Tunisie
Tunisie : Le
deuxième assassinat de Chokri Belaïd
Zohra Abid
Mardi 19 février
2013
Dimanche 17
février, un mémorial a été installé par
des artistes au lieu même où Chokri
Belaïd a été assassiné, en bas de
l'immeuble où il habitait, à El Menzah
VI. A la tombée de la nuit, des inconnus
ont détruit la statue.
Reportage de
Zohra Abid
Encore des inconnus. Comme, du
reste, les assassins de Chokri Belaïd,
leader de la gauche radicale, le 6
février. Encore une affaire non élucidée
: 12 jours après le crime, le meurtrier
court encore dans la nature. Basma
Khlafaoui Belaïd, épouse du martyr, a
juré de ne plus se taire, de continuer
le combat et appelé à un rassemblement
aujourd'hui à partir de 18 heures pour
condamner les auteurs de l'acte de
vandalisme d'hier soir.
A qui profite
le crime?
A l'initiative d'un groupe d'artistes
(peintres, graveurs, musiciens,
dramaturges, etc.), un appel à une
manifestation intitulée «A qui profite
le crime ?» a été lancé samedi en fin
d'après-midi, sur les réseaux sociaux.
Pas moins de 3.000 personnes se sont
rassemblées le lendemain dans le
quartier du martyr à El Menzah VI pour
demander à la justice d'accélérer
l'enquête à propos de ce crime odieux
qui fait encore couler de l'encre et des
larmes.
15 heures, tout le quartier jusqu'à
l'esplanade, en face du Monoprix, était
déjà noir de monde. Les Tunisiens,
encore sous le choc, continuent de
rendre hommage au martyr, d'autant ses
assassins ne sont pas encore arrêtés. Le
seront-ils d'ailleurs un jour? Beaucoup
en doutent...
Plusieurs personnalités de
l'opposition, des défenseurs des droits
de l'homme, des juges, des avocats, des
étudiants, des syndicalistes et, bien
évidemment, des partisans du Front
populaire étaient là, agitant des
drapeaux et banderoles avec des slogans
d'indignation, ou parés d'un tee-shirt
blanc estampillé du portrait tout noir
de Chokri Belaïd, appelant à la
non-violence et à l'union du peuple.
Grandeur
d'une veuve du combat
Une foule
des grands jours rassemblée dimanche
devant le domicile du martyr Chokri
Belaïd
Les uns ont fait de la musique, les
autres ont chanté des morceaux
patriotiques ou encore quelques morceaux
favoris de Chokri Belaïd, comme "Hayek
baba hayek". D'autres ont animé des
ateliers de peintures où des
dessinateurs, des peintres et des
graveurs ont réalisé des travaux
inspirés de l'assassinat et de ses
conséquences. D'autres encore ont fait
des discours à la mémoire du dirigeant
de gauche. Celui de Basma Khalfaoui
était plus qu'émouvant. Digne, et la
tête haute, l'avocate, qui était
entourée de ses amis, de ses confrères
et consœurs avocats, des centaines de
militants, de sa fille, de son beau
père... a encore une fois condamné les
violences et appelé à poursuivre le
combat pour la liberté et la dignité. Me
Khalfaoui Belaïd est en passe de
devenir, à l'image de son défunt mari,
une icône du combat pacifiste en
Tunisie.
A la tombée de la nuit, des centaines
de partisans du Front populaire
rentraient chez eux en trainant les
pieds tout en continuant à crier leur
colère et à clamer la nécessité de
révéler l'identité de l'assassin. Dans
leurs slogans, ils accusent le parti
Ennahdha et le gouvernement de Hamadi
Jebali d'être les responsables du
meurtre de leur leader.
La prière de
l'absent
Sur le lieu du crime, il était
presque 19 heures, quelques dizaines
d'hommes et de femmes accompagnés de
leurs petits, ont défilé, dans le
silence. Les uns ont posé des gerbes de
fleurs à côté du mémorial, représentant
le corps de Chokri Belaïd giclant de
sang, réalisé par des artistes.
Des
artistes installent une oeuvre à la
mémoire du dirigeant assassiné,
qui sera détruite par des inconnus très
peu après
19 heures 30, aucun lampadaire
municipal n'est allumé et la place est
plongée dans l'obscurité. Dans la lueur
des bougies, quelques individus
continuent à se recueillir. Le noir des
ténèbres est de plus en plus profond. La
place se vide au fil des minutes et ces
derniers, la peur au ventre, ont préféré
partir, ensemble. «J'ai la trouille.
Je sens comme si quelqu'un nous
guettait. Nous devons être de plus en
plus prudents, sait-on jamais!», a
dit à Kapitalis, une jeune Tunisienne
résidant en Aix-en-Provence, venue de sa
France adoptive, en famille et avec des
copains, pour rendre hommage à l'un des
symboles de la liberté et de la
démocratie de l'avant et après la
révolution.
19heures 50. En face du Monoprix, un
enfant, tenant la main de son papa,
dépose lui aussi une rose sang, à côté
d'une plaque en marbre où sont gravées
des mots d'hommage au martyr Chokri
Belaïd.
Deux petites heures après, on apprend
que l'œuvre d'art installé au lieu du
crime en bas de l'immeuble du martyr a
été détruite par des inconnus. La
nouvelle partagée sur les réseaux
sociaux a eu l'effet de la foudre. Les
commentaires ont fusé de toute part,
comme si on déplorait un nouvel
assassinat.
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Publié le 19 février 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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