Les enjeux
de la vie internationale
Israël Etat juif ? Le refus d’Abbas et
Netanyahu
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Vendredi 4 avril 2014
C’est le conflit fondamental qui bloque les
négociations entre Israël et l’OLP :
Benjamin Netanyahu exige de Mahmoud
Abbas qu’il reconnaisse la nature juive
de l’État d’Israël. Le président
palestinien refuse, soutenu en cela par
la Ligue Arabe. Quels sont les faits et
les arguments des deux parties. Voici
des réponses.
La nature juive d’Israël selon Ben Gourion
C’est bien un État juif que David Ben Gourion a proclamé le 14 mai 1948.
Extrait de la déclaration d’Indépendance
: « Nous, membres du conseil national
représentant le peuple juif d’Israël et
le mouvement sioniste mondial, réunis
aujourd’hui, jour de l’expiration du
mandat britannique, en assemblée
solennelle et en vertu des droits
naturels et historiques du peuple juif,
ainsi que de la résolution de
l’Assemblée générale des Nations unies,
proclamons la fondation de l’État juif
dans le pays d’Israël, qui portera le
nom d’État d’Israël. » En l’occurrence,
celui qui était ce jour-là encore
Président de l’exécutif de l’Agence
juive cite la résolution 181 de
l’Assemblée générale des Nations unies,
votée le 29 novembre 1947. Le texte
stipulait le partage de la Palestine en
un État juif, un État arabe, et une zone
« sous régime international particulier
».
Ben Gourion expliquait ainsi la nature
juive de l’état dans une lettre envoyée
à Simon Rawidowicz, un universitaire
américain, David Ben Gourion expliquait
: « Le nom Israël établit la
différence entre le peuple juif
souverain dans sa patrie appelée Israël,
et le peuple juif dans le [reste] du
monde. […]. La présence d’Arabes
musulmans et de chrétiens, appelés
Israéliens, ne change rien à ce fait
fondamental : Israël est le nom de
l’État juif, comme l’a décidé le peuple
souverain. L’Amérique se qualifie
d’occidentale” à présent que tout le
monde parle d’un axe Est Ouest, et le
fait qu’il y ait des citoyens chinois en
Amérique n’y change rien. Le lien entre
l’État et le peuple juif, son passé et
son avenir est gravé dans la déclaration
d’Indépendance, dans les lois de l’État
et dans le cœur de la nation. Chaque
Juif, dans le monde, est un citoyen
israélien en puissance, qui peut le
devenir dans les faits lorsqu’il émigre
en Israël. Ceux qui ne veulent pas
émigrer ne peuvent pas participer à la
souveraineté juive. […] » (Cité dans
: Simon Rawidowicz, Babel Ve
Yeroushalaym , vol. 2, Londres, Ararat,
1956, p. 873-873. ) J’ai publié ce texte
dans mon livre « Au nom du Temple ».
L’OLP et Arafat
Cela posé, lors des négociations de Camp
David en septembre 1978, Menahem Begin,
n’a pas exigé d’Anouar el Sadate qu’il
reconnaisse la nature juive d’Israël. Le
traité de paix conclu, en 1979, entre
les deux pays n’en fait pas mention. Il
en est de même pour la paix avec la
Jordanie, signée en octobre 1994. Le
président égyptien et le souverain
hachémite ont signé des traités avec
l’État juif tel que Ben Gourion l’a
proclamé…
Pour sa part, Yasser Arafat a, le 9
septembre 1993, quelques jours avant la
signature des accords d’Oslo à la
Maison-Blanche, envoyé une lettre à
Yitzhak Rabin où on pouvait lire : «
L’OLP reconnaît le droit de l’État
d’Israël à l’existence dans la paix et
la sécurité.. » L’organisation
palestinienne s’engageait également à
annuler les articles de la Charte
palestinienne qui rejettent le droit
d’Israël à l’existence. Etc. . Ce que
les instances de l’OLP feront à deux
reprises, à Gaza le 24 avril 1996 puis à
nouveau en présence du Président
américain Bill Clinton le 14 décembre
1998. En fouillant sur le web, on trouve
une déclaration d’Arafat, lors d’une
conférence de presse le 8 décembre 1988,
après une rencontre avec une importante
délégation juive : « Nous acceptons
deux états, l’État de Palestine et
l’État juif d’Israël ». Aussi, en
juin 2004, dans une interview à Haaretz
: « Je comprends absolument qu’Israël
doit préserver sa nature d’État juif
» À l’époque, le général Amos Malka,
commandant des renseignements militaires
affirmait qu’Arafat accepterait un
compromis sur le retour en Israël de 20
à 30000 réfugiés palestiniens.
