Ziad Medoukh est professeur de français à
l’université de Gaza. Il a été empêché par les autorités
israéliennes de se rendre en France alors qu’il bénéficie
d’une bourse de l’État français. Joint par téléphone,
l’universitaire, qui assistait aux obsèques de deux de ses
cousins et de trois voisins tués par les bombardements
israéliens, était sous le choc : « Ce n’étaient pas des
militants ni même des sympathisants du Hamas, dit-il d’un
ton ému. Je peux témoigner que pour la première fois depuis
1967 les habitants de Gaza sont en train de subir de tels
bombardements. Cette fois, c’est dur, dur, plus dur que ce
qu’on a vécu jusque-là. Samedi à 11 h 30 (heure locale), les
frappes ont débuté et ont duré près d’une demi-heure ; les
bombardements ont ensuite repris à la tombée de la nuit, à
18 heures, et durant presque toute la nuit… Depuis, on ne
connaît pas de répit : un missile ou des bombes largués par
avion ou hélicoptère tombent sur Gaza pratiquement toutes
les cinq à dix minutes. Ici, c’est l’enfer, la désolation,
il y a des cadavres et des corps déchiquetés dans la rue. Du
fait des coupures électriques (quatre par jour à cause du
blocus), on n’a pas beaucoup d’information, on ne sait pas
ce qui se passe vraiment. Il n’y a que le téléphone portable
pour s’informer. À Gaza, Israël bombarde ce qui a été
bombardé la veille. Il essaie de tout raser », précise-t-il.
« À travers une campagne médiatique
relayée y compris par certains médias arabes, Israël a
réussi à convaincre les pays arabes dit modérés, l’UE et de
nombreux pays que ses frappes ne ciblent que le Hamas. Or,
sur les 300 morts, hormis le chef de la police, il n’y a
aucun responsable du Hamas ou des brigades Al-Qassam (milice
armée du Hamas). Certes, 180 policiers qu’Israël assimile à
des combattants ont été tués, mais il y a eu 120 civils,
dont une majorité d’enfants et de femmes, qui ont péri »,
dit-il sur un ton excédé. « De plus, poursuit-il, tout le
monde le sait : Gaza est une région étroite, surpeuplée, où
plus d’un million et demi de personnes, entassées les unes
sur les autres, vivent sur 360 km2. Les postes de police,
les bureaux du Hamas y côtoient forcément les habitations et
quand on vise l’un de ces bureaux ou poste de police, on tue
forcément des civils ! Or les Israéliens savent très bien où
se trouvent les bases militaires du Hamas. L’Union
européenne, les États-Unis, qui ont appelé au boycott du
Hamas après avoir forcé le Fatah à organiser les élections
législatives remportées par les islamistes, savent que ce
sont des civils qui sont ciblés… ce n’est rien d’autre que
des bombardements aveugles. Sinon, pourquoi cibler et
détruire des écoles, des usines qui, du fait du blocus, ne
fonctionnent qu’à moins de 50 % de leurs capacités, des
mosquées, des habitations, des commerces, des dépôts
d’approvisionnements ? J’appelle cela une politique de
terreur. Pourquoi avoir imposé le blocus à Gaza durant deux
ans alors que les gens du Hamas ne sont pas affectés par ce
blocus ? Et Israël connaît parfaitement cette situation.
Pourquoi Israël empêche-t-il des malades de se faire soigner
en Cisjordanie alors qu’ils ne sont pas membres du Hamas,
pourquoi empêche-t-il l’entrée des vivres et des médicaments
à Gaza ? En fait, il y a une logique à cela : Israël veut
punir la population civile palestinienne. »
Pour Ziad Medoukh, il ne fait aucun doute
que « l’opération israélienne va participer à la montée du
Hamas. C’est peut-être le but de cette nouvelle guerre ? Or,
ici à Gaza, le vrai poids du Hamas est de moins de 30 %.
Plus de 50 % des habitants ne sont pas pour lui. Beaucoup de
gens s’y opposent. Mais les bombardements israéliens vont à
coup sûr renforcer le mouvement islamiste. Il apparaît comme
la seule force de résistance à l’occupation sur laquelle
Israël prétend s’acharner. À la longue, je dirais que le
Hamas est en train de gagner. Car au-delà des sensibilités
des uns et des autres, ces bombardements vont souder la
population de Gaza autour des islamistes. »