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En Suisse: Signe intellectuel de «non intégration»
Tariq Ramadan
Tariq Ramadan
Samedi 28 novembre 2009
Le saviez-vous ?
La Suisse, mon pays, est championne du monde de football
dans la catégorie des moins de 17 ans (ça, c’est ma réponse
à tous mes amis algériens qui ricanaient lorsque l’Egypte a
perdu le match de qualification pour la Coupe du monde…
suis-je clair ?– sourire -). Récemment l’espoir du football
suisse de cette belle équipe, Nassim Ben Khalifa (d’origine
tunisienne, pas algérienne…suis-je clair encore ? –resourire-),
a osé affirmer qu’il avait de l’admiration pour « Tariq
Ramadan ».
La presse suisse allemande, puis francophone, s’en est
emparée comme « preuve » de la non intégration du jeune
joueur. Comment peut-on « admirer » un tel intellectuel ? Le
jeune homme a beau savoir utiliser ses pieds, il n’a
manifestement pas le cœur et l’esprit au bon endroit. Le
maillot à croix blanche cache des appartenances et des goûts
bien suspects.Très louche.
La très progressiste Association suisse pour un islam
progressiste a pris position en affirmant que le jeune
homme devait sans doute être sous le charme, aveuglé et sans
grande connaissance du discours de cet intellectuel
« dangereux ». L’Association, la seule qui, selon
ses propres dires, représente un islam ouvert (une
représentation bien dogmatique de la pensée libérale
unilatéralement monopolisée par elle-même), a renchéri sur
le doute et le danger. Voilà de « bons musulmans de
service » qui servent les desseins de politiciens douteux en
soutenant une sorte de chasse aux sorcières contre les
musulmans qui ne leur conviennent pas et ce au nom d’une
vision xénophobe, et souvent raciste.
C’est affligeant. Profondément. Le 29 novembre le peuple
suisse se prononce sur l’Initiative contre la
construction des minarets. L’initiative ne passera sans
doute pas mais on nous annonce un soutien de plus de 33% de
la population. De plus en plus, on attaque des symboles
visibles de l’islam en Suisse et en Europe : les foulards,
les minarets, etc. Sur le plan intellectuel, il faut
maintenant faire le choix de la bonne pensée « suisse ». Un
intellectuel musulman qui appelle ses coreligionnaires à
devenir des citoyens, à ne pas se sentir minoritaire, à
cesser de nourrir un sentiment victimaire, à s’émanciper et
à contribuer positivement à l’avenir de leur société est un
intellectuel dangereux pour tous les nationalistes chauvins
et racistes. Voici revenir les anciennes peurs et les
vieilles xénophobies. N’apprendra-t-on donc rien de
l’histoire ?
La Suisse d’aujourd’hui, celle de l’avenir, celle de la rue
comme celle du football n’est pas celle qui fait pression
sur un jeune joueur de football pour lui imposer de se
rétracter et de penser "juste"..."correctement", selon les
seules bonnes références d’une « intégration » à prouver
continuellement. La Suisse, ma Suisse, est celle de la
citoyenneté commune mariant la diversité religieuse et
culturelle. Celle de l’histoire commune de nos mémoires
plurielles. Celle de la Suisse avec Nassim qui fait
gagner son pays sur le terrain comme les citoyens suisses de
confession musulmane le feront gagner en culture, en art, en
politique, en économie et en dignité.
Et quand la Suisse jouera contre l’Egypte, je serai
simplement - et sincèrement - pour que le meilleur gagne
avec un petit sourire entendu à l’adresse de mes amis
algériens…puisque je ne saurais perdre... Deux fois gagnant
(re-resourire)
Avec les minarets, avec Nassim, et même un peu avec moi (si
je puis me permettre...) la Suisse est belle, la Suisse va
bien, la Suisse ira même mieux… forte de sa richesse et de
sa créativité plurielle.
© Tariq Ramadan 2008
Les
textes de Tariq Ramadan
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