Opinion
Tunisie. Hamma
Hammami avertit:
« La contre-révolution est en marche ! »
Zohra Abid
Lundi 4 juillet 2011
Agressions sur des individus, agents de
la sécurité passifs, gouvernement
faisant la sourde oreille, ex-agents de
la dictature qui se repositionnent...
Hamma Hammami tire la sonnette d’alarme.
Par Zohra Abid
Au lendemain des actes de violence,
perpétrés dimanche à la Cité Ettadhamen,
empêchant par la force la tenue d’un
meeting du Parti ouvrier communiste
tunisien (Poct), personne n’est resté
insensible à ce qui se passe dans le
pays. Tout le monde semble écoeuré.
Selon le chef communiste Hamma Hammami,
la Tunisie risque de tomber encore une
fois dans les griffes des fascistes si
ses hommes ne bougent pas. M. Hammami
n’en peut plus.
Lors d’un point de presse, lundi au
siège de son parti, au 44 rue de la
Palestine, au centre-ville de Tunis,
plein comme un œuf jusqu’à l’escalier,
M. Hammami a lancé des accusations et
avancé que son parti va intenter un
procès. «Il s’agit d’un complot
sécuritaire programmé et le gouvernement
est le premier responsable», a-t-il
lancé.
La prière des barbus
Au banc des accusés: le
gouvernement provisoire de Béji Caïd
Essebsi, qui est en train de nommer à la
tête des institutions les hommes de
l’ancien régime! Le ministère de
l’Intérieur qui agit quand il ne faut
pas et qui démissionne quand il y a
urgence! Des salafistes manipulés «à
l’insu de leur plein gré»! Des
délinquants! Des criminels! Des
saoulards! Des drogués… et tous ceux qui
veulent empêcher la Tunisie d’accéder à
la démocratie !
Avec tous les affrontements qui se
succèdent alors que le gouvernement ne
bouge pas le petit doigt et n’intervient
pas, il y a, explique M. Hammami, une
volonté politique et même un intérêt
évident pour que les anciens du régime
déchu reviennent. Il a dit aussi que
l’ancien appareil s’est déjà mis en
place, sans crier gare. «Ce sont les
mêmes tortionnaires de l’ancien régime
qui nous collent devant le siège et qui
ont l’œil sur nous du matin au soir»,
a-t-il souligné.
Le leader communiste a appelé à la
mobilisation générale et à des marches
pacifistes, jeudi, dans toutes les
régions du pays pour dire non à ce
retour en force des réactionnaires. Dire
non, selon lui, tant qu’il est encore
temps au retour des fascistes qui, au
nom de Dieu, se mobilisent, provoquent,
sèment la peur et l’anarchie et agissent
avec des bombes à gaz, des pierres, des
matraques et des armes blanches et
refusent tout dialogue.
«Ils ont tout essayé. Ils sont derrière
les affrontements à Metlaoui, à Kelibia,
au Cinem’AfricArt, devant le Palais de
Justice de Tunisie. Ils sont derrière la
montée du régionalisme, du laïcisme, de
l’islamisme, du salafisme, des barbus,
etc. Et le gouvernement n’a jamais mené
des enquêtes sérieuses sur tous ces
faits. Il n’a jamais répondu d’une façon
claire. Mais c’est quoi tout ça!»,
s’est-il demandé. Et à propos des
barbus, le dirigeant communiste a sa
propre idée. «Saviez-vous que l’un des
assaillants de dimanche a perdu sa barbe
alors qu’il attaquait nos militants à la
cité Ettadhamen! C’est comme pendant la
prière collective sur le terreplein
central de l’avenue Habib Bourguiba, ,
il y a quelques semaines, lorsque
plusieurs personnes soi-disant militants
islamistes ont perdu leur barbe», a-t-il
rappelé.
Reconstitution des faits
«Suite à la demande de plusieurs
citoyens de la Cité Ettadhamen, ainsi
que d’autres cités populaires de la
banlieue, qui nous ont reprochés de ne
pas aller sur place les écouter et leur
parler de leurs problèmes de
chômage, de pauvreté, de
marginalisation..., alors qu’ils étaient
aux premiers rangs de la révolution,
nous avons décidé de tenir ce meeting.
Nous avons voulu rendre hommage à six
familles des martyrs», a-t-il dit. Et
d’ajouter que son parti a pris
l’autorisation de la municipalité qui
lui a réservé la salle couverte de
sport, alors que le ministère de
l’Intérieur a promis de veiller à la
sécurité de la réunion après en avoir
été informé. «On a envoyé un fax au
ministre de l’Intérieur et on nous a
tranquillisés», a dit le conférencier.
Prenant ensuite la parole, un témoin
a déploré ce qui s’est passé. Surtout
que c’était lui qui est allé parler aux
services de l’ordre qui se trouvaient à
10 mètres de la salle et qu’il les a
priés d’intervenir, sinon il va y a
avoir une boucherie. «Qu’ils s’entretuent,
m’ont- ils répondu», a raconté Tahar
Chagrouch, ancien membre de la Ligue
tunisienne des droits de l’homme (Ltdh).
«Nous avons appelé Kamel Dridi du parti
Ennahdha. Il est venu et a essayé de
protéger les femmes et les jeunes. Un
professeur de mathématiques à la fac a
reçu des coups par des soulards et des
drogués qui ne sont pas, selon notre
enquête, des habitants de ce quartier.
Il y a quelqu’un qui s’est mis à poil
devant les femmes, d’autres qui
insultaient avec de gros mots et
d’autres encore qui criaient Allah est
grand», a-t-il ajouté. Une véritable
chakchouka tunisienne, en somme, à la
sauce piquante!
D’autres témoins reviennent
sur la scène
Nabras Chammam de la Troupe de la
recherche musicale a été non seulement
témoin, mais il fait partie lui aussi
des victimes. 24 heures après, il a
encore la peur au ventre. Il était avec
femme et enfants. Il a dit qu’on lui a
arraché ses lunettes et son portable. «A
partir des fenêtres brisées, on appelait
à asperger la salle d’essence et y
mettre le feu, en criant à la mort des
‘‘koffar’’ (athées)», s’est-il indigné.
Pour Hamma Hammami, les choses sont
claires: «Tous les moyens sont bons pour
semer la discorde dans le pays! Des
manifestations pacifistes s’imposent
dans toutes les régions du pays pour
protester contre ce gouvernement en
parfaite collusion avec les agents de la
contre-révolution», a-t-il dit. «Nous
allons poursuivre notre chemin aux côtés
des autres forces démocratiques et
progressistes qui veulent réussir cette
révolution et réaliser ses objectifs.
Quant aux islamistes, notre position est
claire. Notre parti lutte contre la
dictature, contre la corruption, mais
pas contre la religion», a-t-il conclu,
en émettant l’espoir de voir les médias
faire correctement leur boulot en
rapportant ses inquiétudes et ses
avertissements à l’opinion publique.
Car, a-t-il dit, il a été choqué de voir
l’agence officielle continuer à
dénaturer les informations. «Dans le
cours normal des choses, le directeur de
cette agence, qui a appartenu à l’ancien
régime, aurait dû être mis à la porte
depuis longtemps. La Tunisie
post-révolution n’a plus besoin de ces
gens-là».
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Publié le 4 juillet 2011 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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