Les enjeux de la vie internationale
John Kerry
et le temps des décisions
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Samedi 4 janvier 2014
John Kerry ne connaît apparemment pas ce
vieux proverbe yiddish : « Il ne faut
pas mettre une tête saine dans un lit
malade ! ». En tout
cas, c’est la dixième fois que le
Secrétaire d’état est revenu dans la
région tenter de faire avancer les
négociations israélo-palestiniennes.
Benjamin Netanyahu a tenu parole et
ordonné la libération de 26 détenus
palestiniens. C’était le troisième
groupe des 104 Palestiniens condamnés
pour des attentats avant la signature
des accords d’Oslo en septembre 1993,
qu’il s’était engagé à libérer. Cela,
dans le cadre de l’accord conclu par
Kerry avec les parties pour la reprise
du processus de paix. D’après ce que
l’on sait, Mahmoud Abbas avait promis de
ne pas présenter le problème de la
colonisation devant la Cour pénale
internationale de La Haye. Le Premier
ministre israélien avait, lui, trois
possibilités. Accepter la ligne de 1967
comme référence dans les pourparlers ;
geler la colonisation, ou – c’est ce
qu’il a choisi - libérer des prisonniers
palestiniens.
La tribu de Netanyahu
Au cours de son séjour, Kerry voudrait
négocier un projet d’accord cadre sur
les principaux dossiers : Jérusalem Est,
les frontières, les réfugiés.
Quelle est la probabilité pour
qu’il réussisse ? Très faible, estiment
les commentateurs. Peter Beinart, par
exemple. Après avoir fermé son excellent
site « Open Zion », et intégré la
rédaction de Haaretz, il livre l’analyse
suivante : « Même si Kerry parvient à
persuader les leaders israéliens et
palestiniens d’accepter un accord-cadre,
il y a peu de chance pour qu’il soit
appliqué. En fin de compte, Benjamin
Netanyahu dirige un parti dominé par des
gens opposés à la création d‘un état
palestinien. ( …) Pour lui, accepter le
principe d’un état palestinien viable
avec Jérusalem Est pour capitale
signifierait perdre le soutien de sa
base politique, ce qu’il a toujours
refusé de faire. Dennis Ross rappelle,
dans ses mémoires, comment Netanyahu lui
avait expliqué qu’un leader ne peut
jamais abandonner sa tribu. »
Vers un état binational ?
De fait, livré dans ma boîte aux
lettres, ce vendredi, j’ai reçu un
journal en anglais, intitulé « Sovereignty »,
Souveraineté. Oui ! Il s’agit ni plus ni
moins que de placer la Cisjordanie
formellement sous la souveraineté
israélienne. On y trouve un éditorial
dans ce sens, signé par le député
Likoud, Yariv Levin, qui préside la
coalition gouvernementale à la Knesset.
Deux pages sont consacrées
au dernier ouvrage de la très
néoconservatrice, Caroline Glick. La
solution israélienne au conflit, ce
serait, selon elle, un état binational
dans lequel les Palestiniens auraient
« de véritables droits civiques ». Et le
problème démographique ? Les Juifs ne
risquent-ils pas de devenir minoritaires
dans ce grand Israël ? Non ! Répond
Yoram Ettinger, ancien consul général
aux États Unis, la démographie, dit-il,
est en faveur des Juifs. « Si l’état
d’Israël fait un effort et encourage
l’immigration, un demi-million de Juifs
viendraient au cours de la prochaine
décennie ce qui conduirait à une
majorité juive de 80% d’ici 2035 ! » A
voir.. Pour l’heure les immigrants ne se
pressent pas au portillon. Même si les
responsables de l’Agence juive rêvent de
faire venir en Israël des dizaines de
milliers de Juifs de France.
Le chemin de la catastrophe
Alors, Nahoum Barnéa, le principal
éditorialiste de Yediot Aharonot a sonné
le tocsin. En une de son quotidien,
lundi dernier, il a lancé un appel à
Benjamin Netanyahu : « Cinq de ses
prédécesseurs, Begin, Rabin, Barak,
Sharon et Olmert ont choisi la voie
politique. Begin en faisant la paix avec
l’Égypte, Rabin en signant les accords
d’Oslo, Sharon en décidant le retrait de
Gaza, Barak et Olmert en proposant des
solutions politiques au partenaire
palestinien. (…) Ils l’ont fait en
réalisant que l’intérêt de l’état
d’Israël ne s’arrête pas à la terre. La
décision dépend uniquement de Netanyahu.
Il peut choisir de suivre leur exemple
où prendre aveuglément la voie
empruntée avec arrogance par Golda
Meir, et qui a conduit à la catastrophe
de la guerre de Kippour »
Il n’y a pas d’alternative.
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