Agence Média
Palestine
L’image internationale d’Israël continue
à se dégrader selon ses principaux
stratèges
Ali Abunimah
Les soldats
israéliens, comme ceux-ci arrêtant un
Palestinien pendant un raid sur Hébron,
le 20 septembre 2016, conserverons une
« complète liberté d’action »
dans toute
la Cisjordanie occupée, en application
de la remise à jour du plan
de
« séparation unilatérale. » (Wisam
Hashlamoun APA images)
Mardi 10 janvier 2017
Ali Abunimah – Electronic Intifada – 4
janvier 2017
La réputation
d’Israël au niveau international
continue à se détériorer, conclut un
nouveau rapport de certains des
stratèges les plus en vue du pays.
« L’image d’Israël
dans les pays occidentaux continue à
décliner, une tendance qui accroit la
capacité de groupes hostiles à mener des
actions pour priver Israël de légitimité
morale et politique et lancer des
opérations de boycott », affirme
l’Institut des Etudes de Sécurité
Nationale (INSS : Institute for National
Security Studies) de l’Université de
Tel-Aviv dans son étude : 2016-1017
Strategic Survey for Israel.
Le rapport de 275
pages, dont les auteurs appartiennent
aux cercles dirigeants politiques,
militaires et du renseignement, a été
présenté lundi au président israélien
Reuven Rivlin par Amos Yadlin le
directeur de l’INSS, un ancien général
de l’armée de l’air et dirigeant du
renseignement militaire israélien.
Il note en
particulier que « la campagne
internationale pour délégitimer Israël
continue, comme l’indique le mouvement
BDS », en référence à la campagne
grandissante conduite par les
Palestiniens : Boycott,
Désinvestissements et Sanctions. C’est
Israël qui a l’habitude de décrire la
défense des droits des Palestiniens, ou
la critique des ses propres abus, comme
« délégitimisation ».
Le rapport affirme
que « l’actuel gouvernement de droite
[d’Israël] a contribué à cette
détérioration » par ses « initiatives
législatives anti-démocratiques »,
autant que l’intérêt porté par la
communauté internationale à la
« sur-réaction » d’Israël à ce qu’il
appelle « une vague d’attaques
terroristes » de la part des
Palestiniens.
Pas de
remplaçant aux Etats-Unis
Selon le rapport,
les efforts d’Israël de compenser la
détérioration de ses relations avec ses
soutiens traditionnels en renforçant ses
liens avec « des pays non démocratiques,
en particulier la Russie et la Chine,
sont mal vus par la communauté
internationale ».
Il n’y a « pas de
signes que [ces pays] souhaitent donner
à Israël le soutien politique,
scientifique, technologique et militaire
qu’il reçoit d’autres pays,
essentiellement les Etats-Unis et
certains pays européens », affirme le
rapport.
Ceci est
particulièrement ennuyeux pour Israël
étant donné que le « prestige des
Etats-Unis au Moyen-Orient continue de
s’affaiblir » comme c’est également le
cas de son engagement à maintenir son
hégémonie sur le Moyen-Orient, une
alliance sur laquelle Israël s’appuie
pour assurer « puissance et
dissuasion ».
« En dépit des
bonnes relations entre Moscou et
Jérusalem, la Russie n’est pas un
substitut pour la sécurité politique et
le soutien économique des Etats-Unis et
de l’Ouest », conclut le rapport.
Alors que les
dirigeants israéliens espèrent des
relations étroites avec les Etats-Unis
sous présidence Donald Trump, le rapport
avertit que son administration risque de
« renforcer les tendances
isolationnistes ».
Il note également
des tendances aux Etats-Unis qui
menacent sur le long terme le soutien à
Israël. Pendant le mandat du président
Barack Obama, « l’idée que les deux pays
avaient des ‘valeurs communes’, semble
s’être effritée en constatant
l’affaiblissement de l’éthique
démocratique en Israël ». De la même
manière, le rapport constate une
« érosion » de l’identification à Israël
des Juifs Américains, ce qui peut
également « conduire à des répercussions
nuisibles pour Israël ».
