Photo: P.A.S.
Mercredi 2 juin 2010
http://www.counterpunch.com/ridley06022010.html
Je me demande combien, parmi vous, se
souviennent du détournement du navire de croisière italien
Achille Lauro, en octobre 1985 ?
Quatre membres du Front de Libération de la
Palestine avaient pris le contrôle du paquebot au large de
l’Egypte, tandis qu’il naviguait entre Alexandrie et Port Saïd.
Il s’agissait d’une opération bâclée au cours de laquelle les
pirates tuèrent un passager juif handicapé, Léon Klinghoffer,
après quoi ils jetèrent sa dépouille par-dessus le bastingage.
Cet incident fit les manchettes de la
presse dans le monde entier et il polarisa les gens autour de la
cause palestinienne. Il incita aussi les législateurs à inventer
de nouvelles lois faisant de toute prise de contrôle d’un navire
par la force un crime pour quiconque.
Voici la raison de cette petite leçon
d’histoire : sous l’empire de l’article 3 de la Convention de
Rome pour la Suppression des Actes Illégaux à l’encontre de la
Sécurité de la Navigation Maritime adoptée en 1988, toute
personne s’emparant du contrôle ou exerçant un contrôle sur un
navire par la force commet un crime international. Il en va de
même pour toute personne blessant et a fortiori tuant quelqu’un,
ce faisant.
Ce traité adopte nécessairement une
approche stricte. Nul ne peut attaquer un navire, puis alléguer
l’état de légitime défense au motif que les personnes se
trouvant à bord auraient résisté à son recours illégal à la
violence.
Autrement dit, selon le droit
international, les agissements de l’armée israélienne
enfreignaient la loi et ceux qui s’y sont adonnés doivent être
traités exactement, par exemple que des pirates somaliens qui
ont, eux aussi, pour habitude de s’emparer de navires par la
force.
Tous les droits à l’autodéfense, dans de
telles circonstances dramatiques, se trouvent exclusivement du
côté des passagers et de l’équipage de bord. Sous l’empire du
droit maritime international, vous êtes juridiquement fondé à
résister à toute tentative illégale de vous capturer, de vous
enlever et de vous détenir.
Ce qu’ont fait les personnes à bord de la
Flottille de la Liberté était parfaitement légal. Je pense
qu’elles se sont comportées avec grand courage face aux
commandos lourdement armés de l’armée israélienne, alors que
d’aucuns auraient pu juger leurs actions pathétiques. Quoi que
vous en pensiez, un certain nombre d’entre elles ont payé le
prix suprême leur droit international à résister.
Voici qu’Israël reste virtuellement isolé,
s’étant exposé lui-même en tant qu’Etat paria. J’ai écrit un
article, l’an dernier, où je les appelais les Pirates de la
Méditerranée, après qu’ils eurent illégalement pris d’assaut
d’autres navires transportant de l’aide humanitaire, kidnappant
leur équipage et leurs passagers.
Mais là, maintenant, j’aimerais que vous
vous posiez cette question : si un groupe de pirates somaliens
avaient agressé une demi-douzaine de navires d’aide humanitaire
occidentaux, massacrant une dizaine de personnes et en blessant
plusieurs dizaines, quelle aurait été, à votre avis, la réaction
internationale ?
Permettez-moi de vous dire que d’ores et
déjà une force armée de l’Otan serait en train de cingler à
toute vapeur vers la Corne de l’Afrique, accompagnée de deux ou
trois drones et de divers membres de la presse chargés
d’enregistrer l’occasion (Anecdote : l’Achille Lauro a coulé
dans l’Océan Indien, au large de la Somalie, en 1994…).
Aussi, comment se fait-il qu’Israël soit
autorisé à s’en tirer à si bon compte après son crime ? Dans un
acte prémédité, l’Etat sioniste a montré, une fois de plus, son
mépris total pour la vie humaine et pour le droit international.
Il y avait des retraités, des femmes et des enfants, à bord de
ces bateaux qui transportaient des sacs de ciment, des fauteuils
électriques pour handicapés, des jouets, des médicaments et des
purificateurs d’eau pour la population de Gaza.
S’étant rendu compte qu’Israël venait de se
tirer dans le pied, le Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu s’est mis à son tour à tirer… avec ses lèvres.
Il nous a intimé de croire que sa
soldatesque aurait agi en légitime défense. Puis, vingt-quatre
heures après, ce qui lui a donné le temps de nous concocter de
nouveaux bobards, il a dit au monde entier que ses nervis
étaient armés de tromblons à peinture et qu’ils ne s’attendaient
pas à devoir faire usage de leurs armes. Non content d’insulter
notre intelligence, il a ajouté que ses gentils troufions
attentionnés et stylés des Forces Israéliennes de Défonce
n’étaient montés à bord des navires qu’à la seule fin de
procéder à une inspection et à un inventaire…
Puis Mark Regev, le Pinocchio de la
politique israélienne, est venu à son secours. Il imagine que
ces malfaiteurs, embarqués dans ces bateaux, se sont emparés des
vrais flingues des hommes de « Tsahal », qu’ils ont utilisés
pour tirer sur les soldats. Ce sont précisément ces mêmes
soldats d’élite, hautement entraîné, le commando d’élite… Humm,
Môssieur Regev, si tel est bien le cas, pourquoi iriez-vous
envoyer l’équipe des super-cracs, s’il s’agit simplement d’un
inventaire ? Et s’il s’agissait d’une équipe aussi imbattable,
comment une poignée de civils a-t-elle pu réussir à les
maîtriser et à leur filer une bonne torgnole ?
Soit les soldats israéliens se battent
comme une escouade de vieilles femmes – c’est ce qu’en disent le
Hezbollah – soit ils avaient l’intention de massacrer les gens à
bord afin de s’assurer qu’aucun militant pacifiste ne s’avise
plus jamais de tenter d’aider la population palestinienne
assiégée à Gaza.
Eh bien, si tel était le but, c’est raté.
Tandis que j’écris ceci, de miens amis
héroïques, du mouvement Free Gaza, dont le juriste malaisien
Matthias Chang, voguent vers Gaza, à bord du navire si
judicieusement nommé Rachel orrie…
* Yvonne Ridley, journaliste
britannique et auteure de In The hands of the Taliban, qui doit
être actualisé et republié avant la fin de cette année. Elle est
également présentatrice de The Agenda et co-présentatrice du
Rattansi & Ridley Show, diffusés tous deux sur Press TV. Elle
est, par ailleurs, membre fondatrice de Stop the War Coalition,
ainsi que du parti politique Respect.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier