France-Irak
Actualité
Libye : une parodie de tribunal condamne
à mort Saif Kadhafi
Bill Van Auken
Jeudi 30 juillet 2015
Par Bill Van Auken (revue
de presse :
wsws.org – 30/7/15)*
Mardi, un tribunal contrôlé par une
milice islamiste à Tripoli a condamné le
fils de Mouammar Kadhafi, le chef de
l’État libyen assassiné, et huit autres
à mort par peloton d’exécution.
Abdallah Senoussi, l’ancien chef des
renseignements de Kadhafi, et deux
anciens premiers ministres, Baghdadi
Mahmoudi et Abuzed Dorda sont également
parmi les condamnés à mort.
Huit autres anciens responsables ont
été condamnés à la prison à vie dans le
procès de masse, tandis que sept ont été
condamnés à des peines de prison de 12
ans. Quatre ont été acquittés.
Saif Kadhafi, largement considéré
comme le deuxième personnage le plus
puissant de l’ancien régime, a été fait
prisonnier alors qu’il tentait de fuir
la Libye en novembre 2011. Après six
mois de guerre, des États-Unis-OTAN
avaient réussi à renverser son père, qui
avait été capturé, torturé et assassiné
par des miliciens islamistes le mois
précédent.
Hillary Clinton, la secrétaire d’État
à l’époque, maintenant la favorite pour
l’investiture démocrate à l'élection
présidentielle, s'est vantée du meurtre
horrible et a déclaré en riant : «
Nous sommes venus, nous avons vu, il est
mort. »
Saif Kadhafi a été jugé par
contumace, car il est détenu par une
milice à Zintan qui rejette l’autorité
du régime de Tripoli. Tripoli est
contrôlée par une milice islamiste, l’Aube
Libyenne, depuis un an, quand cette
dernière a chassé le Conseil des
députés, élu lors d'une élection de juin
2014 à laquelle à peine 18 pour cent de
l’électorat a participé. Le conseil a
fui à Tobrouk, d'où il ne contrôle
qu'une petite partie du pays, mais il
est toujours reconnu internationalement
comme le gouvernement de la Libye.
Des responsables de l'ONU, des
groupes de droits de l’homme et même le
régime croupion exilé à Tobrouk ont tous
condamné le procès et le verdict comme
illégitimes.
Bien que présenté comme un règlement
de comptes entre la « révolution »
proaméricaine et l’ancien régime, le
procès n'a été qu'une indication de plus
de la désintégration de la Libye depuis
la guerre lancée contre le pays il y a
quatre ans. La guerre civile qui perdure
en Libye, qui a tué des milliers de
personnes et a transformé des millions
en réfugiés, a largement éclipsé le
drame judiciaire truqué, qui s'est
déroulé au milieu de l'indifférence
populaire en Libye.
Les anciens responsables ont été
accusés de meurtres et de répression sur
la période juste avant l'intervention
des États-Unis et l'OTAN, qui a été
promue comme une intervention pour
sauvegarder les « droits de l'homme
» et éviter un massacre
prétendument imminent à Benghazi, une
ville qui avait été envahie par les
rebelles islamistes soutenus par les US.
En réalité, il n’y avait aucune
preuve qu’un tel meurtre de masse ait
été en cours de préparation. Finalement,
dix fois plus de personnes sont mortes
pendant les bombardements de l’OTAN et
les attaques des milices islamistes
qu'aux mains des forces gouvernementales
dans les affrontements précédant
l’intervention.
Dire des procédures au courant
desquelles Saif Kadhafi et les autres
anciens responsables ont été condamnés
qu'elles étaient une parodie relève de
l'euphémisme. Kadhafi n'était même pas
dans la salle d'audience. Il n' pu
suivre les débats par vidéo que trois
fois au début du procès il y a plus d'un
an.
Aucune preuve impliquant les prévenus
individuels dans des actes criminels n’a
été présentée ; les avocats qui
défendaient Kadhafi n'ont pu
publiquement interroger aucun témoin.
Les seules témoignages étaient des aveux
extorqués sous la torture.
Certains des accusés, dont Senussi,
ne disposaient même pas d'avocats. Ceux
qui avaient un avocat en ont été privés
d’accès. Les avocats de la défense se
sont vu refuser des documents de base,
tout en faisant face à des menaces et
même des agressions physiques.
Un moniteur du procès de l'ONU a même
été fait prisonnier par des miliciens
dans la salle d'audience et accusé de
pratiquer la magie noire.
