Opinion
Tunisie. A bâtons
rompus avec Marzouki, le futur président
Zohra
Abid
Lundi 21 novembre
2011
La question des postes-clés du prochain
gouvernement semble tranchée. Mais à
propos des portefeuilles ministériels,
ça se négocie encore et rien n’est
encore décidé. Kapitalis en a parlé avec
Moncef Marzouki.
Par Zohra Abid
Les informations fusant de toute part
donnent la présidence de la République
au secrétaire général du Congrès pour la
république (Cpr, 29 sièges sur 217),
celle de l’Assemblée nationale
constituante (Anc) à Mustapha Ben Jaâfar
d’Ettakatol et le Premier ministère à
Hamadi Jebali d’Ennahdha. Un communiqué
officiel signé par les trois parties
devrait être publié lundi. C’est-à-dire
avant la séance inaugurale de l’Anc
prévue le mardi 22 novembre.
Quant à l’accord sur les
portefeuilles du prochain gouvernement,
il traîne encore. Chacun des 3 partis
veut sa part du camembert. Chacun a
aussi une vision du rôle et des
priorités du prochain gouvernement. Ce
qui complique encore davantage la
situation.
Assainissement ne veut pas dire
vengeance
Au 45 rue Ali Darghouth à Tunis,
quartier général du Cpr, les choses
étaient, vendredi en fin d’après midi,
presque sûres. Les jeunes militants,
tout sourire, ne cachent pas leur fierté
de voir leur secrétaire général aux
commandes de la Tunisie. Dans son petit
bureau du 6e étage, Moncef Marzouki,
numéro Un du Cpr, préfère ne pas trop
s’exprimer. «C’est le silence radio. Je
préfère ne pas parler, car on est encore
en concertation avec les responsables d’Ennahdha
et ceux d’Ettakatol», a-t-il dit à
Kapitalis. Les traits tirés, les yeux
rouges et cernés, le futur président n’a
pas cessé d’accueillir ses invités,
venus sans rendez-vous. L’homme était à
l’écoute de tout le monde. Manque-t-il
de sommeil ? «Ça fait des mois que je
manque de sommeil. Je ne dors que 3
heures par nuit tout au plus», répond-il
Selon M. Marzouki, il y a eu accord
sur le poste de président de la
République. Mais il y a encore des
divergences sur les réformes. Le chef du
Cpr veut que les réformes préconisées se
fassent d’une façon rapide et radicale,
et il y tient beaucoup. Car, selon lui,
les électeurs ont choisi de voter pour
son parti afin qu’il aide à mettre de
l’ordre et à assainir plusieurs
secteurs. «Nous voulons rompre
définitivement avec le passé. C’est le
minimum à faire pour assurer le
changement. Sinon on ne peut pas
reconstruire sur un héritage miné de
l’intérieur», dit-il.
Certains Tunisiens vous trouvent un
peu rigide, et en politique, comme vous
le savez déjà, il faut bien parfois de
la diplomatie, de la flexibilité, un
esprit consensuel. Qu’en dites-vous ?
Réponse de M. Marzouki : «Là où il faut
être rigide, nous le serons et là où il
faut être souple, nous le serons. Mais,
une chose est sûre, nous ne voulons pas
de vengeance». Est-ce rassurant ?
Un
gouvernement de coalition pour tous les
Tunisiens
M. Marzouki et ses compagnons de
route ne veulent pas se contenter de la
présidence. Ils lorgnent sur d’autres
postes clés dans le prochain
gouvernement. Et ce n’est pas facile,
car ses partenaires ont exactement les
mêmes ambitions. «Nous sommes en train
de négocier, notamment en ce qui
concerne le portefeuille du ministère de
l’Intérieur et celui de la Justice ainsi
que d’autres ministères de
souveraineté», a précisé M. Marzouki.
Sur cette question, il semble qu’Ennahdha
n’est pas prêt à céder. Au bureau
exécutif du parti islamiste, tout le
monde montre une certaine réticence. Un
dirigeant du Cpr au ministère de
l’Intérieur serait un éléphant dans un
magasin de porcelaine ou une Alice au
pays des merveilles ? Plus sérieusement,
les gens d’Ennahdha ne veulent pas
brusquer les locataires de la bâtisse
grise de l’Avenue Habib Bourguiba, en
proie aujourd’hui au doute sinon à la
suspicion généralisée.
«Ennahdha ne semble pas être prêt à
accepter une personnalité du Cpr au
ministère de l’Intérieur, pas même au
poste de secrétaire d’Etat», a dit une
source officielle au Cpr. Or, M.
Marzouki, qui souhaite pour la Tunisie
sinon un Etat fort, du moins un «Etat
décidé», veut être le gardien du temple
des droits de l’homme en Tunisie.
Le Cpr va-t-il collaborer avec toutes
les parties, y compris avec les 26 élus
d’Al Âridha ? Réponse de M. Marzouki :
«Nous allons collaborer avec les
représentants de cette liste, qui font
après tout partie de notre peuple. Mais
pas avec Hachemi Hamdi. Car, ses
accointances avec l’ancien régime sont
confirmées».
Les relations du chef du Cpr avec les
dirigeants sont officiellement très
bonnes. Selon une idée fort répandue,
les islamistes auraient beaucoup soutenu
les listes de Marzouki, et d’abord en
lui cédant quelques uns de ses cadres.
On parle des avocats Samir Ben Amor,
Abderraouf Ayadi et Mohamed Abbou, qui
étaient, dans une autre vie, très
proches d’Ennahdha. Mais s’il n’a pas de
grandes difficultés à coordonner avec
Ennahdha, l’ancien président de la Ligue
tunisienne des droits de l’homme (Ltdh)
n’écarte pas des clashs possibles,
notamment au sujet des libertés et des
droits. «Nous serons là au moment qu’il
faut pour empêcher toute dérive et pour
que notre pays n’aille pas droit au mur.
Sinon, ce serait une grande trahison»,
affirme M. Marzouki.
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Publié le 21 novembre 2011 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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