Analyse
L’Europe face à la mort de Qassem
Soleimani
Antoine Charpentier
Samedi 11 janvier 2020
Le 02 janvier 2020, l’armée américaine
a, sur ordre direct du président Donald
Trump, lâchement assassiné le général
iranien Qassem Soleimani, et le
vice-président du Hached Al-Chaabi Abou
Mahdi Al-Mouhandis, ainsi que plusieurs
de leurs compagnons, dans les environs
de l’aéroport de Bagdad en Irak. Le
monde entier a vivement réagi, pendant
que l’Europe est restée quasiment
silencieuse, donnant l’impression d’être
embarrassée par ce qu'il venait de se
produire.
Toutefois, sans
trop tarder, le 5 janvier le président
français Emmanuel Macron s’est entretenu
avec son homologue américain, faisant
part de son entière solidarité avec les
alliés, en l’occurrence avec les
États-Unis. Pendant que Moscou et la
Chine présentaient leurs condoléances
aux peuples et dirigeants Iraniens et
Irakiens en rappelant les fondamentaux,
tels que l’appel à la retenue de tous
les acteurs, y compris les États-Unis.
Il convient de
préciser que depuis son arrivée à la
Maison Blanche, Donald Trump n’a jamais
traité les Européens comme de vrais
alliés. Ceci s’est illustré à plusieurs
reprises et très récemment par
l’opération «Source de paix» lancée au
nord-est de la Syrie par le président
turc Recep Tayyip Erdogan en
concertation avec le président Trump,
sans se référer aux alliés, notamment
Européens.
Le 6 janvier les
chefs de l’exécutif français,
britannique et allemand publiaient un
communiqué dans lequel ils reprochaient
encore une fois le soi-disant rôle
négatif joué par l’Iran au Moyen-Orient.
Cela signifie tout simplement que les
principaux pays européens persistent
toujours dans leur logique de déni de la
réalité, de soumission sans condition
aux États-Unis et de manque de lucidité,
ainsi que d’une vision politique juste.
Le raid américain
contre le général Qassem Soleimani est
venu également capoter tous les espoirs
européens de négociations avec l’Iran
autour de l’accord nucléaire, ou encore
autour de sa puissance balistique.
Donald Trump a enterré à jamais toutes
les initiatives européennes visant une
éventuelle solution diplomatique avec
l’Iran. Il a encore une fois causé
d’énormes torts à ses alliés Européens.
Néanmoins, ceci s’inscrit indirectement
dans le registre de la guerre déclarée
par Donald Trump contre le vieux
continent.
Donald Trump tente
de trainer tout le monde vers une guerre
généralisée au Moyen-Orient, voir dans
le monde, pour des intérêts politiques
et électoraux qui lui sont propres.
Toutefois, les
réponses de l’Iran à l’assassinat du
général Qassem Soleimani sont multiples
et diverses. Ni les États-Unis, ni
l’Europe, ni même l’ensemble des pays de
l’OTAN pourront assimiler les
représailles iraniennes.
Les dirigeants
iraniens ont tout d’abord pris la
décision d’enrichir l’uranium autant que
leur besoin l’exige, tout en collaborant
comme toujours avec l’Agence
Internationale pour l’énergie atomique
(AIEA).
Le chef de la
diplomatie européenne Joseph Borrell a
exprimé le 6 janvier son regret au sujet
de la décision iranienne. Toutefois, ce
qu’oublie M. Borrell est que
l’administration Trump n’a laissé aucun
choix à l’Iran et il est normal que
cette dernière œuvre pour sa protection
et pour la défense de sa souveraineté.
Cependant, une
autre réponse a eu lieu dans la nuit du
7 au 8 janvier 2020 se traduisant par le
bombardement depuis le territoire
iranien des deux plus grandes bases
militaires américaines en Irak, Ain
Al-Asad et Erbil.
Il est nécessaire
de préciser que d’un point de vue
militaire, le système de défense et des
radars américains les plus performants
au monde ont révélé une grave
défaillance technologique face aux
missiles iraniens, chose qui fait
réfléchir le Pentagone américain avant
toutes éventuelles confrontations
directes avec l’Iran.
Les britanniques
ont été les premiers a condamné
fermement les frappes iraniennes contre
les bases militaires américaines en
Irak, qualifiant cela d’irraisonnable et
dangereux. Cependant, les Britanniques
refusent toujours d’admettre que la
dangerosité provient en premier lieu de
leur allié étatsunien, de son
comportement politique et de son
arrogance sans nom.
Quant à la France
qui semble être la cheville ouvrière
dans les tentatives du rapprochement
entre l’Iran et les États-Unis, elle a
condamné les frappes iraniennes par la
voie de son ministre des Affaires
étrangères Jean-Yves Le Drian,
considérant que «ces frappes visaient en
premier lieu la coalition internationale
qui combat Daech». Toutefois, de quel
combat parle la France ? Donald Trump
chef suprême de cette coalition a
déclaré qu’il en a fini avec «Daech». À
titre d’exemple, cette même coalition
internationale a fait plus de victime
parmi les civils syriens dans la région
de Deir Ez-Zor que les terroristes
eux-mêmes.
L’Allemagne a
condamné au même titre que la France et
l’Angleterre les frappes iraniennes
contre les bases militaires américaines
et le chef de la diplomatie européenne
Joseph Borrell a exprimé également son
regret, appelant à maitriser l’escalade
de la violence afin d’éviter toutes
confrontations.
Pour conclure, nous
constatons que les Européens adoptent
toujours la mauvaise stratégie, celle de
rester liés corps et âmes aux États-Unis
qui les traitent comme des vassaux et
non pas comme de vrais alliés.
Cette soumission
littérale des européens à la volonté des
États-Unis nuit fortement à leurs
intérêts stratégiques dans le monde en
général et au Moyen-Orient en
particulier.
Les déclarations
des Européens envers l’Iran révèlent
qu’ils ont, et depuis très longtemps,
pris le même choix que les américains,
mais ils divergent avec eux sur
l’application.
Il est regrettable
que l’Europe rate une occasion
historique que lui offre le contexte
actuel et indirectement l’Iran, afin de
tenter d’échapper à l’hégémonie
américaine. Cependant, il paraît que les
européens se complaisent dans cette
démarche qui les pousse au bord du
gouffre.
Reçu d'Antoine Charpentier pour
publication
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