Tunisie
Ces fillettes
victimes de bourrage de crâne salafiste
Zohra Abid
Photo:
Kapitalis
Samedi 7 juillet 2012
Les jardins d’enfants financés par des
associations islamiques – où la
violation de l’innocence de l’enfance
est flagrante –, poussent comme des
champignons. Le gouvernement fait
semblant de ne rien voir et laisse
faire. A quel dessein?
Par Zohra Abid
Alerté à plusieurs reprises par des
responsables du ministère de la Femme,
le gouvernement fait jusque-là, la
sourde oreille. Il ne voit rien, ne
réagit surtout pas et le temps ne joue
pas en faveur des petits.
On sait comment le drame de
l’Afghanistan a commencé: avec la
multiplication des médersas soi-disant
islamiques, qui se sont transformées en
fabriques de terroristes à la solde de
l’internationale wahhabite. Qu’attendent
les autorités tunisiennes pour prendre
conscience de l’ampleur du danger et
prendre les mesures qui s’imposent?
Les
associations islamiques imposent leur
enseignement
«Nous avons contacté le ministère
de l’Intérieur pour qu’il procède à la
fermeture immédiate de ces jardins
d’enfants soi-disant islamiques dont le
nombre commence à nous impressionner et
le contenu de leur programme religieux
non fondé nous inquiète au plus haut
point. Et le risque est vraiment grand.
Car il ne faut pas badiner avec
l’enfance. Ces jardins d’enfants fondés
par des associations religieuses se
moquent royalement de la pédagogie et
refusent de se soumettre à la loi. Nous
avons été alertés et à notre tour, nous
avons pris acte et alerté qui de droit»,
a déclaré à Kapitalis Faouzia Jabeur.
La responsable au ministère de la
Femme ajoute, sur un ton mitigé,
d’espoir et de désespoir à la fois, que
ces jardins d’enfants ne disposent même
pas de cahier des charges et que rien
que pour cela, les gouverneurs devraient
faire appliquer la loi, sans qu’ils
aient à revenir à leurs supérieurs,. «C’est
comme un café, un restaurant ou
n’importe quel autre commerce, car ces
jardins font au final du commerce, qui
ouvrent leurs portes au public sans
avoir rempli au moins un cahier des
charges… Mais, là, il n’y a rien»,
a-t-elle précisé.
Le 5 avril dernier à la Kasbah,
Mohamed Ali Khaldi, représentant du
ministère de la Femme, n’a pas nié lors
d’un point de presse, le danger
qu’encourent ces petits. Il a déclaré
que son département «a reçu un
rapport à ce sujet et il est en train de
coopérer avec le ministère des Affaires
religieuses pour trouver au plus tôt une
solution». Rien n’a été fait
depuis. Nourddine El Khademi, ministre
des Affaires religieuses, a-t-il trouvé
un accord à l’amiable avec les
extrémistes religieux? Auquel cas, quel
est son contenu?
Imposer le
voile aux fillettes en bas âge
A quand une
intervention du gouvernement?
Le ministère de l’Intérieur, selon
notre interlocutrice du ministère de la
Femme, a préféré ne pas trop se mêler de
cette affaire très sensible (s’agissant
d’associations à connotation islamiste
et idéologique) et a renvoyé la balle
dans un autre camp.
Depuis qu’Ennhadha est au pouvoir,
une pluie d’autorisations a été accordée
à des associations islamiques par le
Premier ministère. Que répond donc ce
ministère ?
Selon la responsable, il faut dresser
une liste de ces jardins d’enfants et
d’ici la rentrée scolaire prochaine, il
va falloir trouver une solution pour
assurer qu’ils se soumettent aux
procédures légales et aux programmes
pédagogiques officiels. «Inchallah.
Le Premier ministère nous a promis de
mettre de l’ordre dans ces jardins
d’enfants qui commencent à nuire à tout
le monde», rassure Faouzia Jabeur.
Depuis le début d’été, les jardins
d’enfants classiques ont fermé leurs
portes. Et ce sont les jardins d’enfants
dits islamiques qui en profitent,
prennent la relève et rendent service
aux parents en gardant leurs petit (e)s.
«Habituellement, il y a dans tous
les quartiers des kottab (écoles
coraniques), qui se chargent d’enseigner
le Coran selon les instructions du
ministère de tutelle. Mais aujourd’hui,
ce sont ces jardins d’enfants qui
drainent les petits et à n’importe quel
prix», raconte un habitant dans la
région de l’Ariana. Le mur de sa maison
est mitoyen à celui d’un jardin
d’enfants (une sorte de garage) géré par
une association islamiste. «Aujourd’hui,
on les compte par centaines et le fléau
est déjà là en train de miner tout le
système éducatif».
Embrigadement des enfants en bas âge.
En attendant la prochaine rentrée
scolaire, beaucoup d’eau coulera sous
les ponts et beaucoup d’enfants seront
déjà marqués à jamais par les
enseignements moyenâgeux qu’ils auront
reçus.
Ici, tête
baissée et tout est «haram»
Ces jardins d’enfants, qui enseignent
souvent la religion selon le dogme
wahhabite, complètement étranger à la
Tunisie malékite et hanbalite, sont hors
la loi. Ils disposent de bâtiments
luxueux, de studios ou de garages
aménagés avec le strict minimum. Pas de
jouets, c’est «haram» (licite),
pas de mixité, c’est «haram»,
pas de chant et de musique, c’est «haram»,
pas de danse et de jeu, c’est satanique…
«Ici, les fillettes sont voilées
de la tête aux pieds et à fond le
bourrage du crâne en compagnie d’un
personnel qui écorche même les versets
du Coran et qui leur raconte n’importe
quoi», raconte un autre habitant du
côté de Montfleury à Tunis.
La Tunisie, selon les données de
2011, dispose de 3.843 jardins d’enfants
dans tout le territoire et 1.200 écoles
coraniques. «Tous ces établissements
sont soumis au contrôle systématique des
responsables et respectent à la lettre
le cahier des charges», précise Mme
Jabeur. Et d’ajouter que des centaines
de petites filles sont actuellement
soumises à un sérieux embrigadement
religieux bien orchestré.
La sonnette
d’alarme est tirée et le gouvernement
prévenu
Selon une enquête menée par nos
confrères d’Echourouq, les
animatrices sont arrivées à faire peur
aux petit(e)s en leur racontant des
histoires noires. Du genre: «Si leur
maman ne porte pas le voile, elle va
avoir des serpents à la place des
cheveux». On peut imaginer ce qui
peut se passer dans la tête d’un enfant
en entendant des sornettes pareilles.
Psychiatres et sociologues sont ulcérés
de voir des petits traumatisés, qui ne
cessent de faire des cauchemars et qui
exigent de leur maman de couvrir la
tête. Ceci se passe aujourd’hui en
Tunisie, et dans plusieurs quartiers,
surtout populaires.
Au Maroc, ce fléau s’est répandu
aussi. Il y a à peine une semaine, le
Centre pour l’égalité des femmes
marocain, œuvrant dans les domaines
social, politique, économique et
juridique, a lancé une campagne de
sensibilisation contre le port du voile
par les fillettes.
Ce centre juge que le port du voile
est une «forme majeure de violence
envers les enfants» et a tiré la
sonnette d’alarme pour que les
organisations des droits de l’homme
interviennent et sauvent l’enfance.
Qu’attendent alors nos responsables
pour faire pareil? S’il ne va pas y a
avoir une intervention rapide pour
éradiquer ce mal, nos filles seront
éternellement condamnées à vivre sous
leur voile dans les ténèbres de
l’ignorance. Et c’est toute la société
qui en pâtira.
Copyright © 2011
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Publié le 9 juillet 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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