Algérie en phase
avec le mouvement du monde
Pour une révolution énergétique
verte :
Une seconde indépendance
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Lundi 3 juillet 2017
«Il nous faut une 3ème indépendance
qui est l'indépendance des neurones, de
la science, c'est une indépendance qui
fait qu'on soit une nation qui ne dépend
pas des énergies fossiles,
»
Professeur Chems-Eddine Chitour.
Dans
cet interview le professeur Chems-Eddine
Chitour appelle à une Algérie qui fait
du Développement Humain Durable « sa
boussole » pour sortir de cette
addiction.» Le professeur nous explique
dans cette interview comment les
Algériens, gouvernement et peuple,
doivent-ils impérativement s'engager en
faveur de ce qu'il qualifie de
«révolution énergétique. » Il pense que
la révision des subventions constitue
une partie de cette lourde
problématique.
Interview Le
quotidien d'Oran Suite
Prof. C.E. Chitour
Q.O.:
Pensez-vous qu'il faut imposer dès à
présent aux usines de montage
automobiles une production durable pour
aider le pays à faire sa transition
énergétique ? Les constructeurs
automobiles accepteraient-ils de marcher
dans ce choix?
Pr. Chitour :
Le problème est plus complexe. Il y a 6
millions de véhicules environ. Cela veut
dire qu'au moins les trois quarts des
Algériens n'y ont pas accès. En
clair, on enrichit les riches en bradant
l'essence et le diesel au cinquième de
leur valeur. Ce dont ont besoin les
citoyens lambda, c'est un réseau de
transport qui met la possibilité à la
portée de toutes les bourses. De plus,
le réseau de transport électrique est
moins énergivore surtout s'il utilise
une électricité renouvelable. Il ne
consommera pas de l'essence qui sera
disponible pour les générations futures.
Enfin, s'il est nécessaire de mettre en
place les jalons d'une industrie
automobile pourquoi ne pas profiter du
boom mondial de la voiture électrique ?
Nous gagnerons sur tous les plans.
D'abord en préservant le pétrole pour
les générations futures, en ne polluant
pas en utilisant une électricité
renouvelable.
Nous gagnerons une
étape. Il est prévu que dans une
quinzaine d'années, il y aurait 400
millions de voitures électriques ! De
plus, le diesel tend à être abandonné en
raison de sa nocivité. Volkswagen pense
le supprimer après 2025. Ce constructeur
va mettre sur le marché 11 modèles
électriques. Pourquoi ne pas lui
demander de nous aider dans la mise en
place d'une industrie de la voiture
électrique ? La Golf7 électrique ne
coûte pas plus cher que la Golf7
thermique. De même avec Renault, la
voiture électrique Zoe est montée en
Israël. Nous, nous avons une voiture
roumaine recyclée. Enfin, Hyundai est un
des leaders des voitures électriques.
Pourquoi
continuons-nous à être toujours en
retard d'une guerre ? L'Algérie
ne doit pas rater cette révolution. Dans
les transports, il faut compter que 25%
de notre parc de voitures sera
électrique. Il faut donc préparer la
société à cela. Le déclic a été donné en
2014. Actuellement, 2 millions de
voitures dans le monde sont électriques.
En 2030, on prévoit 35% de 80 millions
de voitures faites qui seront
électriques. Imaginons que 25% de notre
parc (nous aurons près de 11 millions de
voitures) sera électrique, cela veut
dire qu'on diminuera la consommation
d'essence qui sera soit vendue ou
laissée pour les générations futures. En
tout état de cause, le carburant sera de
plus en plus renouvelable, c'est-à-dire
qu'il proviendra des panneaux
photovoltaïques, du vent, de la biomasse
ou de l'énergie hydraulique, on va donc
déplacer la situation. Nous ambitionnons
de faire le montage de voitures
consommant de l'essence ou pire du
diesel Qu'allons-nous faire du GPL (Sirghaz)
dont nous peinons à transformer 30.000
véhicules an ? N'aurait-il pas été
judicieux de miser dans le cadre du
montage sur des véhicules à double
carburation ?
Q.O.: Le
ministère du Commerce a-t-il, selon
vous, les outils qu'il faut pour pouvoir
être sélectif dans l'importation des
équipements polluants et imposer ceux
issus des technologies propres ?
