Palestine
Condamner l’occupation israélienne ne
suffit pas
Amira Hass
Amira Hass
Samedi 16 septembre 2017 Par Amira Hass, 8
septembre 2017, Haaretz
Européens, vos
dénonciations sont perçues par Israël
comme dénuées de caractère urgent. Ce
que vous devez faire, c’est appliquer
des sanctions douloureuses.
Aux Pays-Bas, à la
Belgique et à la France : Il ne suffit
pas de condamner uniquement par des mots
la politique de destruction menée par
Israël, qui détruit des infrastructures
et des habitations financées avec
l’argent de vos contribuables. C’est une
bonne chose que vous soyez en colère,
mais le tempo de l’accumulation de votre
colère est de loin inférieur au rythme
effréné et dangereux des bulldozers de
l’Administration civile et des Forces de
défense des colonies en Cisjordanie.
Vos condamnations
sont perçues comme dénuées de caractère
urgent. Vous devez entreprendre des
actions réelles. Oui, des sanctions
ouvertes et déclarées, qui emprunteront
la voie d’une sévérité accrue. Des
sanctions douloureuses. Ce peut être la
dernière chance de faire bouger
l’Israélien moyen, y compris les hommes
d’affaires, les touristes, les juges,
les universitaires, les fermiers et les
consommateurs de football étranger de
leur indifférence et de leur
complaisance criminelle.
Cessez de vous
effrayer du chantage affectif israélien.
Israël met en jeu le souvenir de nos
familles assassinées en Europe afin
d’accélérer l’expulsion des Palestiniens
de l’ensemble du territoire cisjordanien
et de les déporter dans les enclaves de
l’Autorité palestinienne. Telle est
l’intention qui sous-tend toutes
les démolitions et confiscations ainsi
que les interdictions de bâtir, d’élever
du bétail et d’irriguer les champs. Tous
ceux qui planifient et appliquent cette
lente politique d’expulsion pensent déjà
à la grande expulsion, cette fois vers
la Jordanie. Et que ferez-vous alors ?
Vous publierez des condamnations tout en
envoyant des réservoirs d’eau et des
tentes aux personnes qui auront été
expulsées ?
Le 24 août, le
ministre belge des Affaires étrangères,
Didier Reynders, et le vice-Premier
ministre et ministre de la Coopération
au développement, Alexander De Croo,
publiaient une condamnation officielle
de la confiscation des caravanes devant
servir de classes pour les quatre
premières années primaires dans le
village palestinien de Jubbet Adh-Dhib,
ainsi que la confiscation des panneaux
solaires destinés à l’école du camp de
Bédouins d’Abu Nuwwar.
Les Belges
faisaient remarquer qu’ils étaient de
ceux qui avaient financé ces
équipements. « [La Belgique] continuera
à travailler avec ses partenaires, comme
par le passé, afin de demander aux
autorités israéliennes de mettre un
terme à ces démolitions », peut-on lire
dans la déclaration du ministre des
Affaires étrangères.
L’un de ces
partenaires n’est autre que les
Pays-Bas, dont le Parlement a consacré
pas mal de temps à discuter des
démolitions commises par les Israéliens,
plus de temps, quoi qu’il en soit, que
n’en a consacré la Knesset. Voici ce que
les ministres du cabinet hollandais ont
rapporté le mois dernier aux
parlementaires hollandais à propos de la
confiscation des panneaux solaires de
Jubbet Adh-Dhib en juin : « Le Premier
ministre Benjamin Netanyahou a promis
par courrier de restituer les panneaux
solaires aux Pays-Bas. » Le cabinet du
Premier ministre n’a ni confirmé ni
dénié ce rapport.
Après la
confiscation, le village a été condamné
à ne recevoir que deux heures
d’électricité par jour, produite par un
générateur. Ces vingt dernières années,
le village a soumis au moins quatre
requêtes à l’Administration civile pour
être raccordé au réseau d’électricité et
toutes ces requêtes ont été rejetées.
L’expérience enseigne qu’Israël ne donne
pas de permis – ou si peu – de
construction dans la Zone C (qui couvre
environ 60 pour 100 de la Cisjordanie).
La tentative des Hollandais pour
recevoir un permis de l’Administration
civile pour un seul projet – un cas
test, donc – n’a pas abouti à des
résultats positifs. En tant que force
occupante, Israël n’a pas le droit de
détruire ou de confisquer des
propriétés, excepté par nécessité de
temps de guerre.
La France elle
aussi a annoncé fièrement qu’elle était
une partenaire dans la construction
humanitaire en Zone C et à Abu Nuwwar.
La France a elle aussi condamné les
récentes démolitions et a demandé qu’on
lui renvoie les équipements confisqués.
En six mois, Israël a détruit 259
structures palestiniennes en Cisjordanie
et à Jérusalem-Est, explique la
condamnation émise par la France. Au
cours de la même période, le
gouvernement israélien a approuvé la
construction de plus de 10 000 unités de
logement dans les colonies – trois fois
plus que pour toute l’année précédente.
Ainsi donc, la
destruction des communautés
palestiniennes, l’évacuation de la
famille Shamasneh de sa maison à
Jérusalem et les plans du ministre de la
Défense Avigdor Lieberman visant à
démolir Sussia et Khan al-Akhmar
représentent l’autre face de la médaille
de la construction de colonies.
Voilà comment
Israël applique une expulsion graduelle.
Sans sanctions, il peut prendre une
profonde aspiration et sa foi dans sa
capacité à appliquer le plan est solide.
Qui donc sait mieux que vous, et que
votre voisin allemand en particulier, à
quoi mènent les plans d’expulsion
limitée, et quelle disposition d’esprit
criminelle ils mettent en place dans une
société qui planifie ce genre de chose ?
Traduction: Jean
Marie Flémal « pour
la Palestine »
Source: Haaretz
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