John Jones, l’avocat de Saif Kadhafi,
nommé par la Cour pénale internationale,
a dénoncé la procédure comme un «
procès-spectacle complet, une farce. »
« Ce procès est effectivement
géré par les milices de l’Aube Libyenne
», a-t-il déclaré. Les procureurs,
a-t-il ajouté, « se fondent sur des
aveux des accusés arrachés sous la
torture. Ceci a été condamné même par le
ministère de la Justice de la Libye
comme illégal. »
Basé à Londres, l’avocat de Senoussi,
Ben Emmerson QC, qui s'était aussi vu
refuser l’accès à son client, a publié
une déclaration accusant « l’extrême
peur, l’insécurité et l’intimidation »
qui ont dominé le procès. « La peine
de mort qui vient d’être prononcée
contre Abdullah al-Senoussi est la
décision la plus déplorable d'une
affaire dans laquelle chacun de ses
droits fondamentaux à un procès
équitable et une procédure régulière ont
été complètement ignorés, » a-t-il
ajouté.
Cette parodie de procès ne sert que
de preuve supplémentaire des véritables
crimes contre la Libye qui doivent
encore être poursuivis – ceux commis par
le président américain Barack Obama, le
président français Nicolas Sarkozy et le
Premier ministre britannique David
Cameron, qui ont lancé une guerre
agressive pour renverser le gouvernement
libyen et piller ses richesses
pétrolières, la plus grande réserve
prouvée sur le continent africain.
Ce crime fondamental a produit une
interminable série d’atrocités : des
dizaines de milliers de migrants ont
trouvé la mort en fuyant la Libye à
travers la Méditerranée pour l’Europe,
aux meurtres sectaires et aux
décapitations effectués par l’État
islamique (EI) en Irak et en Syrie.
Ce dernier a établi maintenant une
présence en Libye, un pays où les
milices islamistes n’avaient aucune
influence significative auparavant.
Une des pires attaques terroristes
récentes, le massacre de 39 touristes en
Tunisie, a été réalisée par un
ressortissant tunisien formé en Libye,
puis renvoyé en Tunisie pour commettre
des massacres.
Une indication de la criminalité de
la politique impérialiste envers la
Libye est la révélation cette semaine,
dans les documents nouvellement publiés,
que Londres a dépensé 13 fois plus
d’argent à bombarder la Libye qu’il a
contribué depuis à la reconstruction du
pays dévasté à la suite de la guerre des
États-Unis et de l’OTAN de 2011.
Des dossiers du Parlement britannique
chiffrent le coût de l’intervention
britannique en 2011 à 320 millions de
livres sterling, tandis que dans les
quatre ans depuis l’offensive militaire,
le Royaume-Uni n'a donné que 25 millions
de livres pour la reconstruction et la
stabilisation du pays.
Auparavant, le gouvernement Cameron
avait tenté de maintenir le secret sur
le coût de l’intervention ; des
ministres du gouvernement évoquaient
« dizaines de millions » consacrées
à la guerre.
Les ratios correspondants pour les
États-Unis, la France et toutes les
puissances belligérantes de l'OTAN sont
sans doute semblables, voire pires.
Les révélations ont été rejointes par
l’annonce que la Chambre des communes
lancera une enquête sur le rôle de la
Grande-Bretagne dans le renversement de
Kadhafi et de sa responsabilité pour le
chaos qui a englouti la Libye depuis.
Crispin Blunt, le président
conservateur de la Commission des
affaires étrangères, a dit au
Guardian : « Cela a été
finalement une catastrophe pour le
peuple de Libye. A présent, il y a un
problème croissant pour nous, notre
ennemi incontestable l’EI commence à
établir son contrôle sur des parties de
la Libye. En plus, la crise de la
migration — n’importe quelle région où
l’autorité étatique s’est effondrée pose
évidemment des problèmes pour nous à
travers le monde. »
Imperturbable, Cameron a indiqué sa
volonté de renouveler les attaques
militaires britanniques sur la Libye
lors d’une visite d’État en Indonésie.
« S’il y a une menace pour la
Grande-Bretagne, pour notre peuple ou
pour nos rues et nous pouvons l’arrêter
avec des mesures immédiates contre cette
menace, alors, en tant que Premier
ministre, je vais toujours essayer de
prendre de telles mesures. C’est le cas
si ce problème émane de Libye, de Syrie,
ou d'ailleurs », a-t-il dit.
L’Administration Obama, quant à elle,
cherche un accord avec un des pays
voisins en Afrique du Nord installer une
base de drones américains afin de mener
à bien des frappes renouvelées contre la
Libye.
Photo : Saif Kadhafi
Titre original et source :
Une parodie de tribunal condamne le fils
de Kadhafi à mort en Libye
(Article paru d'abord en anglais le 29
juillet 2015)
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 30 juillet 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
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