Il y a également
polarisation : le support des
conservateurs à Israël reste fort, alors
que les libéraux deviennent de plus en
plus ambivalents, montrant une
« inclinaison plus grande à voir la
condition des Palestiniens comme
analogue à l’apartheid ». Ce sentiment,
dit le rapport, est un carburant pour le
mouvement BDS, qui est « maintenant
largement répandu sur les campus
états-uniens » et pourrait affecter les
relations entre Israël et les Etats-Unis
à l’avenir.
Israël et
Al-Qaïda en Syrie
Les stratèges
israéliens sont clairs en ce qui
concerne l’équilibre conventionnel des
forces dans la région, « la puissance
militaire d’Israël n’est pas disputée »
– il n’y a aucune menace en provenance
des armées de l’Egypte, de la Syrie ou
de la Jordanie.
Mais ils
continuent à voir le mouvement de
résistance libanais Hezbollah comme une
menace majeure.
En dépit du fait
que le Hezbollah est actuellement
impliqué dans la guerre civile en Syrie,
le rapport voit le groupe en
sortir avec un support accru de l’Iran,
une expérience renforcée du champ de
bataille et des « capacités de tir à
longue distance dotées d’un grand
pouvoir destructeur et d’une précision
toujours améliorée ».
Une présence
militaire russe croissante et prolongée
dans la région, conséquence de
l’intervention de Moscou en Syrie qui a
renversé la situation en faveur du
président Bachar el Assad, va
restreindre la liberté d’intervention
militaire d’Israël.
« Du point de vue
d’Israël, » affirme le rapport, « le
meilleur scénario est la disparition du
régime d’Assad, en même temps que le
retrait de l’Iran et du Hezbollah de
Syrie d’un côté, et la défaite de l’Etat
Islamique [également connu sous le nom
ISIS ou ISIL] et la mise en place d’un
régime sunnite modéré en Syrie de
l’autre ».
De façon
intéressante, le rapport prétend que
« ce modèle s’est matérialisé sous une
forme restreinte dans les hauteurs du
Golan, où des rebelles sunnites modérés
ont combattu avec succès le régime de
Assad et l’Etat Islamique ».
Le rapport de
l’INSS ne cite pas le nom des « rebelles
sunnites modérés » mais il est avéré
qu’Israël a longtemps fourni aide et
soutien au front Al-Nosra, branche
syrienne de Al-Qaïda, sur le plateau du
Golan.
Moshe Yaalon, l’un
des auteurs du rapport, reconnaît
publiquement le soutien d’Israël aux
combattants de Al-Nosra en 2015, alors
qu’il était le ministre de la défense
d’Israël.
L’année dernière,
le front Al-Nosra a officiellement coupé
ses liens avec Al-Qaïda, s’est renommé
le front Fatah al-Cham et a lancé une
importante campagne de changement
d’image avec l’aide des médias
occidentaux.
L’INSS apparaît
également prête à soutenir discrètement
l’organisation.
« Le front
Al-Nosra, qui s’est effrayé lui-même de
son affiliation à Al-Qaïda a fait du
front Fatah-al-Cham une force qui peut
coopérer avec d’autres organisations qui
ne sont pas des djihadistes salafistes,
et même recevoir un soutien externe »
suggère le rapport.
Il ajoute que le
front Al-Nosra est « fondé et organisé
(par l’Arabie Saoudite), bien équipé, et
a une bien meilleure performance que les
autres groupes rebelles ».
Cette formulation,
comparativement bénigne, fait écho aux
sentiments exprimés par Efraim Halevy,
l’ancien dirigeant du Mossad, l’agence
d’espionnage israélienne, qui défendait
la fourniture d’aide médicale aux
combattants d’Al-Nosra dans une
interview à Al-Jazeera en mai dernier.
En revanche, Halevy
dit qu’il ne défendra jamais l’idée
d’accorder des soins à des combattants
blessés du Hezbollah parce qu’Israël a
été pris pour cible par le Hezbollah,
mais « pas spécifiquement par
Al-Qaïda ».
Le fait que
Al-Qaïda soit crédité des attaques
massives du 11 septembre qui ont tué
près de 3000 personnes sur le sol de
l’allié le plus proche d’Israël ne
figure apparemment pas dans les calculs
israéliens.
