière du pays, nous devons former
et protéger l'élite en y mettant les
moyens. Nous ferons émerger des lycées
d'excellence, des Ecoles d'ingénieurs
d'excellence, des Ecoles de médecine, de
droit, de sciences économiques
d'excellence. Nous devons de plus en
plus récompenser l'effort et le mérite,
faire émerger les légitimités du savoir,
de la compétence seuls critères pour
avancer dans un monde de plus en plus
compétitif qui ne fait pas de place aux
faibles.
En définitive, la plus grande
richesse du pays est sa jeunesse à qui
nous devons expliquer les enjeux pour la
faire participer aux défis du pays. Nous
sommes convaincus que nous devons
mobiliser les jeunes autour d'un défi,
celui d'aller à la conquête du savoir.
Nous devons faire émerger une conscience
d'appartenir à un grand pays avec une
histoire prestigieuse de plus de 3000
ans. Les défis exaltants auxquels est
confronté le pays nous commandent d'être
unis pour les grandes causes, il s'agir
d'assurer à l'Algérie de garder sa place
dans le concert des nations et de
préparer l'avenir.
Toujours dans le recueillement, ces
vers tirés des Misérables toujours du
grand Victor Hugo sont tout à fait
appropriés pour chacun de nos enfants
martyrs parti trop tôt
«Il dort. Quoique le sort fût
pour lui bien étrange,
Il vivait. Il mourut quand il n'eut plus
son ange;
La chose simplement d'elle-même arriva,
Comme la nuit se fait lorsque le jour
s'en va.»
1.
http://fr.sputniknews.com/defense/20150721/1017136748.html#ixzz3gaqixVFy
2.
http://www.algerie-focus.com/blog/2015/07/sarkozy-lance-une-fatwa-sur-lalgerie/#sthash.hdsRYGNh.dpuf
3.
http://www.alterinfo.net/notes/France-Algerie-Nicolas-Sarkozy-a-failli-denoncer-les-accords-d-Evian_b7580371.html
4.Saïd Boucetta
http://www.lexpressiondz.com/actualite/220894-l-union-sacree-des-algeriens.html
Article de référence :
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/221177-plaidoyer-pour-un-pays-uni-et-fascine-par-le-savoir.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
enp-edu.dz
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