Le refus d’Abbas
Alors, pour quelle raison Mahmoud Abbas
refuse-t-il aujourd’hui de le
reconnaître ? La réponse se trouve dans
ce texte de l’équipe d’experts
palestiniens qui suit les négociations.
Le 16 novembre 2007, ils ont soumis des
arguments à leur direction. Extraits : «
[…] Israël a été globalement reconnu
comme État souverain par l’OLP. Sa
souveraineté n’est pas mise en doute.
C’est la souveraineté palestinienne qui
est mise en doute et les négociations
doivent mener à la fin de l’occupation
et du conflit. […] Aucun traité de paix
n’a été conclu avec des pays arabes,
caractérisant Israël comme juif. Israël
a été admis à l’ONU en qualité « d’État»
pas en tant « qu’État juif ». […] Les
États Unis et d’autres états ont reconnu
l’État d’Israël, pas l’État juif. […] La
définition de « qui est Juif » fait
l’objet d’un intense débat à l’intérieur
d’Israël [qui n’a pas encore été
tranché] … Israël a été établi sur la
base de la résolution 181 qui
définissait des frontières sur une base
démographique (où la majorité des Juifs
habitaient leur état). C’est totalement
différent des frontières discutées
aujourd’hui. Si Israël souhaite
reconsidérer la question, il faudrait
alors renégocier le statut de l’ensemble
de la Palestine historique […]
Reconnaître Israël comme un État juif,
surtout avant un accord sur la frontière
définitive entre les deux pays, pourrait
renforcer les revendications de
souveraineté sur l’ensemble de la
Palestine historique. » Pour les
autres arguments palestiniens il faut
aller sur ce site :
http://www.ajtransparency.com/en/...
Et Netanyahu
Pourquoi a-t-il besoin de l’accord des
Palestiniens dans la définition d’Israël
? Les cyniques de gauche considèrent que
le Premier ministre pose cette condition
à tout accord sur la création d’un état
palestinien sachant que Mahmoud Abbas ne
l’acceptera jamais. Du pur point de vue
de la communication, c’est un argument
formidable. La quasi-totalité du public
israélien, mais aussi pour de nombreux
dirigeants israéliens, y compris la
majorité du congrès américains, le
Président palestinien en refusant de
reconnaître Israël comme État juif,
prouve qu’il ne veut pas la paix. Cela
est rejeté par une partie de la gauche
israélienne qui estime n’avoir pas
besoin de l’accord des palestiniens pour
définir la Judaïté d’Israël.
John Kerry, le secrétaire d’état a
finalement réalisé le problème que
posait cette exigence de Netanyahu. Le
13 mars dernier, dans une déclaration
devant la commission des relations
étrangères de la Chambre des
représentants à Washington, il a déclaré
: « C’est une erreur que de soulever
cette question à nouveau et à nouveau.
Elle a été résolue en 1947 par la
résolution 181 où l’état juif est
mentionné à 30 à 40 fois. Et puis, le
Président Arafat a confirmé en 1988 et
en 2004 qu’il était d’accord avec la
notion d’État juif » Pour les États
Unis, Israël est un État juif.
La question sera à nouveau soulevée si,
un jour, le processus de paix reprend.
Pour l’heure, on en est loin.
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