Opinion
Liberté
d'expression :
Sale temps pour les blogueurs en Tunisie
Yüsra N.
Mhiri
Jabeur Mejri et Ghazi Béji,
deux jeunes blogueurs tunisiens
condamnés à de lourdes peines de prison
pour «blasphème»: l'un croupit en prison
en Tunisie, l'autre obtient l'asile
politique en France.
Samedi 15 juin
2013 Le blogueur tunisien, Ghazi Béji,
en exil depuis mars 2012 en Roumanie, a
reçu mercredi une lettre de l'Office
français de protection des réfugiés et
apatrides (l'Ofpra), lui accordant le
statut de réfugié politique.
Ghazi Béji, condamné par contumace à
7 ans de prison ferme pour avoir
diffusé, sur les réseaux sociaux, un
livre de caricatures, ''L'illusion
de l'Islam'', jugé
blasphématoire par la justice, va donc
bénéficier du statut de réfugié
politique en France, c'est-à-dire
l'asile et la protection juridique et
administrative qui lui est lié.
Le départ en
exil
Ghazi, qui craignait de lourdes
peines de prison, a du fuir la Tunisie,
son pays natal, où un gouvernement à
majorité islamiste venait d'accéder au
pouvoir.
Son départ en exil n'a pas été une
partie de plaisir. Il est tout d'abord
parti en Libye, avant de rejoindre
Roumanie, après avoir passé des séjours
en Algérie, en Turquie et en Grèce.
En Roumanie, il a obtenu un permis de
séjour temporaire de 2 ans. Un réseau
associatif maghrébin l'a aidé à se
rendre en France. Arrivé à Paris, le 17
septembre 2012, il a été accueilli par
une famille marocaine, qui l'a hébergé
et lui a trouvé un emploi. Des
personnalités franco-tunisiennes, tels
que Abdelwahab Meddeb (écrivain et
poète) et Fethi Ben Slama
(psychanalyste), l'ont aussi aidé à
s'installer en France.
Ghazi est très ému et reconnaissant
envers la France et tous ceux qui l'on
soutenu dans son parcours du combattant.
«Aujourd'hui, j'ai reçu un courrier
de l'Ofpra m'informant que l'office
m'accorde l'asile politique avec tous
mes droits, pour une durée de 10 ans. Je
suis très content. Je suis reconnaissant
envers ma famille d'accueil pour son
aide», témoigne-t-il au
''Courrier de l'Atlas''.
Le jeune réfugié annonce aussi qu'il
s'apprête à se rendre aux Etats-Unis,
afin de signer un contrat pour un
scénario de film relatant son histoire.
Jabeur Mejri et Ghazi
Béji du temps où il étaient inséparables
en Tunisie:
aujourd'hui, l'un est en exil, et
l'autre en prison.
Une pensée pour Jabeur Mejri
Dans son entretien au
''Courrier de l'Atlas'',
Ghazi Béji n'a pas eu la moindre pensée
pour son ami Jabeur Mejri, condamné à
une peine de 7 ans et demi de prison
ferme, par le même tribunal et pour les
mêmes chefs d'accusation (diffusion d'un
document jugé blasphématoire sur la
toile, atteinte à la morale religieuse,
diffamation et trouble à l'ordre
public).
On peut dire que Jabeur Mejri, qui
purge sa lourde peine à la prison de
Mahdia, n'a pas eu la même chance.
Tous deux athées, et qui ne s'en
cachaient pas, ont écrit et diffusé sur
le web des écrits où ils affichaient
leur athéisme et tournaient en dérision
la religion islamique et le prophète
Mohamed...
Dans une Tunisie libérée de la
dictature et en transition démocratique,
le sort des deux jeunes blogueurs est
pour le moins paradoxal et lance des
signaux négatifs à l'opinion nationale
et internationale.
Quand le président du parti islamiste
au pouvoir, Ennahdha, Rached Ghannouchi,
annonce, lors d'une conférence au Saban
Center for Middle East Policy de la
Brookings Institution, aux Etats-Unis,
que «le blasphème n'est pas un
crime», est-ce que cela vaut aussi
pour Jabeur Mejri et Ghazi Béji, ou bien
cela participe-t-il de la tradition du
double langage souvent reproché aux
islamistes? En d'autres termes: un
discours politiquement correct en
direction de l'Occident et des pratiques
moyen-âgeuse à l'intérieur du pays.
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Publié le 15 juin 2013 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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