La coopération
d’Israël avec Al-Nosra, et son intérêt à
voir un régime sunnite sectaire installé
à Damas, souligne un thème majeur du
rapport de l’INSS : le renforcement des
liens entre Israël et les états arabes
soi disant sunnites, conduits par
l’Arabie Saoudite, à partir d’une
hostilité partagée envers la
prédominance de l’Iran chiite.
Le rapport
mentionne, par exemple, la visite du
général saoudien Anwar Eskhi en Israël
l’été dernier. Eshki a dit à ses hôtes
que le « conflit israélo-palestinien
sert de terreau profond à la croissance
de l’idéologie iranienne » dans la
région, selon le rapport.
Rationaliser le
pouvoir colonial
Les stratèges les
plus en vue d’Israël reconnaissent que
l’impasse avec les Palestiniens
contribue de façon importante à la
détérioration de l’image internationale
d’Israël. C’est aussi un obstacle
au développement de liens plus serrés et
plus publics avec les dictatures
sectaires comme l’Arabie Saoudite, dont
la population soutient encore fortement
la cause palestinienne.
Bien que le rapport
de lINSS ne voit aucune possibilité
réaliste de se diriger vers une solution
à deux états dans le proche futur, ses
auteurs craignent un glissement continu
sur « une pente vers une réalité à un
état », un avertissement similaire à
celui donné par l’ancien secrétaire
d’état des Etats-Unis, John Kerry, le
mois dernier.
Mais l’INSS n’a pas
d’idées nouvelles pour éviter à Israël
cette conjoncture.En effet, le rapport
tente de redonner vie au concept de
« séparation unilatérale » qui a été
proposé par les gouvernements d’Ariel
Sharon et d’Ehud Olmert il y a plus de
10 ans.
L’idée est de
consolider les colonies israéliennes
dans une grande partie de la Cisjordanie
occupée, de pacifier la population
palestinienne en améliorant ses
conditions économiques et de renforcer
la police de l’Autorité Palestinienne,
financée par Israël, pour maintenir les
Palestiniens sous contrôle serré.
La séparation
serait cosmétique toutefois, puisque, à
tout moment, les forces d’occupation
israéliennes et la police secrète Shin
Beth conserveraient une « complète
liberté d’action » dans toute la
Cisjordanie.
Eventuellement,
Israël pourrait reconnaître un «état
palestinien dans des frontières
provisoires » dans jusqu’à 65% de la
Cisjordanie, alors qu’il a en fait
annexé de larges zones pour y établir
des colonies à l’ouest du mur de
séparation qu’il a construit dans les
territoires occupés.
Le rapport
reconnaît qu’ « une sévère crise
humanitaire règne déjà dans la bande de
Gaza » qui a subi un blocus de dix ans,
avec l’appui des forces militaires
égyptiennes.
Cela conduira
inévitablement à une autre escalade
majeure de violence, à moins que quelque
chose soit fait pour adoucir la
situation, avertissent les auteurs. Cela
aussi pourrait entamer l’image d’Israël.
L’INSS propose des mesures comme la
construction d’un port à Gaza et une
amélioration des infrastructures.
Ce sont des
palliatifs qui visent à pacifier la
population, mais ne font rien pour
aborder le refus sous-jacent d’accorder
leurs droits fondamentaux aux deux
millions de Palestiniens enfermés dans
ce territoire assiégé.
Ces plans
représentent un rafistolage des
propositions de bantoustan palestinien
dont les israéliens ont débattu entre
eux durant des décades. Pourtant les
auteurs du rapport de l’INSS voient
l’arrivée de l’administration Trump
comme une opportunité pour remettre en
service ces concepts discrédités comme
« des idées innovantes ».
Prendraient-elles
de la force, il reviendra aux soutiens
des droits des Palestiniens de les
exposer pour ce qu’ils sont, un effort
pour consolider et maquiller le régime
israélien d’occupation, de colonialisme
de peuplement et d’apartheid, pour
enrayer la détérioration de l’image
internationale d’Israël.
Traduction : Roger
M. pour l’Agence Média Palestine
Source:
Electronic Intifada
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