Iran
Trump craint de se casser les dents sur
l’Iran
Abdel Bari Atwan
Dimanche 23 juin 2019
Abdel Bari Atwan
– Téhéran essaie d’avertir Trump de
ne pas se laisser entraîner dans une
guerre.
La destruction en
plein vol ce jeudi d’un drone américain
par un missile sol-air iranien au-dessus
du détroit d’Ormuz, rend plus proche que
jamais une confrontation militaire –
qu’elle soit limitée ou étendue – entre
l’Iran et les États-Unis.
Le président Donald
Trump a apparemment tenté d’échapper à
une telle confrontation en qualifiant
l’incident de « grosse erreur » et en
suggérant qu’il aurait pu être
involontaire. Ceci après que les prix du
pétrole sur les marchés mondiaux ont
augmenté de six dollars en quelques
minutes, et que Téhéran a placé ses
forces armées en état d’alerte maximale.
Mais si les
Iraniens ont commis une « grosse
erreur » en abattant l’avion espion, les
Américains en ont fait une plus grande
en l’envoyant dans une zone aussi
instable – au maximum de la tension
après une série d’attaques contre des
pétroliers et l’infrastructure des
alliés américains – et sans anticiper la
réplique iranienne.
La réaction
immédiate du commandant du corps des
Gardiens de la révolution, Hosein
Soleimany, a été de promettre de
résister à toute violation provocatrice
de la souveraineté du pays, quelle que
soit sa source, laissant entendre qu’il
disposait d’autres moyens de
représailles encore plus efficaces et
qu’il pourrait les utiliser à l’avenir.
Les commandants
américains ont évidemment imaginé que
les Iraniens, qui insistent sur le fait
que le drone était dans leur espace
aérien, ne s’en prendraient pas à lui,
tout comme ils ont évité de répliquer
aux attaques répétées d’Israël contre
leurs forces en Syrie. Peut-être le
drone a-t-il été envoyé pour tester la
réponse iranienne… Ou peut-être était-ce
une provocation délibérée et que les
Américains voulaient qu’il soit abattu
pour disposer d’un prétexte pour la
guerre ? Ce sont toutes des
possibilités.
Quoi qu’il en soit,
Téhéran fait une grande différence entre
le fait de violer l’espace aérien
souverain iranien au-dessus de la
province de Hormozgan, et le fait de
frapper des cibles iraniennes à Homs,
Hama ou Latakia, où la Syrie est la
puissance souveraine et où les forces
iraniennes ne jouent qu’un rôle
secondaire. C’est une question d’ordre
de priorités.
Il semble clair que
la décision d’abattre le drone n’était
pas le résultat d’un coup de tête, mais
en conformité avec une décision
politique prise il y a plusieurs mois de
résister avec force à toute violation,
qu’elle soit américaine ou israélienne,
du territoire, des eaux ou de l’espace
aérien iraniens. En d’autres termes, le
doigt était déjà sur la gâchette en
prévision d’une telle incursion.
On pouvait
s’attendre à ce que Trump ne prenne pas
cette humiliation à la légère et ordonne
une riposte sévère. « Vous le verrez
bien », a-t-il déclaré aux journalistes
jeudi quand il lui a été demandé comment
il réagirait. Les représailles
américaines pourraient prendre la forme
de frappes aériennes ou par missiles sur
certaines cibles militaires ou navales
iraniennes.
La question la plus
importante, cependant, est de savoir
comment Téhéran réagirait à son tour.
Les Iraniens céderont-ils aux pressions
internationales pour désamorcer la
situation ? Ou réagiront-il encore plus
fort, en ciblant par exemple des navires
de guerre américains ou des bases US
dans le Golfe ?
On ne peut que
faire des spéculations, mais les
événements récents semblent indiquer que
les dirigeants iraniens ne sont pas
d’humeur à céder. Il est peu probable
que le pays fasse marche arrière, à
moins que des médiateurs ne lui
transmettent la promesse américaine de
lever les sanctions et de s’engager à
nouveau dans l’accord sur le nucléaire,
ce qui semble loin d’être acquis dans le
climat actuel de forte tension.
Les Israéliens et
leurs alliés du Golfe ont exploité la
stupidité de Trump pour l’entraîner en
leur nom dans une guerre contre l’Iran.
Les Iraniens tentent cependant de lui
faire comprendre qu’une telle guerre
entraînerait des coûts exorbitants pour
les États-Unis ainsi que pour ses
alliés. Le premier dirigeant du
Hezbollah, Hassan Nasrallah, a averti
que toute guerre ne se limiterait pas à
l’Iran, mais mettrait en flammes toute
la région.
Même s’il n’y a pas
d’attaque américaine directe, les
Iraniens ne se contenteront pas
d’attendre que l’embargo de Trump les
fassent plier et stoppent leurs
exportations de pétrole. C’est une autre
chose que le président américain ne
comprend pas. Et qu’il ne comprendra
peut-être jamais avant de constater
l’ampleur des représailles iraniennes
contre les forces, les navires et les
bases US dans la région, ainsi que
contre les villes, les aéroports, les
centrales électriques et les usines de
dessalement de ses alliés.
*
Abdel Bari Atwan est le rédacteur
en chef du journal numérique
Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de
L’histoire secrète d’al-Qaïda, de
ses mémoires,
A Country of Words, et d’Al-Qaida
: la nouvelle génération. Vous
pouvez le suivre sur Twitter :
@abdelbariatwan
20 juin 2019 –
Raï al-Yaoum – Traduction :
Chronique de Palestine – Lotfallah
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