Opinion
Les sommets de la Ligue arabe, entre
l’énormité des responsabilités et la
fragilité des positions
Akil Cheikh Hussein
Photo:
D.R.
Jeudi 3 avril 2014
Il est inutile d'espérer que les sommets
de la Ligue arabe soient autre chose
qu'un reflet de la réalité des
politiques arabes. D'où, et étant donné
la place centrale qu'occupe la cause
palestinienne parmi les autres causes
arabes, ces sommets ne pouvaient être, à
partir du moment où la plupart des
régimes arabes ont pris partie pour la
logique de la soumission face à l'ennemi
israélien, qu'un écho des politiques des
Etats-Unis et de l'entité sioniste
visant à retracer la carte de la région
sous la forme qui correspond le plus à
leurs plans hégémoniques.
On sait que la Ligue arabe et ses
sommets sont devenus un lieu où
s'actualisent les volontés des
Etats-Unis et de l'entité sioniste qui y
sont les plus influents derrière telle
ou telle façade arabe. Les interventions
de John Kerry visant à empêcher le
sommet du Koweït d'arriver à se clôturer
par une déclaration finale ne font
qu'affirmer cet ordre des faits.
En raison de ce contrôle exercé sur la
décision arabe, les régimes arabes liés
à cette façade et aux forces qui
manœuvrent derrière elle n'ont plus de
rôle autre que donner automatiquement
leur accord aux décisions prises par la
Ligue arabe et ses sommets.
De ce fait, les représentants de ces
régimes sont devenus l'objet de moquerie
de la part des observateurs qui
ironisent sur leur sommeil en attendant
la fin des réunions pour aller se
distraire dans les hôtels, les
restaurants et les boites du pays hôte.
Sur un registre proche, on ne manque pas
de trouver des exemples de tel chef
arabe qui chante,sur la tribune du
sommet, les louanges d'un autre chef
dans l'espoir d'obtenir un don généreux.
Ou qui vend à prix d'argent le droit
qu'a son pays à accueillir le sommet à
un autre chef qui réunit le pouvoir de
payer et l'ambition de briller ou de
devancer ses concurrents en rendant
davantage de services aux puissances
hégémoniques.
Quant à l'ironie des observateurs au
sujet de l'énorme ignorance des chefs
arabes qui ont pris la parole sur la
tribune du sommet en ce qui concerne la
lecture en arabe de leurs discours (sans
parler du niveau de leur connaissance de
la langue arabe qui constitue une
condition essentielle de leur
appartenance nationale, ils lisent des
textes qui leur ont été écrits par des
auteurs spécialisés qui ne sont pas
eux-mêmes assez compétents), cette
ignorance donne une pitoyable idée de ce
chef arabe supposé être armé de
connaissances situées au-dessus du
plafond de la langue.
En dépit de tout cela, le sommet du
Koweït a été différent des sommets
précédents d'une façon qui laisse penser
que la Ligue arabe s'approche du moment
où elle ne pourra plus continuer sous sa
forme traditionnelle.
Parmi les indices, on signale un état de
perturbation sans précédent. Des
altercations et des rixes ont eu lieu
lors des sommets des deux dernières
décennies. Néanmoins, ils ont pu
préserver l'unité de leur marche grâce à
l'unité des politiques adoptées par les
pays du Golfe qui contrôlent leurs
décisions.
Pourtant, la rupture de l'alliance de
ces pays dans les conditions des échecs
subis par les politiques américaines, de
la résistance de la Syrie et des
répercussions du « Printemps arabe » ont
entraîné des désaccords qui ont menacé
la tenue même du sommet, qui ont été
derrière des appels à réduire sa durée à
une seule journée au lieu de deux, qui
sont à l'origine de la non participation
à ses activités d'au moins huit chefs
arabes et du départ de plusieurs chefs
de délégation juste après avoir terminé
leurs discours.
Le plus important a consisté dans la
manière chétive avec laquelle le sommet
s'est penché sur les deux questions de
la Palestine et de la Syrie auxquelles
il a paradoxalement consacré le plus de
temps et d'intérêt.
Pour ce qui est de la Palestine et dans
les conditions de l'alliance quasiment
affichée avec l'entité sioniste contre
l'axe de la résistance, il n'était pas
possible pour le sommet d'éviter la
rhétorique connue : l'attachement au
processus de paix et à la solution à
deux Etats, la condamnation de la
judaïsation et de la colonisation, avant
d'aboutir à l'abandon total de la cause
palestinienne en la confiant à la
communauté internationale et au parrain
américain.
Le désarroi a atteint ses limites
extrêmes avec l'approche contradictoire
de la question syrienne : Bon accueil
réservé à la Coalition nationale
syrienne mais qui ressemble plus à une
insulte puisque c'est le drapeau
officiel de la République arabe syrienne
qui a pris place devant le siège resté
vide de la Syrie.
Avec également l'hommage rendu à la
résistance au Liban face aux agressions
israéliennes, surtout en 2006, sachant
que les mêmes parties influentes dans le
sommet avaient traité d' « aventure »
l'action de cette même résistance et
demandé à l'entité sioniste de
poursuivre son agression contre le Liban
jusqu'à la liquidation totale de la
Résistance.
Ces contradictions flagrantes reflètent
l'égarement des parties influentes dans
le sommet face à des pays membres comme
l'Irak, le Liban et l'Algérie qui se
sont montrés capables de ressusciter la
Ligue arabe sous son visage
authentiquement arabe qui a été meurtri
avec l'exclusion de la Syrie, et qui ne
pourra rayonner de nouveau qu'avec le
retour de la Syrie à sa place dans la
direction du mouvement de libération
arabe au sein même d'une Ligue arabe
représentative des véritables
aspirations des peuples arabes.
Source : Al-Ahednews
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