Opinion
La défaite
occidentale devant les murs de Kiev
Akil Cheikh Hussein
Jeudi 26 décembre 2013
L'Ukraine de la «Révolution
orange» pouvait éviter plus de 20 ans de
chaos si elle avait su conserver la
place qu'elle occupait, en tant
qu'importante puissance démographique,
industrielle et agricole qui tenait la
deuxième place après la Russie dans le
cadre de l'ex-Union soviétique.
Elle pouvait -lorsque les révolutions
colorées se sont avérées être le plus
court chemin ver l'autodestruction en
glissant vers le chaos constructif ou en
devenant une république bananière qui
jouit d'une stabilité de façade dans le
jardin-arrière de l'Occident- suivre
l'exemple de la Russie de Poutine et
sortir de son Printemps orange pour se
reconstruire à l'instar de sa voisine et
ancienne associée qui a pu se
débarrasser de l'ère eltsinienne tout en
gardant ses derniers souffles.
Mais l'opportunisme des uns et
l'enchantement des autres par le mythe
de la démocratie et de la prospérité à
l'occidental ont conduit l'Etat
ukrainien jusqu'au bout de l'abime où il
s'est vu menacé par l'effondrement
économique total au cas où il
poursuivrait sa course effrénée vers
l'Europe et l'Occident.
De leur côté, les dirigeants de l'Union
européenne réunis récemment à Vilnius
pour la signature du traité du
Partenariat avec plusieurs pays de
l'Europe de l'est dont l'Ukraine,
pouvaient prendre en compte l'attitude
modérée du président ukrainien qui,
jusqu'au dernier moment, ne faisait
qu'affirmer sa position non hostile à
l'intégration dans l'Union une fois les
conditions seront présentes. Ils
pouvaient concéder à l'Ukraine des aides
pour gérer sa crise économique
étouffante, elle qui a besoin de 20
milliards d'Euros nécessaires pour
éviter la faillite totale.
Mais il semble que les dirigeants
européens étaient un peu trop certains
que le président ukrainien, Victor
Ianoukovitch, leur livrera les clés de
Kiev et que les entreprises européennes
étaient sur le point de mettre la main
sur l'Ukraine sans payer aucun prix. Ils
ont ainsi laissé François Holland, le
président français perdant sur toutes
les lignes, parler en leur nom et
affirmer clair et net son «non, on ne
paie pas!».
Le fait qu'ils tenaient à ne rien
concéder à l'Ukraine laisse penser
qu'ils étaient certains, au cas où ils
n'arriveraient pas à faire fléchir
Ianoukovitch à Vilnius, que les
manifestations de l'opposition et les
rassemblements sur la place Maydan
l'obligeront rapidement à partir ou même
à subir un sort semblable à celui de
Ceausescu, le président roumain exécuté
par l'une des premières révolutions
colorées.
Ils pariaient probablement sur la
seconde éventualité car, comme disait le
poète arabe al-Mutannabî, «elle permet
mieux au rancunier de déguster sa
vengeance». En témoigne l'importante
présence dans les manifestations de
l'opposition ukrainienne d'éléments
connus par leur histoire ou leurs
orientations néo-nazies. Les actes de
violence et les sabotages ayant
accompagné ces manifestations trahissent
la présence en Ukraine de beaucoup
d'agents travaillant pour les services
de renseignement occidentaux. Cette
présence a été prouvée ces derniers
jours par l'expulsion hors d'Ukraine de
plusieurs
centaines d'activistes politiques
occidentaux.
Mais tous ces paris ont été voués à
l'échec. On ne voit maintenant que des
dizaines de milliers d'opposants dans
les manifestations qui rassemblaient des
centaines de milliers de participants il
y a quatre semaines. Les raisons de
cette décroissance sont connues: Ils
croyaient que les Etats-Unis et l'Union
européenne exerceront les pressions
nécessaires pour la réalisation de leurs
revendications.
Et voilà que le soutien étasunien reste
limité à des menaces d'imposer des
sanctions au gouvernement ukrainien, ou
à des paroles qui, bien qu'elles soient
qualifiées de «pesantes», sont restées
vides. Il s'agit des déclarations des
deux sénateurs étasuniens John McCain et
Christopher Murphy qui ont transmis aux
manifestants la bonne nouvelle selon
laquelle les Etats-Unis sont avec eux,
et que l'Ukraine sera meilleure avec
l'Europe.
Quant au soutien européen, il n'est pas
allé au-delà d'une promesse donnée par
Angela Merkel de mener une campagne
d'information en vue d'appuyer
l'opposant ukrainien Vitaly Klichko, ni
au-delà des gesticulations du président
du Conseil d'Europe, Herman Van Rompuy
et du président de l'Union européenne,
José Manuel Barroso, qui ont brandi
l'épée de la guerre froide contre le
président russe Vladimir Poutine en le
comparant à Léonid Brejnev, pour ainsi
rappeler l'invasion de la
Tchécoslovaquie par le Pacte de Varsovie
en 1968.
Bien sûr, l'Union européenne a suspendu
la semaine dernière les négociations
avec Kiev sur l'accord d'association et
de libre-échange. Une décision qui fait
l'objet de dérision parce qu'elle
intervient trois semaines après la
suspension par l'Ukraine de ces mêmes
négociations.
L'abandon par l'Occident de ses
partisans ukrainiens qui ne les regarde
que comme des outils jetables après
utilisation a été contré par un
engagement russe décisif à soutenir
l'Etat ukrainien.
Cet engagement s'est traduit par la
réduction des prix du gaz livré à
l'Ukraine de 400 dollars le mètre cube à
268 dollars. La Russie s'est également
engagée à acheter pour 15 milliards de
dollars d'obligations émises par l'Etat
ukrainien. Elle a ainsi fait éviter à
l'Ukraine la faillite qui la guettait
d'ici deux ou trois semaines.
Cela signifie aussi que le ralliement
devenue proche de l'Ukraine à l'Union
douanière russe aura d'importantes
répercussions au niveau des rapports de
forces régionaux et internationaux.
Source: French.alahednews
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