Pr. Chitour :
Il y a nécessité rapide d'édicter des
normes de consommation. Par exemple ne
plus importer d'appareils électriques
au-delà du A. Entre le A et le G la
consommation de l'appareil double. Il en
est de même des voitures ; il est
important de ne plus importer des
voitures thermiques, dans l'attente
d'une transition graduelle vers la
voiture électrique- qui dépasse les 110
ou 120g de CO2/km. La norme
européenne va descendre à 100 ou même à
95 g de CO2/km. Les voitures
que nous importons consomment en moyenne
15 à 20 % d'énergie en plus. En parlant
de pédagogie, l'ancien ministre du
Commerce par intérim a dans une émission
«secoué le cocotier » sur les
importations inutiles (200 millions de
dollars en mayonnaise ketchup et autre
moutardes). C'est le même langage
pédagogique, du parler vrai, concernant
les économies d'énergie qui doit
prévaloir.
Q.O.: La réforme des subventions (et
par conséquent leur réduction) que vous
avez évoqué plus haut a été
officiellement annoncée par le
gouvernement (étude élaborée par la
Banque mondiale). Qu'elle est votre
approche à ce sujet ?
Pr. Chitour :
Les subventions ne sont qu'une partie
de la problématique. Le retrait des
subventions qui est nécessaire (il
serait de 10 milliards de dollars
uniquement dans l'énergie) doit être
précédé d'une vision d'ensemble. Il faut
expliquer dans le cadre d'états généraux
la nécessité d'une Transition
Energétique vers le Développement Humain
Durable qui ne laisse personne sur le
bord de la route mais qui passe par les
économies d'énergie.
Il faut aussi expliquer le juste prix et
comment les couches à faible pouvoir
d'achat ne seront-elles pas lésées.
Etant entendu que tout le monde doit
sortir de l'ébriété énergétique et aller
vers la sobriété (�al kanna'a).
Q.O.: Vous
soutenez que l'école est cet autre ou ce
premier partenaire sur lequel les
pouvoirs publics doivent compter pour
inculquer la culture du non-gaspillage
et du respect de l'environnement.
L'apprentissage en la matière doit-il se
faire dès les classes primaires ?
Pr. Chitour : La
transition énergétique requiert une
culture citoyenne qui doit prendre son
essor au sein de la cellule familiale,
ensuite à l'école. Le développement
humain durable pourra- en être
l'aboutissement
Avoir une
nouvelle vision du futur du bien commun
, de la sobriété en tout passe par
l'éducation, la citoyenneté et faire
preuve d'imagination Il faut, pour
cela, former, réhabiliter les formations
d'ingénieurs. Les Algériens sont
capables de faire le saut qualitatif
pour pouvoir réussir cette transition
énergétique. Après l'école, au lycée il
est nécessaire de penser à un
baccalauréat du Développement humain
durable qui pourra déboucher sur les
métiers du Développement Durable dans le
supérieur et dans la formation
professionnelle. Des états généraux
permettront d'expliciter les enjeux du
futur et l'adhésion des citoyens est
capitale. Ce sont eux qui auront à vivre
et à faire des économies. Il faut
beaucoup de pédagogie, il faut que les
médias parlent de ça, il faut que les
députés soient instruits de cela et ceci
sans provocation, leur expliquer le
développement durable. Ils doivent
connaître les enjeux du pays. Nous
sommes des «égo» citoyens, nous devons
tendre à être des éco-citoyens.
L'écocitoyenneté est un combat qui
commence à l'école, il est nécessaire de
faire beaucoup de pédagogie, expliquer
les enjeux du développement durable.
La
nationalisation des hydrocarbures a été
une deuxième indépendance car l'Algérie
a décidé ce jour-là de prendre en charge
son destin pétrolier. Nous sommes en
2017, il nous faut une 3ème indépendance
qui est l'indépendance des neurones, de
la science, c'est une indépendance qui
fait qu'on soit une nation qui ne dépend
pas des énergies fossiles. Il faut donc
éduquer la jeunesse et faire en sorte
qu'on puisse avoir un destin commun et
expliquer ce qu'on doit faire pour
réussir une nouvelle révolution, et
faire en sorte que l'Algérie garde son
rang dans l'échelle des nations. «C'est
tout le pari que nous devrions relever »
Cette fête de l’indépendance est
aussi la fête des jeunes.
Bonne fête à la jeunesse en qui survit
la quête de la vérité
Interview Réalisée
Par Ghania Oukazi
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5246355
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
Alger
Publié le 7 juillet 2017 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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