Egypte
Les trois
enseignements de la "victoire des
islamistes" en Egypte
Yamin
Makri
Lundi 25 juin 2012
Mais nous ne
sommes pas naïf, l'élection d'un
président sans prérogatives claires,
dont on ne connaît pas les pouvoirs,
dans un pays sans constitution avec une
assemblée législative dissoute par les
Généraux ne présage rien de bon.
L'accession des
Frères musulmans à la présidence du pays
le plus peuplé du Monde arabe est une
victoire symbolique énorme et il sera
certainement décrit comme l'événement de
ce début du XXIe siècle.
Car ce qu'il faut
d'abord retenir c'est que le peuple
égyptien à réussi à faire élire un homme
du peuple honni à la fois par les
généraux, par les autres dictatures
arabes et par toutes les capitales
occidentales inféodées aux intérêts
sionistes. C'est un signe qui annonce
d'autres bouleversements et cet
événement historique redonne espoir à
tous les mouvements de résistances
populaires bien au-delà de l'aire
arabophone-musulmane.
Mais nous ne sommes
pas naïf, l'élection d'un président sans
prérogatives claires, dont on ne connaît
pas les pouvoirs, dans un pays sans
constitution avec une assemblée
législative dissoute par les Généraux ne
présage rien de bon. L'Égypte a
aujourd'hui un Président élu qui devra
agir au sein d'un État et d'institutions
politiques, judiciaires et économiques
qui sont solidement aux mains de la
dictature militaire.
Le peuple égyptien
est encore bien loin d'avoir réussi à
prendre en main les destinées de son
pays et ce président élu n'est en rien
une garantie. Seule la rue et les lourds
sacrifices des forces vives de la
société civile resteront les véritables
garanties de l'évolution du long
processus d'émancipation qui est en
cours.
Malgré toutes ces
limites, les événements actuelles dans
ce pays, qui à été et qui reste un pays
phare pour toute l'aire musulmane, aura
d'énormes conséquences qui dépasseront
de très loin les contingences
égyptiennes.
Nous pouvons en
retenir d'ores et déjà trois qui ont
trait à l'évolution des révoltes arabes,
au renouveau de la résistance
palestinienne et à la mutation des
mouvements dits "islamistes".
1/ Tout d'abord cette
élection va redonner espoir aux
mouvements des printemps arabes qui
s'inquiétaient profondément après
l'étouffement du soulèvement au Bahreïn,
les débuts d'éclatement de la Libye
post-Kadhafi et la guerre civile qui
s'enclenche aujourd'hui en Syrie.
Malgré les larmes et
le sang, malgré les manipulations des
différents États arabes et occidentaux,
cette confirmation du choix populaire en
Égypte va renforcer ceux qui pensent que
la résistance des peuples arabes contre
les potentats, rois et généraux doit
tout de même se poursuivre jusqu'à
l'émancipation réelle des peuples. La
résistance populaire reste la seule voie
crédible, l'exemple égyptien le prouve
encore aujourd'hui.
2/ L'Égypte des
Généraux avec le royaume Saoudien sont
les principaux alliés de l'État sioniste
dans la région. Cette élection ne change
pas radicalement la donne mais elle
rendra plus difficile les manigances
américano-sionistes qui essaieront
d'imposer d'autres faux traités de paix.
L'accession à la présidence de l'État
égyptien d'un élu du peuple va donner un
nouvel espoir à la résistance
palestinienne qui a tant souffert des
régimes arabes complices soumis aux
désiradatas des États-unis.
Les Frères musulmans
ont évidemment donner des gages à
l'Occident pour ne pas remettre en cause
les accords de paix avec l'agresseur
sioniste, nous le savons bien. Une
élection n'est pas le seul fruit d'un
choix populaire. Cette démocratie
idyllique n'a jamais existé, en Égypte
ou ailleurs. Washington et ses alliés
sionistes ont accepté de "laisser faire"
cette élection "démocratique" à cette
seule condition. Mais le peuple égyptien
et le mouvement des Frères musulmans
sont foncièrement anti-sionistes, un
président élu, quel qui soit, devra
maintenant en tenir compte.
3/ Durant les années
vingt, lorsque Hassan Al-Banna mis en
place le mouvement des Frères musulmans,
il ne visait pas la prise du pouvoir
politique mais la réforme de la société
égyptienne et la prise ne charge de son
identité musulmane et arabe. À l'image
de Ibn Badis en Algérie ou de Said Nursi
en Turquie, l'objectif n'a jamais été
politique mais d'abord sociétal et
cvilisationnel. Par la suite, ce n'est
que la répression politique qui obligea
ces mouvements "islamistes" - comme
beaucoup les désigne - à s'orienter vers
la prise du pouvoir politique.
Pour Hassan Al-Banna
et tous les autres leaders du mouvement
réformiste musulman, le pouvoir
politique changera de lui-même lorsque
les peuples émancipés et conscients de
leur responsabilité feront les bons
choix.
Un siècle plus tard,
c'est sur cette terre égyptienne où pris
naissance le mouvement de Hassan
Al-Banna que l'un de ses dirigeants
accède à la présidence. Ce mouvement
"islamique" qui était surtout un
mouvement d'éducation populaire et de la
réforme sociale devra maintenant muter
et établir des alliances politiques au
niveau national mais aussi international
afin de répondre aux impératifs
sociaux-économiques de la gestion d'un
État.
Cette victoire
politique des Frères musulmans
égyptiens, paradoxalement, annonce aussi
la fin de "l'islamisme politique" tel
que nous l'avons connu durant le siècle
dernier. Leur arrivée au pouvoir en
Égypte et ailleurs les transformeront
tandis que dans les sociétés civiles,
forts de leur identité retrouvée et
reconnue, il faudra initier quelque
chose de nouveau pour poursuivre le
chemin des émancipations des individus
et des peuples.
Yamin Makri
est père de 4 enfants. Né en France,
c’est en France qu’il fait toute sa
scolarité. Il conclut son parcours
universitaire en 1987 par un diplôme de
chirurgien dentiste, puis par un Master
en informatique de gestion
Publié le 25 juin
2012 avec l'aimable autorisation
d'Oumma.com
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