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Opinion

Egypte : à la croisée des chemins
Tariq Ramadan


Tariq Ramadan

Mercredi 30 novembre 2011

Voici venir des jours décisifs. Les Egyptiens se rassemblent sur la place Tahrir, exigeant que l’armée se retire du pouvoir. Ils exigent un véritable processus démocratique et transparent au sein duquel la société civile puisse trouver sa place et son rôle légitimes. Il devient évident que cela n’est pas vraiment l’intention de l’armée, ni sa vision de l’avenir. Après avoir accepté la démission du premier ministre, la junte au pouvoir a nommé Kamal al-Ganzouri, un ancien lieutenant de Moubarak âgé de 77 ans. Le choix d’un tel candidat montre comment l’armée essaie de contrôler la situation. Tantaoui et ses sbires ne sont tout simplement pas prêts ni disposés à soutenir une transition démocratique véritable. En coulisses, ils cherchent des alliés et tentent de conclure des accords afin de se protéger et de continuer à contrôler l’Etat.

Les personnes qui manifestent sur la place Tahrir ont besoin de soutien. Ils ont clairement compris que l’Egypte est à la croisée des chemins ; si une libération véritable est au programme, alors c’est ici et maintenant que les choses vont être décidées. Faire partir Moubarak n’était que le premier pas ; désormais, les manifestants affrontent le régime, ses structures, ses intérêts et même ses alliés. Ces jours, ils sont en train de défier les forces les moins visibles, et les plus complexes, qui sont au cœur de l’appareil d’Etat égyptien, tant sur le plan national qu’international. Ce faisant, ils font non seulement face à des différends sur le plan intérieur, mais affrontent également des défis internationaux liés au Moyen-Orient (le conflit israélo-palestinien, les intérêts occidentaux et asiatiques, d’autres mouvements populaires, etc.). Cela ne sera pas facile : après des mois de résistance non violente (avec la retenue apparente de l’armée), nous assistons à présent à la répression, aux arrestations, à la torture et au meurtre émanant tant de la police que des forces armées. Ils se sont éventuellement excusés, mais quelque chose a changé. Il est essentiel pour les femmes et les hommes qui continuent de manifester sur la place Tahrir de rester non violents, de rester fidèles à la philosophie, ainsi qu’à l’esprit, des premières manifestations : pas d’armes, mais de l’assurance, du courage et de la dignité.

Vendredi dernier, la manifestation était appelée celle de la “dernière chance”. Nous devrions rester optimistes et faire des analyses en profondeur concernant la situation dans toute sa complexité. En coulisses, l’armée est en train de jouer un jeu peu loyal qui n’a rien à voir avec un potentiel avenir démocratique. Certains affirment qu’il faut de la patience ; il s’agit d’une période de transition. Cela est partiellement juste - la transition requiert du temps, des compromis et des efforts - mais ce n’est pas tout à fait ce qui se passe en Egypte. On entend des appels à la démocratie, on réitère des promesses (faites par la junte, annonçant qu’elle quittera le pouvoir en juin), et on fixe une date pour des élections, tandis que l’on négocie et fait des affaires visant à se partager le pouvoir et les intérêts. L’armée joue un rôle central : elle est en contact avec toutes les grandes organisations et tous les courants importants qui composent la société civile égyptienne. Parmi eux, bien entendu, les Frères Musulmans. Les tensions sont vives au sein de l’organisation islamiste : certains de ses dirigeants sont proches de la jeune génération et tiennent à soutenir les manifestants en appelant à une réforme complète et entière du régime tandis que d’autres (la majorité de la classe dirigeante actuelle) tiennent à protéger leur futur statut et rôle au sein de la société et sont prêts à négocier avec les forces armées afin de sortir de la situation actuelle. Il se sont parfois distancés des manifestations et ont joué un rôle ambigü entre la société civile et l’armée. De l’autre côté, on ne devrait pas oublier que les Américains ne sont jamais loin des négociations. Les forces armées égyptiennes sont un allié important et, bien que nous entendions des appels américains à ce que les civils s’emparent du pouvoir, la position étasunienne est loin d’être claire. Un accord entre l’armée et les Frères Musulmans pourrait s’avérer intéressant pour le gouvernement américain. Plus encore s’ils parviennent à convaincre un “civil” capable de plaire à la rue et de préserver leurs intérêts, tel que Mohammed el Baradei, afin d’assumer le pouvoir. Le printemps égyptien ressemble de plus en plus à de froids calculs politiciens au sein desquels les espoirs du peuple sont accessoires, si même ils ont quelque valeur.

L’Egypte n’est pas la Tunisie. Depuis le début déjà, j’étais pessimiste quant au fait que les Egyptiens suivraient les pas des Tunisiens. Ils m’ont donné tort. Mais la situation actuelle pourrait me donner raison à nouveau : les apparences peuvent être trompeuses. Il y a eu des manifestations, les espoirs ont été très élevés et Moubarak a finalement quitté le pouvoir ; mais nous sommes loin de l’exemple tunisien. Il serait intéressant d’analyser la situation égyptienne à la lumière de ce qui se passe en Syrie, au Yémen et en Libye (où les négociations secrètes entre le CNT, les gouvernements américain et européens donnent un aperçu de ce qui se trame réellement) bien plus que la situation en Tunisie ou même au Maroc, où le parti islamiste jouera désormais un rôle nouveau dans le paysage politique.

Des forces contradictoires - sur le plan national et international - cherchent à gagner du temps ; de puissants intérêts sont en jeu. Au Moyen Orient, les défis sont nombreux, tout comme le sont les intérêts conflictuels. D’authentiques et véritables démocraties en Egypte, en Syrie, au Bahrein, en Libye, ainsi qu’au Yémen sont loin de devenir une réalité. En fait, la démocratie authentique et véritable est loin d’être l’objectif de nombreuses personnes parmi les protagonistes de la région. La bataille ne sera pas facile. Il n’empêche que nous devrions demeurer cohérents et courageux dans notre soutien aux populations civiles qui refusent d’abandonner leurs revendications. Elles sont dans la rue en Egypte, en Syrie, au Bahrein et au Yémen ; elles se sont battues en Libye. Les défendre est absolument essentiel. Les personnes innocentes n’ont pas été tuées en vain ; quel que soit le résultat des calculs très malsains, faits en coulisses, quelque chose est en train de se produire dans le monde arabe. Aujourd’hui ou demain, il n’est pas seulement de l’espoir, mais encore une vérité historique : les peuples arabes trouveront certainement le chemin de leur accession au pouvoir et à la liberté. Que les forces armées, les pouvoir occidentaux et asiatiques, ou bien encore les pantins politiques puissent préserver leurs intérêts immédiats n’empêchera pas, au demeurant, les citoyens d’obtenir leurs droits, ainsi que leur dignité. Il s’agit d’une question de temps, et de courage. Ces jours-ci, le courage est partout dans les rues arabes.

Merci encore à S.H. pour cette fidèle traduction

© Tariq Ramadan 2008
Publié le 1er décembre 2011

 

 

   

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Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

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